Tout a commencé par une pub Facebook. D’habitude, je les passe très vite: elles sont si épouvantablement mal ciblées que ça en est risible (la même semaine, des produits pour bébé et une convention obsèques… Décide-toi, l’algorithme: j’ai 30 ans ou 80?). Mais là, il était question d’un mystérieux jardin enchanté dans un patelin belge dont je n’avais jamais entendu le nom. Les visiteurs ne tarissaient pas d’éloges dans leurs commentaires – toujours possiblement pipeautés. J’ai cliqué sur le lien, et mes yeux se sont mis à saigner en découvrant le site web 1.0 le plus hideux et mal fichu de la création.
Franchement, en temps normal, j’aurais passé mon chemin. Mais je cherchais un truc à faire la veille de mon départ, et renseignements pris, Jodoigne ne se trouvait pas loin de Bruxelles… J’ai décidé de tenter le coup. Bien qu’assez dubitatif, Chouchou a accepté. Le jour même, alors qu’on roulait sur l’autoroute, on s’est pris une énorme saucée; j’ai failli dire « Laissons tomber et rentrons à la maison ». Mais si 15 ans de Belgique m’ont appris quelque chose, c’est que la météo peut changer radicalement d’une minute sur l’autre. Et de fait, même si le ciel restait couvert, il ne pleuvait plus du tout quand nous nous sommes garés près de l’entrée de l’Art Sanctuary.
A l’entrée, nous avons payé 8€ (donnant droit, non seulement à un vrai beau ticket que j’ai pu garder en souvenir, mais à une boisson à la buvette). Dès les premiers pas sur le chemin boueux, nous avons compris que l’endroit méritait son nom. Des centaines de sculptures en céramique, en bronze, en terre cuite, en pierre, en fer forgé, en bois ou en verre se nichaient dans les moindres recoins d’un immense jardin-forêt juste assez sauvage pour donner l’impression qu’elles étaient apparues là par magie. Il y avait peu de monde comparé à la surface à explorer, et nous avons déambulé en alternant exclamations de surprise joyeuse et murmures de ravissement.
Pour une fois, j’ai regretté de vivre en appartement: il y a bien une douzaine de pièces que j’aurais eu envie d’emporter, et toutes étaient à vendre à des prix très abordables. J’ai été particulièrement séduite par les oeuvres d’Elya Yalonetski, disséminées aux abords d’une étonnante spirale de verdure et dans la cabane voisine. Mais tout était beau et intéressant. Le calme et la fraîcheur ambiante ajoutaient à l’enchantement. Ca et là, un énorme carillon accroché aux branches des arbres tintait dans la brise. Il me semblait avoir pénétré dans un royaume de poche, à l’écart du monde et de son agitation. J’avais envie de coiffer mon chapeau de sorcière, de chasser les autres visiteurs et de jeter un sort sur la propriété pour en faire mon inaliénable domaine. Oui, rien que ça.
Notre visite (qui s’est conclue par des grattouilles à deux ânes très câlins) a duré une bonne heure et demie, et nous aurions sûrement traîné davantage si la pluie ne s’était pas remise à tomber. Nous sommes repartis totalement sous le charme, sans comprendre pourquoi il avait fallu une pub Facebook pour nous informer de l’existence de cet endroit fabuleux. Non, je n’aimerais pas que la foule y afflue en masse pour gâcher sa tranquillité. Mais si vous vivez en Belgique et que vous êtes libre ce week-end ou le suivant, je ne saurais trop vous conseiller d’aller faire un tour à l’Art Sanctuary avant sa fermeture au public jusqu’au début de l’année prochain. Emerveillement garanti. Evitez juste les chaussures trop fragiles.