Janet, une amie américaine que l’Homme n’avait pas vue depuis vingt ans, devait venir l’été dernier en stage de formation dans la ville voisine de celle où nous habitions. Bien entendu, l’Homme a proposé de l’héberger. Je n’étais pas ravie à la pensée qu’une inconnue squatte chez moi quinze jours durant. D’abord, je ne suis pas très sociable. Ensuite, les longues lettres que nous recevions chaque année pour Noël me laissaient supposer que Janet et moi n’aurions pas grand-chose en commun. Entre ses grosses lunettes de geek, son mari coiffé comme au début des années 80, ses deux enfants à dents du bonheur, son job de prof de français et sa maison paumée au fin fond du Maine, je pressentais que Janet devait être une personne très gentille et absolument soporifique – du moins, selon mes critères.
En juillet, deux mois après notre séparation, je suis passée chez l’Homme pour récupérer quelques affaires. Janet séjournait alors chez lui, mais se trouvait en cours à cette heure-là. Ignorant que nous n’étions plus ensemble, elle avait apporté un petit cadeau pour moi. « Mais tu vas probablement détester », m’a prévenue l’Homme. Et il m’a tendu un marque-page brodé au point de croix.
Ca a été le coup de la table de salon, bis. Je l’ai fixé, incrédule. Comment quelqu’un qui avait vécu avec moi pendant 7 ans pouvait-il ignorer que rien ne me touche autant qu’un cadeau fait main, et que je suis toujours en train de lire en parallèle une demi-douzaine de livres dont je me refuse à corner les pages?
J’ai laissé sur le lit de la chambre d’ami un petit mot dans lequel je remerciais chaleureusement Janet pour son adorable attention. Depuis, son marque-page a rejoint dans le tiroir de ma table de nuit les quatre ou cinq autres que j’utilise en permanence: le publicitaire à l’effigie d’une série-fétiche que j’ai traduite pendant longtemps; l’étoile, le chat et le croquemitaine dorés embossés sur bristol de couleur que j’ai achetés chez Trait, à Toulouse. Les bords s’effilochent un peu, et la rose brodée sous mon prénom est assez désuète, mais j’ai une tendresse particulière pour lui. Il représente un lien ténu entre moi et une fille que je ne rencontrerai jamais, et avec laquelle j’aurais peut-être réussi à établir un pont malgré nos différences.
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Les apparences sont souvent trompeuses…
Faut avouer que c’est quand-meme collector comme truc!
Note, moi aussi je manque toujours de marque-pages, alors en general, j’utilise mes cartes de visites… 😀
Je sens que je vais te tricoter un gode-ceinture pour ton anniversaire.
Tu as le temps de t’entraîner en faisant des écharpes: c’est en mars ^^