Pour faire plaisir aux fans, à l’éditeur et aussi, accessoirement, à mon banquier et à mon dealer de chaussures, j’ai accepté de traduire le tome 12 de Série Préférée, un monstre de près de 2 millions de signes, en quelque chose comme deux mois et demi. Ce qui aurait été assez peinard si un certain nombre de facteurs ne s’étaient pas ligués contre moi. En tête: la chaleur étouffante dans notre appartement et… une tripotée de scènes de fesses toutes plus elliptiques les unes que les autres.
Passe encore que la description de chaque geste et chaque sensation prenne un paragraphe entier, dans lequel reviennent sans cesse les mêmes mots (ce qui ne gêne pas trop en anglais mais devient vite lourdingue en français). Non, ce qui me hérisse le poil, c’est que l’auteur n’emploie pas un seul terme anatomique. On est dans le registre BDSM orgiaque, avec des situations incroyablement osées, mais le sexe de l’héroïne n’est jamais appelé que « down there » ou autre formule équivalente, son clitoris « this special spot »… Quant au pénis de ses nombreux partenaires, il est assimilé à toute leur personne (« he was swollen ») ou à ses caractéristiques physiques (« his hardness »).
Ne pouvant soupçonner l’auteur de pudibonderie, j’en suis réduite à penser qu’il existe une raison logique à son choix de vocabulaire. Si elle utilisait certains mots, ses romans seraient peut-être considérés comme du porno et classés dans un rayon pas franchement grand public, ce qui pourrait nuire à ses chiffres de vente. J’avoue que sur ce point, je ne connais pas les usages en vigueur aux USA.
Bref, je ne la blâme pas, mais ça ne me facilite pas vraiment le boulot. Je ne peux pas rester aussi vague qu’elle, et je ne veux pas employer des mots d’argot car cela changerait complètement le ton de la narration. J’essaie donc de m’en tenir aux termes anatomiques susmentionnés… tout en ayant conscience que, dans l’intérêt de la fluidité de la lecture en français, je m’éloigne de l’original. Mon boulot consiste aussi à faire des choix, mais comme la traduction n’est pas une science exacte et qu’il y a rarement de solution unique à un problème donné, je peux être certaine qu’à un moment où à un autre, quelqu’un contestera ma décision et m’accusera d’avoir fait du mauvais travail. C’est la vie.
Dernier dilemme en date: l’héroïne couche avec un homme qu’elle vouvoie en français, bien qu’il soit son amant régulier (un choix que j’ai déjà dû justifier à peu près un million de fois). Dans le feu de l’action, elle crie « Fuck me ». Alors, je traduis par « Baise-moi » ou « Baisez-moi »? Malgré la rupture de continuité, je vais opter pour la première solution, parce qu’il me semble que les circonstances sont assez intimes pour justifier une petite entorse aux règles de la bienséance. Mais je suis à peu près certaine que dans les semaines qui suivront la publication du bouquin, je vais recevoir des mails disant « Oui alors c’est quand même bizarre, elle le vouvoie avant et après mais pas pendant, je ne trouve pas ça très logique… ». Si quelqu’un a les coordonnées d’Arielle Dombasle et de BHL, ça m’arrangerait qu’ils puissent me filer un mot d’excuse.
Chouette, chouette, chouette ! J'attends le tome 12 avec impatience ..
Un jour quand même j'aimerais bien avoir un exemplaire dédicacé par la traductrice tiens !
hé ben moi ça ne me choque pas …je trouve ça plutôt logique 😉 tu as fait le bon choix, c'est évident ! Bon courage pour la suite !
Au contraire, c'est plus un vouvoiement bien raccord avec le reste qui me choquerait ici. Bon choix, donc. ^^
Oui, le tutoiement dans ces cas précis se justifie tout à fait, quitte à revenir au vouvoiement après. C'est quand même plus logique qu'un truc Dombaslien du style "Cher ami, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir visiter mon Pôle sud ? Mais côté face seulement, aujourd'hui."
