De l’indulgence envers autrui

J’aimerais dire quelques mots au sujet du premier et du moins concret de mes objectifs pour ce mois de janvier. On me reproche souvent d’avoir un jugement assez dur sur les gens qui m’entourent, et c’est la stricte vérité. L’incompétence, le manque de volonté, la geignardise sont des choses qui m’irritent très rapidement et très fort. Je me mets vite en colère contre les interlocuteurs professionnels qui ne font pas correctement leur boulot; je me détache systématiquement de ceux de mes amis dont le comportement me déçoit. 

Au début de l’été, ma soeur m’a engueulée parce qu’elle me trouvait infecte avec notre mère, et je me suis accrochée avec Chouchou pendant les vacances de Noël pour la même raison. Mais j’ai beau compatir, ô combien, à son chagrin, sa litanie d’éternelle victime me fait grimper aux murs. Dans un tout autre registre, Etre Exquis, prévenu par texto du décès de mon père, ne s’est pas manifesté depuis mi-octobre. Pas un mot de condoléances, rien – alors que j’ai reçu tant de messages adorables de parfaits inconnus. On pourrait penser que ça n’est qu’un incident mineur au regard d’une amitié qui dure maintenant depuis 15 ans. Mais je ne l’ai jamais rappelé pour qu’on se voie, et je lui en veux tellement que je ne suis pas près de le faire. 
A ma décharge, si je suis sévère avec mon entourage, la personne vis-à-vis de laquelle je me montre la plus exigeante, c’est moi-même. Je ne demande à autrui rien de plus que ce que j’attends de moi: une volonté constante de faire au mieux de mes capacités, d’avancer sans m’apitoyer trop longtemps sur mon sort, de m’améliorer chaque fois que ça m’est possible et quand bien même ça me réclame beaucoup de travail. Sauf que… cette exigence, je choisis de me l’imposer, alors que les autres n’ont rien demandé. Ils ne désirent pas forcément que je mesure leur valeur à l’aune de mes critères délirants. 
Ma promptitude à critiquer n’est pas un trait de caractère que je trouve très productif ou très sympathique. Quand je m’énerve contre eux, je n’incite pas mes interlocuteurs professionnels à faire preuve de plus de bonne volonté pour résoudre le problème qui m’amène. Quand je me braque contre une personne de mon entourage, je ne l’encourage pas à modifier son attitude: je pourris juste notre relation. Evidemment, rien ne m’oblige à continuer de fréquenter des gens que j’estime toxiques pour une raison ou pour une autre. Mais je pourrais aussi mettre de la distance entre nous  sans ruminer et récriminer contre eux comme je le fais actuellement. Ou, soyons fous, faire preuve d’un peu de compassion et tenter, dans une certaine limite, de les accepter tels qu’ils sont, en me focalisant sur leurs qualités plutôt que sur ce que je considère comme de graves défauts.

Voilà donc ce à quoi j’ai décidé d’employer consciemment une partie de mon énergie en janvier – non pas comme une expérience limitée dans le temps, et qui m’autoriserait à redevenir infecte au 1er février, mais à titre d’essai, pour voir si cela modifie de manière positive mes relations avec mon entourage. 

19 réflexions sur “De l’indulgence envers autrui”

  1. Oh, j'aurais pu écrire ce post à quelques points près…
    Il y a eu une période où, grâce à quelques paroles pertinentes de ma psy, les choses étaient beaucoup plus faciles et sereines…
    Mais là, depuis quelques semaines, c'est de nouveau du grand n'importe quoi. Du à mon petit moral-enthousiame-confiance en la vie, certainement.
    Bref, si tu as des pistes concrètes (ou des lectures) pour avancer sur ce point, ça m'intéresse.

  2. Je te soutiens à fond dans ta démarche. Il y a un an ou deux, j'ai décidé d'être beaucoup plus indulgente avec moi, d'abord. (J'ai parfois des critères d'exigence un peu délirants). Et en étant indulgent avec soi, on le devient avec les autres.

    Accepter les petits défauts des autres, et ne pas trop s'y attacher. (On peut trépigner et raler 5 minutes, hein, n'exagérons rien, et puis se dire après que ce n'est pas grave et que ce sera vite oublié.)

