Non, la procrastination n’est pas toujours notre ennemie

Les habitués du blog n’auront pu manquer de le remarquer: je suis très orientée « objectifs ». Je passe mon temps à faire des To Do Lists, et une journée où je n’ai rien accompli est une journée perdue à mes yeux. Pourtant, comme tout le monde, je suis sujette à la procrastination, cette soi-disant vilaine habitude qui consiste, par flemme ou par manque d’envie, à remettre à plus tard ce qu’on pourrait faire maintenant. Et vous savez quoi? Je ne lutte pas spécialement contre. Voilà pourquoi:
– Quand je suis en train de travailler et que je bute sur une difficulté de traduction, aller claquer 5 vies dans Candy Crush Saga ou regarder une vidéo de lolcats me permet de faire le vide dans mon esprit. Dix minutes plus tard, lorsque je me remets au boulot, mon esprit est une ardoise redevenue blanche sur laquelle la solution à mon problème ne tarde généralement pas à apparaître. 
– Quand un problème survient et que je répugne à prendre les mesures nécessaires, il arrive qu’il finisse par se résoudre de lui-même. Le colis très en retard pour lequel je ne me décide pas à faire une réclamation se matérialise un jour dans ma boîte à lettres. La tension entre moi et un de mes proches se dissipe toute seule avec le temps, sans que l’on doive en passer par une confrontation pénible. Ca ne fonctionne pas pour tout, bien entendu (si je néglige de porter mes vêtements chez la couturière, le lutin des ourlets ne va pas venir les raccourcir dans ma penderie), mais parfois, il suffit juste d’un peu de patience. 
– Quand je dois faire quelque chose qui ne m’enthousiasme vraiment pas, je peux le traîner sur ma To Do List pendant des semaines. Mais pour justifier de ne pas m’y mettre et éviter de (trop) culpabiliser, j’abats généralement des montagnes d’autres corvées par ailleurs. Tant que je reporte cette chose-là sur mon calepin de jour en jour, c’est fou ce que je suis productive à côté! Mes vitres restent tellement sales qu’on voit à peine au travers, mais ma comptabilité professionnelle est à jour, je ne manque pas une seule séance de fitness et j’ai pondu 4 articles d’avance pour le blog. 
– Quand je traîne vraiment des pieds pour accomplir une tâche, il y a presque toujours une leçon à en tirer. Si m’occuper de mon intérieur m’est si pénible, peut-être serait-il judicieux de prévoir un budget femme de ménage. Si je regimbe à poursuivre tel programme de fitness, c’est qu’il n’est pas adapté à ma condition actuelle et que je ferais mieux d’en chercher un autre. Si je ne me décide pas à tenir un véritable art journal alors que j’en parle depuis des années, c’est soit que je n’ai pas réellement envie de dessiner et que je préfère admirer le travail des autres (il vaut alors mieux l’admettre et passer à autre chose), soit que j’ai peur de ne pas y arriver, et que je devrais de décomposer mon objectif en étapes plus petites et moins impressionnantes.

– Parfois aussi, je finis par me rendre compte que si je ne fais jamais la chose que je procrastine, ou si je l’expédie au lieu de la soigner aux petits oignons, le monde ne s’écroulera probablement pas. En vertu de quoi, je ne sais toujours pas me servir de Photoshop ni d’Excel; pour l’usage que j’en fais, les corrections basiques de Picasa et les bêtes tableaux de NeoOffice me suffisent largement. Il y a toujours quelque chose de libérateur à renoncer à une pseudo-obligation pénible. (Spoiler: à mon infini regret, l’option « décider de s’en foutre » ne fonctionne pas avec les nécessités administratives du type déclaration des revenus et paiement des impôts.)

La vérité, c’est que  sous réserve de ne pas en faire un mode de vie, la procrastination peut nous rendre indirectement productifs, nous éviter des prises de tête, nous aider à voir clair en nous-mêmes ou nous permettre de réévaluer nos priorités – et je trouve vraiment qu’elle ne mérite pas sa mauvaise réputation!

