Nous ne partons jamais en vacances l’été; aussi, nous profitons généralement de cette saison pour découvrir des lieux et des activités hors des sentiers battus. C’est ainsi que samedi dernier, je nous avais inscrits pour une visite guidée de l’élevage d’alpagas de Philippe Ectors, situé à proximité de la ville de Rochefort. Je n’aime pas trop me déplacer en voiture, mais j’avoue que cette fois, j’ai trouvé la route à travers la campagne wallonne vraiment plaisante.
A 14h, donc, nous avons retrouvé Philippe devant le grand bâtiment en bois qui abrite ses installations. Dès que l’ensemble du groupe a été réuni, il nous a expliqué comment il avait créé son élevage. En 2017, lassé de son travail de bureau, il a profité que sa famille possédait des terrains dans la région pour imaginer cette activité de plein air encore assez nouvelle en Belgique.
Les alpagas sont de petits camélidés originaires d’Amérique du Sud. Cousins des vigognes et des lamas, plus proches génétiquement des chameaux et des dromadaires que des moutons, ils sont néanmoins réputés pour la qualité de leur fibre. Philippe est allé chercher ses premières bêtes au Royaume-Uni; dès 2018, il a vu naître ses premiers petits (qu’on appelle des crias) et pu procéder à sa première tonte. Aujourd’hui, son élevage compte une soixantaine de bêtes, plus une vingtaine de chevaux de trait Ardennais dont la passion lui a été transmise par son père.
Il nous a d’abord fait visiter le hangar où il traite la toison fraîchement tondue, une fois par an au sortir de l’hiver. Les alpagas ne muent pas; ils ont donc besoin de l’intervention des humains pour ne pas finir avec 20 kilos de dreadlocks sur le dos. Nous avons pu toucher le poil, beaucoup plus fin, doux et chaud que celui des moutons, mais aussi plein d’herbe et de paille qui ne peut être ôtée qu’à la main. Compter un ou deux jours entiers de travail par toison…
Pour chaque animal, un échantillon est envoyé en laboratoire afin de déterminer la qualité de la fibre sur la base de deux critères: la finesse et le crimp (la frisure). Il existe vingt-deux teintes naturelles de poil d’alpaga, depuis le blanc jusqu’au noir en passant par le beige, le marron ou le gris. Les plus belles fibres servent à fabriquer de la laine puis à tisser/tricoter des vêtements et accessoires; les autres deviennent rembourrage pour des oreillers ou des couettes ultra-fines.
Nous nous sommes ensuite rendus dans la pâture des femelles et des petits nés cette année. Les mâles vivent à part: les alpagas n’ayant pas de chaleurs, ils ne pensent qu’à saillir à longueur de temps, et laisser les femelles avec eux équivaudrait à de la maltraitance pour elles. La gestation des femelles dure dix ou onze mois, et elles mettent généralement bas en journée, entre 10h et 14h – sans doute parce qu’à la base, les alpagas sont des animaux sauvages et que mettre bas pendant la nuit les rendrait plus vulnérables aux prédateurs.
Elles n’ont qu’un seul cria à la fois, et tant mieux pour elles car les bébés pèsent en moyenne 6 ou 7 kilos, pour une femelle qui n’en fait la plupart du temps que 60 ou 70. Quand on pense aux pandas dont les femelles de 90 kilos mettent au monde des petits de 100 grammes à peine… Clairement, Mère Nature a des espèces favorites! Une semaine après avoir mis bas, les femelles sont de nouveau prêtes à être saillies, de sorte qu’elles peuvent théoriquement faire un petit par an, à moins d’être trop maigres ou en mauvaise santé.
Une fois les alpagas trop âgés pour servir à la reproduction ou à la tonte, ils peuvent être vendus comme animaux de compagnie (uniquement par deux du même sexe, car ce sont des animaux de troupeau et ils seraient malheureux sans au moins un congénère). Par ailleurs, bien qu’on consomme leur viande en Amérique du Sud, leur abattage est interdit en Belgique. Donc, aucun souci à se faire pour eux! Ils sont bien traités et arriveront au terme de leur vie naturelle.
Le plus frustrant dans cette visite très intéressante, ce n’est pas la pluie qui s’est mise à tomber pendant que nous étions dehors, mais le fait de ne pas pouvoir câliner les alpagas. En effet, trop de contact physique avec les humains risquerait de provoquer un phénomène d’imprégnation, ce qui tend notamment à rendre les mâles agressifs. Néanmoins, j’avoue que je me suis pas enfuie quand quelques spécimens plus curieux que les autres se sont approchés pour me renifler.
Philippe nous a ensuite montré ses chevaux de trait Ardennais, des bêtes qui semblaient devenues inutiles mais qu’on recommence à utiliser pour débroussailler les sous-bois et les maraîchages depuis qu’on s’est aperçu que les machines abîmaient les sols. Je n’avais côtoyé que des chevaux dressés pour la pratique de l’équitation, et là, on est sur un tout autre gabarit, avec des animaux qui font maximum 1,65 m au garrot mais qui sont extrêmement lourds et massifs. Eux, on peut les caresser sans problème, en prenant juste garde à ne pas se faire marcher dessus!
Enfin, après qu’on s’est tous lavé les mains, Philippe nous a emmenés dans la boutique où il vend les produits fabriqués avec le poil de ses alpagas. J’ai craqué pour une écharpe crème toute simple mais très douce et très chaude, faite avec le fil de Luna; je sais que j’aurai beaucoup de plaisir à la porter cet hiver. Nous sommes repartis vers 16h, absolument enchantés par cette belle découverte.
Avis aux amateurs d’animaux: les prochaines visites auront lieu jeudi 22 et dimanche 25 août. Inscription sur le site de l’élevage; tarif: 8€ par personne. Si vous y allez, prévoyez des chaussures de randonnée, des bottines en caoutchouc ou autres chaussures confortables et résistantes. La boutique ne prend pas les cartes de paiement, seulement le liquide et les apps.
Alpaca d’Ave, rue de la Culée 5, 5580 Ave-et-Auffe (Rochefort)