    C'est pas toujours évident pour moi, parfois l'attitude de certaines personnes me donne envie de les envoyer dans le mur. Mais l'expérience est très profitable et positive, et depuis j'essaie de pratiquer l'indulgence tant que je peux.

    (Mon premier challenge avait été de ne ronchonner que pour les vraies grosses contrariétés pendant une semaine. Pour m'aider à faire la différence entre vraies contrariétés et petits agacements passagers)

    Et maintenant, j'essaie aussi de dire gentiment et sans brutalité si quelque chose me gêne vraiment chez quelqu'un.

  3. Oh, je suis assez indulgente envers moi-même pour certaines choses. Je me passe très bien le fait d'être une grosse feignasse gourmande, par exemple. Mais je ne m'autorise pas (ou en tout cas, pas longtemps), l'auto-apitoiement, la déloyauté ou un travail en-dessous de ce dont je suis capable, et je n'ai pas l'intention de bouger sur ces critères-là car ils me définissent d'une manière qui me plaît. Reste qu'ils ne sont pas obligés de définir les autres…

  4. Un jour mon frère m'a demandé si j'attachais autant d'importance aux exigences des autres pour calibrer mon comportement et leur plaire.
    NON!
    Alors pour quelle raison devrais-je être la reine mère et m'imposer en permanence comme modèle dans le rapport à l'autre?
    J'ai reçu comme une claque, ce jour là. J'ai eu un peu honte.
    Aujourd'hui, je m'oblige à accepter l'autre comme il est. S'il ne me convient pas et que ce qu'il est m'est insupportable je m'éloigne de lui tout simplement.
    La vie est beaucoup plus relax et VRAIE depuis

  5. Que cela est rassurant de savoir que je ne suis pas la seule à avoir les mêmes exigences envers moi-même et les autres…

    Quelqu'un m'a fait remarquer il y a peu que ce manque d'indulgence était exactement ce que j'ai tant reproché à mon père. Mais aujourd'hui qu'il n'est plus là, je sais que c'est grâce à lui et à son exigence que je dois énormément.

  6. Tu as tout à fait raison, chère, euh…
    Message à tous les anonymes: même si vous ne voulez pas vous loguer dans Blogger, essayez de penser à signer vos commentaires d'un pseudo ou d'un autre, c'est plus facile pour vous situer et vous répondre 🙂

  7. (Et donc bien entendu, mon commentaire ci-dessus a croisé celui de Tetepe, à qui il n'est pas adressé.)

  8. Je suis très différente car plutôt trop cool et empathique,du coup je me fais parfois marcher sur les pieds,alors je me déteste et décide que ça ne se reproduira plus etc (ça marche pas) .
    J'ai "l'air" d'avoir une grande gueule,ce qui me sauve de temps-en-temps.
    Cela dit j'ai un peu de mal quand les gens disent "je suis exigeant avec les autres MAIS aussi avec moi-même,hein",j'ai envie de répondre "encore heureux!".Un copain est comme ça, dur et cassant MAIS tellement bosseur et perfectionniste,ah ok,ça va alors!
    Je luis ai dit "c'est un peu facile comme argument pour être désagréable et passer tes nerfs sur les gens, fais ce que tu veux pour toi mais n'emmerde pas les autres,ils s'en foutent que tu sois en quête de perfection avec toi-même!"…dialogue de sourds,évidemment.

    AS

  9. Je suis fort comme ça aussi, globalement. Mais j'ai lâché du lest ces derniers temps, j'ai l'impression.

    Ce qui m'a aidé, c'est d'être moins imbue de ma certitude d'être sur le bon chemin en relativisant le package "s'améliorer, aller toujours plus loin, ne pas s'apitoyer, résoudre le souci qui se présente et travailler sur soi".

    Ce n'est pas "LA" façon de vivre sa vie mais "une" façon de vivre sa vie, un choix… On a tendance à oublier qu'il vaut autant que d'autres choix (même moins consciemment décidés), parce que les bouquins et autres types de production de psycho-bien être-self help (ça a un nom, toute cette nébuleuse?) l'ont inscrit dans le marbre comme le but ultime de notre civilisation à l'échelle individuelle. Enfin, c'est mon avis.

