10 excuses bidons bonne excuses pour ne (toujours) pas écrire

Depuis des années, les gens de mon entourage me demandent « Alors, quand est-ce que tu nous ponds un roman? ».
Et depuis des années, je réponds invariablement: « C’est pas le tout de savoir écrire en français correct, il faut avoir quelque chose à raconter, et moi j’ai pas d’idée ».
Sauf que là, j’en ai une qui me tarabuste depuis quatre jours.
Pour être honnête, elle ne date pas de vendredi dernier. Je revois très bien le moment où je l’ai eue. Je traversais le parking de l’immeuble où j’ai habité petite fille pour gagner le centre commercial voisin, et elle m’est tombée dessus sans trop crier gare. C’était il y a, euh… boâ, à peine plus de dix ou onze ans.
Depuis, elle a ressurgi pour me culpabiliser chaque fois qu’on me posait la fameuse question et que je faisais la fameuse réponse. « En vérité, tu en as une, d’idée; tu es juste trop feignasse pour l’exploiter », me soufflait une petite voix sévère. « Oui mais bon, entre une idée et un roman fini, y’a tout un processus vachement long et compliqué, me défendais-je avec véhémence. Il faut concevoir des personnages, décider ce qu’ils vont faire ou ce qui va leur arriver, sous quel angle on va le présenter… Et j’ai aucune idée de ce qui peut bien se passer dans la tête des autres; j’ai déjà assez de mal à comprendre ce qui se passe dans la mienne! »
Vendredi soir, je ne sais plus bien pourquoi, j’ai évoqué THE idée avec Chouchou. Qui a aussitôt saisi un papier et un crayon et embrayé bille en tête. « C’est pas dur, il faut procéder par étapes. Combien il y aurait de parties dans ton pseudo-recueil-de-nouvelles-qui-est-en-fait-un-roman? » « Mmmmh… six plus une, soit sept. » (J’aurais dû faire un doctorat de mathématiques.) « OK, qui se passeraient à quelle époque? Avec quels personnages? » Avant de m’en rendre compte, je lui avais pris le papier des mains et je commençais à griffonner des listes en marmonnant entre mes dents et en traçant des flèches dans tous les sens.
Puis j’ai mis le papier de côté parce que bon, un quart d’heure de travail sur une idée en onze ans, ça me paraissait bien suffisant.

Apparemment, l’idée ne l’entend pas de cette oreille. Le soir, quand j’ai éteint la lumière et que j’attends le sommeil, elle revient m’imposer des détails supplémentaires qui font petit à petit émerger les personnages du néant et affûtent la cohérence potentielle de l’ensemble.
Si ça continue comme ça, je vais être obligée de m’y mettre. Et je n’ai pas envie, parce que…
– Je travaille déjà cinq heures par jour sur mes trads. Plus de boulot, ça frôlerait l’esclavagisme.
– Tout le monde sait bien qu’à moins de s’appeler Marc Lévy ou Anna Gavalda, un écrivain français, ça ne vit pas de sa plume. Et Chie Mihara ne fait pas précisément cadeau de ses godasses.
– Chouchou vise déjà la gloire et la célébrité. Deux auteurs sous le même toit, c’est au moins un ego surdimensionné de trop.
– Jamais je ne réussirai à supporter pendant deux heures (la durée normale d’une séance de dédicace) les 60° du hangar dans lequel se tient chaque année le Salon du Livre, Porte de Versailles.
– Bernard Pivot a pris sa retraite, et ni Michel Field ni PPDA ne sauront saisir la subtilité de mon oeuvre.
– Je ne peux pas me montrer à la télé tant que je n’ai pas perdu dix kilos. Ou quinze, vu qu’il paraît que la caméra en ajoute cinq.
– Ma famille et mes amis n’ont pas demandé à être poursuivis par les paparazzi.
– Tant que mes parents seront en vie, j’aimerais mieux que certaines anecdotes de ma jeunesse mouvementée ne soient jamais évoquées dans la presse, sous peine qu’ils ne le restent pas.
– Le monde n’est pas prêt pour une pensée aussi chaotique novatrice que la mienne.
– Après avoir vendu un million d’exemplaires de son premier roman, on est plus ou moins obligé d’en écrire un second. Au rythme d’une idée tous les 38 ans, c’est pas gagné d’avance.

