Se dépacser: ça, c’est fait

Dans le fond, j’aurais adoré raconter une confrontation d’anthologie. Une joute verbale acide-amère devant la greffière et les gens qui attendaient derrière nous – joute dont je serais évidemment sortie vainqueur parce que faut pas déconner, c’est pas avec ses deux mots et demi de vocabulaire et ses torts indiscutables dans cette histoire que l’Homme aurait pu me rabattre le caquet. L’explication orageuse qu’on n’a jamais eue, celle où ça crie, où ça pleure mais qui permet d’aller au fond des choses et de tourner ensuite la page avec le sentiment que tout a été dit. Ou alors la grande scène du 12, l’Homme abattu et hanté par le remords (regard cerné, joues creuses, moral en berne) m’avouant qu’il a fait la plus grosse connerie de sa vie et me suppliant de revenir; moi refusant bien sûr mais trouvant la magnanimité de lui adresser quelques paroles de réconfort avant de le laisser des sanglots dans la gorge sur le parvis du tribunal.
Mais non. Il est arrivé après moi. Plus beau que jamais: aminci, les cheveux coupés de frais, avec un pull que je ne lui connaissais pas, un jean qui moulait son cul parfait et l’air d’avoir dix ans de moins qu’en réalité. On ne s’est pas dit bonjour ni regardés en face une seule fois pendant que la greffière procédait à l’enregistrement de notre rupture de Pacs. La procédure en elle-même n’a pas pris plus d’une minute: vérification de nos pièces d’identité, consultation du numéro d’enregistrement de notre Pacs, tapotage rapide sur un clavier d’ordinateur et archivage de notre demande manuscrite de rupture – le tout debout dans le hall du tribunal, avec quatre-cinq personnes en train d’attendre sur des chaises à même pas un mètre derrière nous. C’était aussi tristement ordinaire que la fin de notre histoire.
On a remercié en même temps, on s’est dirigés vers la sortie, il a fait mine de partir à droite et je suis partie à gauche en lançant « salut ». C’est là qu’il m’a rappelé qu’il avait encore quelques affaires à moi dans le coffre de sa voiture. Donc il m’a raccompagnée à la mienne pour m’aider à les transvaser. En chemin on a échangé quelques phrases polies et anodines – les banalités des gens qui se connaissent bien mais n’ont rien à se dire et se foutent royalement l’un de l’autre. Et puis voilà, c’est tout. Il n’a même pas fait de commentaire sur mon piercing ni sur le fait que son ex-femme s’était aussi fait piercer la figure après leur séparation; dommage car j’avais en réserve une réplique bien mordante sur le principe de causalité.
En repartant, je me suis fait rentrer dedans par un djeûn en scooter qui a refusé de remplir un constat au prétexte qu’il ne s’était pas fait mal en tombant, et qui s’est barré avant que je puisse protester. Evidemment, il n’y avait pas de témoins. J’ai un enjoliveur cassé, un pet sur la carrosserie et un petit bout de peinture qui a sauté. Je m’en fous comme de l’an 40. Se dépacser: ça, c’est fait.
PS: Je tiens à remercier, pour le moral d’acier avec lequel je suis arrivée au tribunal tout à l’heure:
– Les Fatals Picards et leur chanson « Goldorak est mort » que j’ai écoutée en boucle à l’aller et qui est le meilleur remède du monde contre la sinistrose.
– L’auteur de deux textos super mignons dont le premier m’a fait chaud au coeur juste avant mon départ et dont le second m’a arraché un sourire en plein tribunal sous le regard en biais de l’Homme qui a dû croire à un message de mon nouvel amoureux. Même pas. Mais c’était tout aussi bon 🙂

4 réflexions sur “Se dépacser: ça, c’est fait”

  1. Ha putain de djeun en scooter !!
    Sinon y a aussi « On va tous crever » de didier Super pour relativiser.

  2. Certes. Mais avant ça j’ai l’intention d’en profiter un max, et ça n’inclut pas me prendre la tête pour des choses qui n’en valent pas la peine 🙂

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