    (et – déformation professionnelle – j'ai relativisé aussi historiquement, en observant, un peu comme une sociologue, à quel point ces valeurs sont liées à une époque, produites par elle, et pas une valeur intrinsèquement sûre et belle).

    C'est à ce point un choix parmi d'autres qu'appliquer cette "hygiène de vie" m'a parfois rendue aussi désagréable aux yeux de proches qu'eux pouvaient l'être à mes yeux avec leurs défauts et limites non dépassées (ou l'absence de volonté de le faire).
    Bref, un point partout, balle au centre.
    Et puis avoir un défaut ou une limite, même si on assure tout haut juste derrière qu'on souhaite s'y attaquer, ne fait pas de moi quelqu'un de moins limité ou agaçant au moment même.
    En gros, il n'y a rien de mieux de mon côté qui me permette de péter un câble sur les gens, même si je me targue d'une philosophie de vie en laquelle je crois.

    J'ai aussi réalisé suite à certaines situations que les personnes à qui je prêtais peu de cette volonté n'en manquaient pas forcément, mais qu'elle n'était juste pas visible à l'horizon.
    Parce qu'ils ne la verbalisaient pas de la même façon que moi qui formule les choses facilement et fait état de tas de développement philosophico-pschychologiques à qui veut les entendre (d'ailleurs là, j'écris une tartine, mes excuses). Tout le monde n'a pas besoin, comme moi, de rendre ça lisible aux yeux du monde en gros.
    Et aussi parce que parfois la concrétisation de l'effort arrive longtemps après le défaut ou la faiblesse et que pendant ce temps là, un ami a le droit de me choisir comme la personne avec qui il se montre faible et il geint (et j'en ai eu besoin ces derniers temps). Il ne devrait pas être obligé de me donner l'assurance que son but est bel et bien de reprendre du poil de la bête ou d'agir, rendre tout ça lisible pour que j'accepte son état. Et ces moment de pause où on se roule en boule/lutte contre une limite sont parfois longs et agaçants mais inévitables. Et qu'une personne soit faible avec moi ne veut pas dire qu'elle n'est pas forte ailleurs, avec quelqu'un d'autre, à un autre moment.

    Bref, je suis pas mal dure avec moi même et je l'ai été jusqu'à bien me remettre à ma place. Bien sûr, je le faisais déjà régulièrement vu mon niveau d'exigence à mon égard et je me targuais de mon travail psychologique sur moi-même (parfois, je me mettrais des claques)… mais en laissant la certitude que ma façon de faire était la bonne et l'amélioration de soi un but que tout le monde devrait partager hors d'atteinte de cette remise en question… mais je pense qu'elle doit y passer aussi …. 🙂

    Mais, malgré cette tartine, je suis sûre de rester aux yeux de mes proches une personne suffisamment agaçante pour qu'ils continuent à me rentrer dans le lard quand il faut… 🙂

  10. Je suis un peu comme ça aussi mais sous d'autres angles et la dualité soi-même vs amis est des fois très dure à vivre. On a des principes mais il est dur d'accepter les "défauts" des autres et d'évoluer avec sans lâcher un grognement ou l'autre alors que ça va à l'encontre de tout nos principes.
    Je crois que ce côté m'a beaucoup aidée à avancer seule et à arriver là où j'en suis sans devoir rien à quiconque. Il faut une sacrée discipline quand on est indépendant…
    Une fois que j'en aurai fini avec le projet de l'appart, j'ai l'impression que je pourrai un peu lâcher prise envers moi-même et donc les autres.
    En tous cas, très belle et honorable résolution. Je t'encourage de tout mon coeur! Je suis persuadée que c'est un des nombreux chemins vers une certaine sérénité.
    Et une bonne année à vous deux!

