JE VOUS ATTENDAIS, SIR TERRY

C’est Le Breton qui m’a fait découvrir Terry Pratchett. « Tu devrais lire Les Annales du Disque-Monde, c’est hilarant ». Je m’en souviens très bien, c’était à Nantes début 1994, avant même qu’on ne se marie et que je ne devienne traductrice. Pendant qu’il terminait son service dans un régiment de parachutistes, j’ai acheté les quelques tomes déjà disponibles en français, et j’ai adoré. Une fois, lors d’un passage à la librairie l’Atalante, j’ai croisé Patrick Couton qui était le traducteur français de la série, et j’ai discuté avec lui un moment. J’étais plus impressionnée que si j’avais rencontré Madonna. 
Pendant l’année où j’ai vécu aux USA, alors que j’étais en plein divorce, j’ai dévalisé mon Barnes & Noble local: à moi, tous les tomes seulement disponibles en VO! J’avais pleiiiiin de retard à rattraper, et Granny Weatherwax et ses copines sorcières m’ont vachement aidée à traverser une des phases les plus déprimantes de mon existence. J’étais complètement paumée; je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie, ni même où et avec qui, mais dès que j’ouvrais un des romans du Disque-Monde et que je me retrouvais dans les rues d’Ankh-Morpork, j’oubliais tout le reste. 
Après mon retour en France, j’ai continué à m’approvisionner grâce à Amazon. Chaque année, fidèlement, je pré-commandais le nouveau tome en format poche, avec les chouettes illustrations de Paul Kidby. J’ai acheté les companion books, les encyclopédies, les cartes annotées, les agendas et, lors d’une visite au Forbidden Planet de Londres, une petite figurine de LA MORT cuisinant des oeufs au plat avec un chat qui se frotte contre ses jambes. Et c’est grâce à « Good omens » (« De bons présages« ), le génial one-shot écrit en commun, que j’ai découvert Neil Gaiman, autre géant du genre. 
Et puis un jour, bien qu’à peine en fin de cinquantaine, Terry Pratchett a annoncé qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer. Au cours des années suivantes, tout en maintenant une activité littéraire intensive, il a milité avec passion pour le droit à l’euthanasie et produit en 2011 un émouvant documentaire appelé « Choosing to die ». Il s’est éteint aujourd’hui à son domicile, entouré de ses proches, à l’âge de 66 ans. C’est jeune pour partir. Du moins a-t-il pu choisir sa mort; combien d’entre nous auront cette chance? 
Le dernier tome des Annales du Disque-Monde paru en poche, « Raising steam« , languit sur ma table de nuit depuis presque six mois. Depuis quelques années, je commençais à être moins fan de la recette éprouvée que Pratchett appliquait à chacun de ses romans: une satire d’une institution moderne transposée dans un monde de fantasy délirant. Après la banque, la poste, les télécom ou le football (!), je n’accrochais vraiment pas à celui consacré aux chemins de fer. Mais je savais qu’il risquait d’être le dernier, et je ne pouvais me résoudre à m’en débarrasser sans l’avoir lu jusqu’au bout. 
Je finirai donc « Raising steam » en l’honneur de Terry Pratchett, pour boucler un cycle qui reste une de mes découvertes littéraires majeures et qui fut une source d’évasion fabuleuse pendant plus de deux décennies. 

Je n’ai pas réussi à trouver l’auteur de ce strip, mais je serais ravie de le/la créditer.

5 réflexions sur “JE VOUS ATTENDAIS, SIR TERRY”

  1. Pendant plusieurs années, la lecture de Terry Pratchett a été la manière la plus radicale et efficace de me remonter le moral. J'ai une réelle impression de perte. Alors que je ne l'ai jamais rencontré.

    Mélusine

  2. C'est un bel hommage, cet article.

    Je ne connaissais Terry Pratchett que de nom, n'était pas spécialement une grande adepte de la fantasy. Mais les nombreuses réactions positives autour de l'univers qu'il a créé me donnent envie de le découvrir.

  3. J'ai découvert Terry Pratchett un jour où j'avais le moral un peu en berne, et où je cherchais un livre qui me ferait du bien. je ne sais plus qui me l'avait recommandé, mais rarement remède a été aussi efficace !
    Je ne les ai pas tous lus, je les garde justement en réserve pour ces moments-là, à petite dose.

    Mais c'est étrange comme ce monde, ces personnages, ce style vous habitent dès qu'on a refermé un seul livre !

    (Et je viens d'apprendre le nom originel de Mémé Ciredutemps. A ce propos, vive le traducteur, il a vraiment fait un travail extraordinaire ! )

  4. Moi aussi j'ai découvert Terry Pratchett à Nantes, c'est un copain de promo qui m'a prêté les premiers tomes. J'étais toute émue hier quand j'ai appris la nouvelle, c'était un des rares auteurs qui me fait hurler de rire quand je lis ses livres.

Les commentaires sont fermés.

Retour en haut