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11 réflexions sur “10 <s>excuses bidons</s> bonne excuses pour ne (toujours) pas écrire”

  1. J'aime beaucoup beaucoup ta manière d'écrire moi aussi!!
    et si tu t'y mettais uniquement quand tu y penses et que tu as un peu de temps libre, un peu tous les soirs par exemple … bon ok tu mettrais peut-être dix ans à l'écrire mais ça ne serai pas vécu comme du "vrai" boulot?
    D'un autre coté c'est facile pour moi (très feignasse également)de dire ça, sachant que je n'en aurai probablement jamais le courage (ni le talent!)

  2. en effet, ce sont des excuses bidons…
    J'ai envie de te répondre que
    1) Si tu "t'obliges" à écrire un certain nombres d'heures par jour, oublies tout de suite, tu ne sortiras rien de bon. Il faut que ça vienne du fond de tes tripes et que ça coule comme une source.
    2) Ecris d'abord pour te faire plaisir en choisissant ton public de départ. Si tu le termines et que tu as envie de tenter l'édition, tu auras le temps de voir à ce moment-là.
    3)Il y a des couples où les deux sont créatifs qui parviennent à survivre dans le même espace.
    4) Tes parents ne sont pas obligés de savoir que certaines parties de ton récit sont inspirées de tes expériences passées.
    5) Pour les points genre émission télé ou séances de dédicaces, reporte-toi au point précédent.

    Le plus important c'est que tu te fasses aussi plaisir en mettant des mots sur tes idées. Peut-être arriverais-tu à évacuer une partie de tes angoisses…

  3. C'est n'importe quoi ces excuses… d'abord, au lieu de ruminer dans ton lit pendant que de toute façon tu dors pas, ben tu écris… Tu as le temps de ne pas dormir, utilise-le pour écrire.

    Tu as, c'est certain du talent, de l'humour, une petite touche de cynisme absolument fabuleuse et une façon de détailler les évènements qui est très agréable à lire !!!

    Alors maintenant tu arrêtes de réfléchir au pourquoi et au conséquence et quand tu as envie de t'y mettre ben tu le fais, sans réfléchir…

    Allez Zou !!!

    (ce message de motivation n'est bien sûr qu'égoïste parce que si toi tu connais déjà l'histoire, moi je suis presque sûre d'adorer la lire !)

  4. Ecrire un roman est un processus. Rien ne t'empêche d'y prendre du plaisir… Ensuite, rien ne t'oblige à le soumettre à qui que ce soit avant que tu en aies envie.

    Mais, rien ne t'empêche non plus de continuer à imaginer des excuses, je les trouves très drôles tes excuses. Absolument pas crédibles, mais très drôles.
    :-))))))

  5. Pourquoi pas un livre d'excuses !

    D'abord t'écris ton "roman" et pour le deuxième tu écris comment ce 1er best seller aurait pu ne pas exister à cause de tes excuses …
    (je viens de t'épargner 35 ans de réflexion au moins non ?! )

  6. Le Beauf... Célibataire

    Moi, j'ai une idée pour reprendre un peu tout ça…
    Vous n'avez qu'à faire une BD!!!
    Tu fais le scénario… et Chouchou nous met ça en image…

    P.S. : Moi, j'aime bien les paparazzi?!

  7. L'écriture c'est une question complexe pour beaucoup de traducteurs je pense… mais si tu en as vraiment envie, fonce!

  8. Theobaldus: tu réalises, j'espère, qu'à part les deux premières, toutes ces raisons sont à prendre au second degré?

  9. Adepte assidu de tes nouvelles, j'ai imaginé arpenté les nouveautés chez mon libraire … et là je suis tombé nez à nez sur " Armelite à la table des 7 nouvelles" ( bon , je sais que cela n'a rien à voir avec Disney…)

    Cette idée d'acquérir ton récit me plaît.

    bref FONCES !!

  10. ah bon ? je te voyais déjà dans toutes les émissions littéraires..

    plus sérieusement, oui je sais… j'avais juste envie de te répondre en suivant l'absurdité de la chose.

    Mais, je maintiens, si t'as envie d'écrire, pourquoi te priver ?

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