8 réflexions sur “Non, la procrastination n’est pas toujours notre ennemie”

  1. Je plussoie: " Il y a toujours quelque chose de libérateur à renoncer à une pseudo-obligation pénible".

  2. C’est vrai qu’il a mauvaise réputation, ce mot 🙂
    En même temps, vu comme le monde est guidé par le capitalisme et la productivité, hein *invente l’eau chaude*

    Perso, j’ai dû apprendre à procrastiner et laisser les choses mariner. Adepte du « pourquoi ne pas faire aujourd’hui ce qu’on peut faire demain », j’ai dû subir quelques revers pour comprendre que oui, parfois, la situation peut se débloquer sans notre intervention et que la procrastination ne tue pas.

    Pour le travail, ça stresse un peu quand on a des deadlines plus serrées, mais généralement, ça marche. Au lieu de tourner la phrase dans tous les sens, on peut parfois passer à la suivante, pour y revenir plus tard.

    Pff, ça me rassure de voir le mot procrastination partout. Une fois, dans un test de trad, j’ai mis ce mot et mon relecteur ou ma relectrice l’a refusé (entre autres) parce que procrastination n’est pas courant en français et qu’il faut dire tergiversation. 2 choses bien différentes à mon sens.

  3. Non seulement ce n'est pas la même chose, mais j'entends beaucoup plus souvent procrastination que tergiversation! Tergiverser, un peu; tergiversation… si ça se trouve, c'est la toute première fois que je l'écris!

  4. Depuis toute petite, je passe un temps relativement plus important que les autres à "rêvasser". J'ai besoin de projeter/apprivoiser certaines choses avant de les faire. Et puis, pouf, tout se débloque et se déroule. Je ne m'en fais plus maintenant.
    Et puis, quand on apprend à se connaître, on commence à pouvoir distinguer les procrastinations productives que tu décris et celles qui cachent un problème dont il faut botter les fesses 🙂

  5. Que la procrastination permmette parfois de résoudre un rpoblème, j'en ai encore eu la preuve cette semaine ! Pendant que je remettais à plus tard cette fichue corvée dont je ne me sortais pas, affalée devant de mignons animaux à la télé, mon cerveau a trouvé tout seul 1) "pourquoi ça ne marchait pas et comment corriger cette erreur" et 2 ) "une super technique pour en venir à bout plus rapidement". Bilan : 1h de procrastination, des heures d'énervement en moins, et une tâche accomplie haut la main.

    Bon, il faut juste veiller à ne pas exagérer…

    NB : Par contre, quand je procrastine devant le ménage, aucun lutin ne vient le faire à ma place. Au contraire, la quantité de travail aurait plutôt tendance à augmenter… Trop injuste.

  6. Bon… je vois que tout le monde procrastine de façon extrêmement productive !

    Moi, pas du tout. Si j'arrête de bosser pour aller lire un truc ou jouer, je ne reviens pas au bout de 10 minutes. Ce qui me fait penser au podcast de Gretchen Rubin de la semaine dernière : est-ce que vous êtes quelqu'un qui peut se modérer/discipliner ou faut-il mieux exclure complètement le comportement en question ? Clairement, pour certaines choses (prendre des rdv médicaux, écrire, faire des réparations dans l'appartement), je ne dois pas du tout laisser venir car je peux attendre très longtemps…

    Et j'avoue que je n'ai pas tellement d'exemples de trucs que j'aurais remis au lendemain et qui se seraient résolus tous seuls.

    Par ailleurs, si j'ai bien identifié la période de maturation nécessaire à certaines activités (comme l'écriture dans mon cas), cela ne signifie pas que je le vive bien. Je sais par expérience que c'est une phase nécessaire, que je rumine et que ça finira par sortir, mais c'est douloureux, donc le plus vite j'en sors, le mieux c'est !

    Donc le jour où j'ai décidé de lutter contre mon penchant à remettre à plus tard, j'ai vraiment changé les choses.

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