  11. Ness: ton commentaire est très réfléchi et très intéressant, comme toujours 🙂 Je suis d'accord sur le fait que ce "chemin" est un produit de notre époque et de notre civilisation, et non la voie parfaite dans l'absolu. Cependant, une fois que tu as satisfait tes besoins principaux (logement, nourriture, sécurité – voir la pyramide de Maslow), tu te retrouves, en tant qu'Occidentale chanceuse qui a le loisir de s'occuper un peu de son nombril, à développer d'autres besoins. Chez certains, ce sera la reconnaissance d'autrui. Moi, je me fous de ça, ce qui m'intéresse, c'est d'être le plus heureuse possible. Et ce bonheur maximal passe, entre autres choses, par le fait d'être en accord avec mes valeurs (loyauté, éthique du travail…) et en harmonie avec mon entourage. Il me semble donc normal d'y travailler en l'absence de priorités plus urgentes pour le moment (je touche du bois!).

  12. Mais il est exact que je ne devrais pas partir du principe que tout le monde est tenu d'adopter la même démarche.

  13. C'est dingue comme je me suis retrouvée dans ta description…mais pour moi cette exigence peut être très positive..reste l'amitié : j'attend un haut niveau de respect à mon égard, comme je le fais pour d'autres…et puis je suis parfois déçue…j'ai donc choisis pour le moment de m'éloigner des gens qui ne correspondent pas à qui je suis. Pour le reste..je vais y réfléchir!

  14. Il y a plein de gens satisfaits de leur médiocrité et certainement bienheureux 😉

    Cela dit, je pense que c'est de toutes façons perdu d'avance d'attendre des autres qu'ils fassent "bien" ce que l'on juge important pour soi-même, simplement parce que ce qui est facile pour moi peut être inatteignable pour toi ou simplement un truc dont tu n'as rien à battre (et vice versa, évidemment).

    Pareil pour ce qui est de surmonter les évènements: gamine, j'ai pas eu la vie super facile, du coup je méprisais allègrement mes pauvres petits camarades en thérapie à 13 ans parce qu'ils ne supportaient pas le divorce de papa et maman. Jusqu'à ce que je comprenne que l'on a tous des sensibilités différentes et des façons de gérer les coups durs différentes (après, je comprends l'agacement vis-à-vis de celui ou celle se complaît ou semble se complaire dans son malheur et l'envie de les secouer, mais ça peut aussi être un de leur "coping mechanism" et transitoire…)

    Le risque est de n'arriver à tolérer que des gens qui nous ressemblent, et c'est bien dommage. J'essaie de limiter mes critères "incompressibles" au plus important (genre l'honnêteté) et essayer de lâcher du lest sur le reste. Pis moi je dis qu'une fois qu'on s'en fout un peu plus, on s'économise de sacrées pertes d'énergie…

  15. Tu as raison sur les critères incompressibles… c'est juste que j'en ai/avais peut-être un peu trop! Et c'est vrai aussi que je fréquente surtout des gens qui me ressemblent (90% d'intellos de gauche, disons), comme beaucoup de monde je pense. Une certaine diversité, c'est bien, mais je n'ai aucune envie de m'entourer d'électeurs du FN analphabètes, ne serait-ce que parce que je considèrerais justement comme une sacrée perte d'énergie le fait de tenter de discuter avec eux ^^

  16. Evidemment, il ne faut pas non plus se faire du mal en traînant avec n'importe qui…

    Mais 90% d'intellos de gauche ? Quel enfer 😉

    J'ai un bon mélange de gens de gauche, de droite, du centre, avec de fortes convictions religieuses ou athées, avec des diplômes universitaires ou des professions manuelles ou artistiques, etc. dans mes amis et cela s'est fait sans que j'y pense. Je n'ai gardé quasiment aucun contact avec mes "pairs" polytechniciens après mes études, maintenant que j'y pense.

    Ça s'engueule parfois et on doit souvent être "d'accord de ne pas être d'accord" (discuter mariage homosexuel avec des potes évangélistes, c'est vite chaud, par exemple), mais c'est intéressant.

  17. Y'a des critères sur lesquels ça ne me pose pas de problème qu'on ait une autre opinion que moi. Par exemple, tant qu'ils ne tentent pas de m'évangéliser, les croyants sont bienvenus dans mon entourage. Pour ce que j'en sais, c'est eux qui ont raison et moi qui me trompe! Et j'arrive à faire avec les gens de droite traditionnelle modérée. Mais clairement, je recherche davantage la compagnie de ceux qui ont une vision du monde globalement compatible avec la mienne.

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