Autre exemple, qui n'a rien à voir avec le cul, mais qui est du même acabit : il y a un entraîneur de foot professionnel (Gilbert Gress) qui a toujours vouvoyé ses joueurs, mais il lui arrive pendant une action de match de passer au tutoiement (style : "Fais gaffe !"). Il avait très justement expliqué qu'on parle plus vite en tutoyant, et que cela s'imposait parfois.
(Dis, si jamais la canicule revient et que tu souffres de cette chaleur pour bosser, j'ai un appartement non loin de chez toi, équipé d'un vent un peu frais permanent et habité par deux chats aux cordes vocales proches du néant 😉 Appartement à ta disposition donc hein =))
Ingrid: oh, c'est très gentil ça! A défaut de venir bosser chez toi, ce serait bien qu'on mange un bout ensemble un de ces 4, ça fait longtemps que je ne t'ai pas vue…
Deja vecu similaire experience -stop- confirme solution – stop- dans le moment en question effectivement les constructions sociales tendent a flechir -stop- Imprimatur 😀
Je préfère aussi la version "Baise moi"..
Mais ta mention de "he was swollen", je me souviens que ça m'avait fait rire dans l'autre serie de l'auteur en question.
J'imaginais le gars qui gonfle partout façon réaction allergique chaque fois qu'il a une erection…Oui, un rien m'amuse, c'est bien vrai.
Je suis arrivée sur ce blog via Daelf. Ca n'a rien à voir, c'est juste pour dire 🙂
Je suis très curieuse de savoir ce que tu traduis. Le choix des expressions anglaises me parait bizarre, dans n'importe quel romance novel de base, on trouve les mots "clitoris" ou "penis" sans que ça classe l'auteur dans le porno. Ce n'est souvent même pas classé en romantica.
Je ne suis pas une experte, mais j'aurais aussi choisi "baise-moi". Dans une scène de sexe, l'héroïne perd tout contrôle et utilise le tutoiement comme une caresse.
Bienvenue à toi Snow Lily 🙂
Pour la série dont il est question, je n'écrirai pas son nom ici, mais regarde la photo qui illustre ce post…
http://leroseetlenoir.blogspot.com/2010/03/un-petit-concours-ca-vous-dit.html
Je vois. Et ça ne va pas améliorer mon opinion sur cette série. J'ai essayé de lire le premier tome en VO, il y a normalement tous les ingrédients que j'aime, mais j'ai fait un rejet avec cette auteure.
Je suis tombée sur la liste des livres que tu as traduit et j'ai vu qu'il y avait des titres familiers et fort sympathiques 🙂
Oh ben avec plaisir ?!
Après ton retour de Tonpatelin ?
A ta meilleure convenance 😉
Et bien pour pratiquer avec mon amant (trip XIXème), nous nous vouvoyons tous les jours, et parfois surgit un tutoiement (transgressif) pendant les moments coquins, ce qui est particulièrement excitant…puis reprenons le vouvoiement ensuite.
(je sais chacun son trip, mais c'est délicieux)
Armalite, souviens-toi de la phrase immortelle:
"Traddutore, tradittore"
Y'aura toujours quelqu'un pour pas être content.
Comme toi, je pense que l'hypocrisie bourgeoise des choix de termino anglais est juste destinée à ne pas obliger l'éditeur à déclarer la série en érotica ou un truc de ce genre qui se vendrait moins. Faut voir ce que vise l'éditeur français, c'est pas un choix de traduction mais un choix de marketing, à ce niveau.
Ici ZORRO
punaise… après moults sauts de blogs en blogs je m'arrête sur ton article intitulé "force Rose". cela m'intrigue, quelqu'un reconnaitrait enfin le pouvoir titanesque des powers rangers ^^… j'aime alors j'en lis un second, puis un troisième etc… et là je m'aperçois que tu es en train de traduire une de mes séries favorites… la classe ^^
pour répondre/continuer/bavarder… à propos de ton dilemne sache que les séries Harlequin des années 70 avaient déjà cette même problématique.
Même après copulation, la douce et frêle jeune fille ne peut s'empêcher de vouvoyer le beau mâle viril et âge de 10/15 ans (minimum) de plus qu'elle…
alors imagine JC et ses 400 ans de plus que Mlle
Oui, c'est ce que je me dis aussi!
En tout cas merci et bienvenue, Siobann!