D’habitude, les premières parties m’ennuient toujours. Mais Perhaps Contraption (orchestre de cuivres) et Die Roten Punkte (duo frère-soeur au look goth dont les chansons parlent d’un dinosaure, d’une banane ou d’un bébé robot qui se prend pour un lion) offrent tous les deux une prestation tonique et déjantée. Je n’ai pas fait de concert debout depuis 20 ans au moins; le temps qu’Amanda Palmer entre en scène, je commence déjà à avoir mal au dos et à la nuque à force de me tordre le cou pour tenter d’y voir entre les têtes des gens devant moi – l’inconvénient de ne pas atteindre le 1,60 m même avec les 5 cm de talons de mes confortables boots de moto.
Pourtant, dès les premiers accords de « Do it with a rockstar », je commence à sauter dans tous les sens comme tout le monde. Soudain, je perds Amanda Palmer de vue. Où est-elle donc passée? Puis la foule s’écarte devant moi et une petite rousse au dos trempé de sueur se jette à reculons contre moi. Tiens c’est bizarre, on dirait qu’elle a un micro à la m… Elle se retourne en m’agrippant l’avant-bras et continue à chanter en me fixant sans me voir, comme si elle était en transe. Ah, euh, bonjour madame Palmer. Je dois être une des seules personnes dans la salle qui n’est pas en train de hurler les paroles du morceau; c’est très gênant. Alors, je souris bêtement et je tiens son bras en retour pour l’empêcher de s’écrouler en arrière. Une très longue demi-minute s’écroule ainsi avant qu’elle se propulse vers quelqu’un d’autre comme une boule de flipper. (Corynne Charby, sors de ce corps!) Dis donc, c’est physique comme communion avec le public.
Pour « The killing type », elle reste sur scène à hurler, gesticuler et grimacer en brandissant son micro. Ca change un peu des chanteuses en contrôle permanent de leur mignonnitude. Puis elle va se placer derrière son synthé et entame le début d’une mélodie plutôt calme quand tout à coup… son guitariste se lance dans les premières mesures de « Smells like teen spirit ». S’en suivent cinq minutes de folie furieuse. Amanda Palmer se jette dans le public qui la porte allongée, d’abord de dos puis à plat ventre, à travers toute la salle sans qu’elle s’arrête une seule seconde d’éructer dans son micro. Quand je vois le mal que j’ai à chanter en position verticale, je ne peux qu’applaudir la performance. Enfin, je l’applaudirais si je n’étais pas occupée à soutenir la fesse gauche de l’artiste tandis qu’elle passe au-dessus de ma tête.
De mon point de vue imprenable, je peux constater combien elle est athlétique malgré son petit gabarit. Ca aide sans doute pour exécuter ce genre de performance. Moi, je fais des bonds dans tous les sens avec le reste du public, mais j’avoue que je crache très vite mes poumons qui n’ont pourtant pas vu une seule volute de fumée de clope depuis presque 8 ans. C’est bien que j’aie décidé de me remettre au sport. Mon pull en angora est roulé en boule au fond de mon sac à main, et je ruisselle quand même de sueur; mon nichon droit (le plus petit mais le plus fourbe, apparemment) tente une échappée de mon débardeur pas vraiment conçu pour une utilisation en conditions aussi extrêmes; j’arrive tout juste à respirer et mon dos commence à me faire un mal de chien. Bref, je passe une des meilleures soirées de ma vie.
Il y aura deux autres reprises marquantes au cours de la soirée. D’abord « Walk on the wild side », en hommage à Lou Reed mort quelques jours plus tôt et qui fut l’une des grandes inspirations d’Amanda (on s’appelle par nos prénoms depuis que ma paume droite a fait intimement connaissance avec la partie la plus charnue de son anatomie). Pour ce morceau, elle s’assied sur un ampli au bord de la scène et confisque le smartphone d’un spectateur qui était en train de la prendre en photo. « Lou would have punched you in the face, you know » (« Lou t’aurait foutu son poing dans la gueule, tu sais ») raille-t-elle avant de brandir l’appareil à quelques centimètres de son visage pour réaliser un autoportrait grimaçant. Elle appuie sur un bouton et… oups, l’appareil était en mode vidéo. Elle le restitue très vite à son propriétaire avant de se mettre à chanter. (Un autre spectateur aura moins de chance plus tard, quand elle lancera son smartphone dans sa direction au lieu de le lui restituer en mains propres. Difficile de dire ce qu’est devenu l’appareil dans la cohue.)
