La goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Comme je le disais dans un message précédent, depuis que j’habitais avec l’Homme, nous avions changé tous les meubles de la maison à l’exception des chaises de la salle à manger (type bistrot cannelées, totalement incompatible avec le buffet et la table en acajou) et de la table basse du salon (un truc massif, avec une rainure stockeuse de miettes de chips et des traces de verre baveurs partout sur le dessus). Je haïssais les deux avec une belle impartialité, suppliant pour qu’on les change, mais il y avait toujours un autre truc plus important à faire avec nos sous. Soit.

En fin de semaine dernière, alors que mes petits camarades et moi attendions l’avion qui devait nous emmener de San Francisco à New York, nous nous sommes arrêtés dans le food court de l’aéroport pour déjeuner avant de partir, des fois qu’on nous nourrirait pas pendant le vol. J’ai choisi un plat japonais, et m’apprêtais à envoyer un texto tout nostalgique à l’Homme (« je suis en train de manger un udon pour la première fois depuis nos vacances de mai dernier alors forcément, je pense à toi », quelque chose du style) quand mon téléphone d’une vibration frétillante me signale que j’ai reçu un message.
« Je viens de changer la table du salon, veux-tu récupérer l’ancienne? »

Et ça a été le déclic, le petit détail apparemment trivial qui fait toute la différence entre savoir une chose et l’intégrer au plus profond de soi, la preuve ultime que nous n’étions pas faits pour vieillir ensemble. J’ai réellement passé six ans à côté d’un type qui certes avait beaucoup de qualités, mais qui ne m’écoutait et ne me pigeait absolument pas. Un type que je songeais à quitter depuis des mois sans trouver le courage de le faire. Finalement, il m’a peut-être rendu service en prenant les devants (même si techniquement c’est moi qui suis partie, la lâcheté masculine congénitale interdisant toute autre option).

Il est passé me voir aujourd’hui pour m’expliquer le fonctionnement de mon nouvel ordi, puis m’a emmenée faire des courses avec sa nouvelle bagnole dont j’ai choisi la couleur. Et même en cherchant bien, je n’ai pas éprouvé la moindre tristesse à l’idée que c’était sans doute la dernière fois que nous poussions un caddie ensemble. Nous n’avons vraiment rien à nous dire; je me sentais comme à côté d’un étranger.

Oh, et j’ai vu sa nouvelle table de salon: elle est encore plus moche que l’ancienne. Merci mon Dieu de m’avoir épargné cette vision au quotidien.

(Chez moi, j’aime: ma capacité à me détacher rapidement quand j’ai décidé qu’une personne était toxique pour moi.)Justifier

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