Jeudi matin. Levée avec migraine et nausées, comme désormais chaque fois que je dors passé 9h. Dame Nature a décidé que je ne ferai plus jamais de grasse mat’ de ma vie. La tentation de jeter d’avance toute cette journée à la poubelle est forte comme la douleur qui palpite derrière mon front. Mais j’ai des courses à faire, des courses qui ne peuvent pas attendre. Avec des gestes précautionneux de petite vieille, je glisse dans mon sac la liste des choses à acheter au village, j’empoigne mon caddie rose et je descends l’escalier en catimini pour ne pas me faire intercepter par ma voisine.
Le grand soleil et la température qui avoisine les 18° ont vite raison de ma mauvaise humeur. Je n’ai pas mis de manteau, mais je transpire presque dans mon petit pull. Premier arrêt, la Poste. Le monsieur avec la grosse moustache blanche et les yeux d’un bleu incroyable fait toujours la manche devant la porte; nous échangeons un sourire et quelques phrases sur la météo si agréable en ce premier jour de mars. A l’intérieur, je fais un peu la queue. Une dame dans la file voisine s’exclame: Boudiou, j’y comprends rien moi à tous ces imprimés, et mon sourire à peine remisé reprend aussitôt du service.
Mon tour arrive. Je me débarrasse de tous les paquets que j’ai à envoyer, puis je sors les deux avis de passages trouvés la veille dans ma boîte à lettres. Sans conviction, je hasarde: Il y en a un daté du 6 février, mais j’avais envoyé une lettre pour demander qu’on me garde le colis jusqu’à aujourd’hui…. L’employée acquiesce. Voui-voui, il est là, dans le coin. J’ai du mal à en croire mes oreilles. Sourire – once more, with feeling. Les petits villages ont quand même quelques avantages sur les grandes villes; je doute que l’on m’aurait rendu ce service au bureau de poste de la Porte de Namur. Je récupère donc la commande Lov Organic passée en janvier sur Vente Privée, et aussi les deux produits Garancia envoyés par Sephora. Je les tasse au fond de mon caddie rose, et en route vers l’étape numéro 2.
A la boulangerie de la place de l’église, je réclame une baguette aux céréales et, comme je n’ai pas petit-déjeuné, je me laisse tenter par une douzaine de bugnes. Je demande à la dame si je peux les prendre en photo; non seulement elle accepte volontiers, mais elle me dit: Attendez, je vais les arranger mieux sur le plateau, ça fera plus joli! Hop, dans le caddie rose par-dessus mes paquets. Au Huit à 8, j’achète des filets de poulet déjà cuits, des lentilles vinaigrette, du fromage blanc, des pains au lait, du jus de pomme en briquettes, des sacs poubelle de 50l, une recharge de coton-tiges. Il me reste juste un peu de place sur le dessus du caddie rose pour les fruits et légumes que je vais choisir chez mon primeur: oranges, mandarines, patate douce, avocat, et puis zut, mettez-moi aussi une coeur-de-boeuf bien rouge et deux petites aubergines. 12,37€. Tenez, voilà 15, je ne peux pas faire mieux.
J’empoche ma monnaie et traverse la rue pour me rendre chez ma fleuriste. Beaucoup de plantes en pot mais peu de fleurs coupées aujourd’hui, juste des lys que je n’aime pas, des roses dont je ne raffole pas non plus, et des germini dont je commence à me lasser. Allez tant pis, je vais quand même prendre une douzaine de germini. Vous avez quoi comme couleurs? Moitié roses moitié rouges alors. Non, pas la peine de me faire un super emballage, c’est pour manger tout de suite. Par contre, vous me coupez les tiges bien court, hein? La dernière fois, elles étaient trop longues pour mon vase, et j’ai dû les attaquer avec des ciseaux de maison. Ils n’ont pas aimé le fil de fer.
Arrivée chez moi, je déballe mes courses en boulottant les bugnes dont le sucre glace me colle un peu aux doigts. La baguette sème déjà ses petites graines partout. Je respire l’odeur sucrée des mandarines, je caresse la peau tendue à éclater de mon unique tomate, j’admire le violet brillant de mes aubergines. Je mets de l’eau dans mon vase et y dispose joliment les fleurs. La mauvaise nouvelle, c’est que se sentir profondément heureuse n’empêche pas d’avoir mal à la tête. La bonne nouvelle, c’est qu’avoir mal à la tête n’empêche pas de se sentir profondément heureuse.
ça fait plaisir de lire ça 🙂
(Et merde, la France et le sud me manquent quand même un peu, même si je dis que non, non, je ne veux pas rentrer)
Ah, l'odeur de la boulangerie, avec les baguettes bien rangées et les patisseries, le soleil…Et les oreillettes parfumées à la fleur d'oranger.
Bon, sur ce, je vais rejoindre mes croissants et mon jus d'orange frais..
Ca fait du bien une journée pareille 😉
La Princesse: je râle beaucoup contre le temps que je perds en trajets et le fric que ça me coûte d'entretenir deux apparts… mais en fait, le Sud me manquerait trop. Le soleil, l'accent, les amis que j'ai ici, la mer, et puis la vie de mon village.
Emilie: Et encore, ce n'était que le matin ^^ Bon l'après-midi j'ai bossé, c'était un peu moins fun.
Cet article met de bonne humeur, fais plaisir à lire et me donne envie de faire des oreillettes !
C'est peut-être cliché, mais il n'y a effectivement que dans le Sud que je ressens cette douceur de vivre. C'est peut-être aussi parce que je n'y ai jamais vécu, j'y ai seulement passé beaucoup, beaucoup de temps, mais à chaque fois sur de courtes périodes. Je ne sais pas si je deviendrais blasée à force d'y vivre. En tout cas, c'est sûr, la Bretagne n'est qu'une étape sur le chemin de notre vie !
J'ai toujours vécu à Bruxelles; mais le Sud me manque beaucoup aussi, surtout en hiver, va savoir pourquoi… 😉
C'est vrai qu'il en faut peu pour être heureux… Et même si je vis pas dans le sud, il suffit d'un article comme le tien pour faire ma journée! ^_^
Je passais en vitesse et … je l'ai lu jusqu'au bout ce billet. Merci, le soleil y brille encore un peu plus fort sur ma terrasse aujourd'hui grâce à toi! :o)
Moi aussi,j'ai parfois des migraines uniquement si je fais la grasse matinée,jamais quand je vais bosser.C'est sûrement lié,donc.
Sauf que mes migraines à moi m'empêchent même de regarder mon écran de portable allumé,alors aller au marché,ya pas de risques,ahah!
ANNESO
Un article absolument délectable, qui me donne envie d'aller faire des courses là tout de suite. Le mal de tête, c'est très pénible, mais tu as raison, ça n'empêche pas le bonheur.
Tu as illuminé ma journée, merci !
C'est drôle toutes ces réactions positives, parce qu'au moment où j'écrivais ce post, je me rappelle avoir hésité en me disant: mais qui ça va intéresser que j'achète du fromage blanc et des aubergines????