Pour sa troisième reprise, Mandy (on devient de plus en plus proches au fur et à mesure que la soirée avance), explique que d’habitude, à Bruxelles, elle fait une reprise de Jacques Brel qu’elle adore, mais que pour ne pas lasser les gens qui étaient déjà là les fois précédentes, elle a choisi quelque chose de différent ce soir. Et elle se lance dans un surprenant mais endiablé « 99 luftballons » qui est l’occasion de piquer une nouvelle suée en jouant les pois sauteurs dans la fosse.
Parmi les autres moments mémorables de ce concert, on peut citer le morceau (je n’ai pas retenu suffisamment les paroles pour pouvoir l’identifier a posteriori grâce à mon ami Google, mais une spécialiste me souffle qu’il s’agit sans doute de « Bottomfeeder ») durant lequel Amanda enfile une veste munie d’une très longue et très ample traîne multicolore avant de se lancer dans la foule pour un nouvel épisode de crowdsurfing. Son énergie et la confiance qu’elle place en son public sont absolument bluffantes.
Le deuxième tiers du concert, beaucoup plus calme, permet à tout le monde de reprendre son souffle. Amanda reste seule en scène et chante en s’accompagnant au piano ou au ukulélé. Puis le Grand Theft Orchestra revient, accompagné des musiciens de Perhaps Contraption, pour un dernier tiers de concert et un rappel qui déménagement au niveau du son même si l’Orangerie est une salle de taille très modeste. Je ressors de là lessivée mais ravie.
La musique a tenu une grande place dans ma vie quand j’étais ado et jeune adulte (j’imagine que c’est le cas pour la plupart des gens). Puis plus du tout, au point que depuis quelques années, j’ai pris l’habitude de dire « je n’aime pas trop la musique » comme je dis « je n’aime pas trop le cinéma ». Mais samedi soir au concert d’Amanda Palmer, j’avais de nouveau quinze ans et le rock dans le sang. Cette fille est une performeuse exceptionnelle. Si elle repasse en Belgique ou même à Paris, je serai dans la salle.
Vous pourrez en admirer d’autres sur son blog, ici.
Tu piques ma curiosité ! (je n'écoute vraiment plus grand chose…). C'est vrai qu'un bon spectacle c'est aussi ce qu'on y ressent ! Tu devrais venir nous écouter : je peux te jurer que ça serait très différent 😀 (on sait aussi mettre le feu, mais c'est juste un peu moins visible, c'est tout)
J'aurais tendance à dire que "c'est pas trop mon truc", mais là, tu réussis à donner envie ! On sent vraiment que tu as passé une super soirée !
J'adore amanda palmer !!!!! Coïncidence, j'en parlerai jeudi mais à travers les dresden dolls…. et je l'ai ratée à Bruxelles… pffffff
Ça ressemble à l'Orangerie du Bota, ou c'était ailleurs ?
Voui c'est bien ça, quel coup d'oeil!
Pour la question des nichons fugueurs, je ne crois pas que ce soit VRAIMENT un problème dans un concert d'Amanda Palmer… 🙂 #dearDailyMail
https://www.youtube.com/watch?v=eGPDWEjjN3Q&ytsession=HUc8vYd3thQWAweAQ3VnJNf1TfeNC9zUja3Va1MwLm2w2qNSHZxKIVhu1smEXRr6gxyrXnDzriMD-6uNNJ_foA0SPk1dryuEIitQAXKTTKJRmp7gzec5DY6eK0U7y2bUFPQG29PCD6anG1XUG2mdjrOLzK-ijepjs8vAMHzo737vW4rSs7BxVzUzkXi7iMinDaiuIZc6D_Kqtwy5VlqJOwus-kOAiPAYpPPvhrtSeH9Awpj_WOBXUE6ZCCGHXG4a-EXQp_kH9TCI5novLnfhmZhBSy6KzC0ACh9dJesr5ACGcrogFb3AHugefIlsUJT23DfSUMSLR-YRBOfhtYERfPLnHwYBj8TtPleI-z0J1yopcZrD_kdtZFfbZg9zaoRRirnqLHhSAZ2C9BnJP9E7EBuKDoDCgrgtr3S7kDI_eIdrErJ26aoVxE2j7I-8F1UCg6NRqCaH8Xx2j3ja1igPUcpNuXnsbYGpQpCKIVBtPZ_79FSQWWrL4-TzpWIxXEJ8GzHy0qctPIk
Je connais l'histoire, et j'avais adoré sa réaction, du coup ça m'a bien fait marrer pendant le concert.
Comme beaucoup, je l'ai découverte suite à l'épisode du Daily Mail, pis après forcément, j'ai écouter la conférence TED, maté des vidéos, écouté des morceaux… Elle a une énergie fascinante en image, je ne peux qu'imaginer ce que ça donne en live. Merci pour tes impressions 🙂
:-O
Ouais, en plus, les places coûtent que dalle…