Où je commence à en avoir plein le fondement de cette pandémie

 

La France ne devrait plus tarder à entamer un 3ème confinement et a déjà commencé à refermer ses frontières. La Belgique interdit de nouveau les déplacements non-essentiels. Une fois de plus, je vais devoir jongler entre mes impératifs de présence à Monpatelin et mon angoisse d’être trop longtemps séparée de mon amoureux, le tout avec une visibilité quasi-nulle sur l’avenir. Franchement, c’est dur de ne pas craquer. 

Marre de ne plus pouvoir circuler librement entre les deux pays où j’ai les deux moitiés de ma vie. D’être dans l’impossibilité de prévoir où je serai le mois prochain à la même date. De devoir décaler constamment mes rendez-vous médicaux et mes projets les plus modestes.

Marre de ne pas oser aller voir ma famille qui me manque tant, alors que tout le monde ou presque s’en est donné à coeur joie pendant les fêtes. 

Marre d’être en pétard contre la moitié des membres de mon entourage qui ne prennent pas le virus au sérieux voire refusent de se faire vacciner au prétexte qu' »on ne sait pas ce qu’il y a dans les vaccins » – comme s’ils avaient la moindre idée de la composition des médicaments qu’ils ont pris sans moufter toute leur vie, ou un diplôme qui leur permettrait de comprendre la liste d’ingrédients sur la notice.

Marre de devoir me méfier de tous les gens que je croise, de me retenir d’aboyer sur ceux qui me collent dans les files d’attente, d’avoir la tension à 45 chaque fois qu’un jeune baisse son masque pour téléphoner dans le bus ou qu’un rebelle à la petite semaine fait durer son sachet de chips tout le trajet en train pour ne pas avoir à mettre le sien.

Marre de la montée ahurissante du complotisme qui ne présage rien de bon pour l’avenir de la démocratie, mais aussi marre que notre gouvernement profite de la situation pour faire passer tranquillement des lois iniques ou liberticides que l’urgence sanitaire ne justifie en aucun cas. 

Marre des masques qui me faisaient dégouliner de transpiration cet été et me rendent aveugle cet hiver à cause de la buée sur mes lunettes. Qui m’obligent à ralentir le pas pour arriver à respirer, me coupent le souffle dès que je monte plus d’un étage à pied et m’interdisent de courir après le bus. Qui étouffent mes mots et m’obligent à faire répéter mes interlocuteurs toutes les deux phrases. 

Marre de juger plus prudent de ne pas voir mes amis – et Dieu sait pourtant que mes besoins de contacts sociaux ne sont pas démentiels. Le temps que cette pandémie se termine, j’aurai sans doute oublié le peu de manières péniblement glané au fil des ans, et je serai devenue tout à fait infréquentable.

Marre de voir les rares activités que j’avais prévues être annulées les unes après les autres – dernière en date, la Lanterna Magica qui devait pourtant avoir lieu en extérieur, et j’ai assez peu d’espoir pour le spectacle de Marina Rollman en mai.

Marre de rentrer tristement après avoir fait mes courses au lieu de me poser tranquille dans un café ou un salon de thé pour lire et savourer le temps qui passe. 

Marre de ne plus pouvoir voyager depuis un an, de n’avoir même pas pu faire un aller-retour à Paris dans la journée pour déjeuner avec une copine éditrice et aller acheter mon thé chez Sobica ou mes mystery box au Renard Doré.

Marre de n’avoir plus d’autre horizon que les quatre murs de mon appartement, de ne pas pouvoir ne serait-ce qu’aller bosser à l’extérieur si j’ai envie de changer de décor. 

Marre qu’avec l’arrivée de variants plus contagieux et plus mortels, couplés aux problèmes d’approvisionnement en vaccins, le bout du tunnel s’éloigne chaque mois davantage.

Marre de culpabiliser parce que je fais partie des privilégiés qui n’ont perdu aucun proche, n’ont pas été malades et ont conservé leur travail, et que j’ai quand même le culot de mal le vivre et de chouiner comme une grosse égoïste.

18 réflexions sur “Où je commence à en avoir plein le fondement de cette pandémie”

  1. Laurence Genève

    As-tu écouté l'épisode Marina Rollman du podcast Le Book Club? Elle m'a bluffée

  2. Que dire de plus que Idem…
    Que j'ai la trouille de voir l'état de santé de mes parents se dégrader et de ne pouvoir être à leurs côtés… que j'en ai assez de rêver de salles remplies de gens non masqués qui menacent de m'infecter une seconde fois… De souffler comme une loco quand je monte mes escaliers…
    Ce lundi aura été un des pires jours de la vie… tellement j'avais les idées noires… Et pourtant je suis plutôt une personne positive. J'essaye de trouver des tips pour garder le cap mais je tombe à court.

  3. Moi, ce dont j'en ai marre, c'est qu'on soit 'considéré' comme des idiots complotistes parce qu'on ne veut pas de ce foutu vaccin ! Ca va être quoi la prochaine étape ? Obliger les gens à faire régime parce que les obèses ont plus de risques d'en mourir ??
    De toute façon, certaines personnes iront mal quoi qu'il arrive, aujourd'hui c'est le covid, l'année prochaine, ce sera leur boulot, celui d'après, ce sera leur vie amoureuse..

  4. J'aurais essentiellement pu écrire tout ce que tu écris là, du premier au dernier point, avec la localisation nécessaire. Mais…. la même. Je sais pas si ça aide à pas se sentir seule, moi je me sens un ptit peu moins seule de te lire.

  5. @Anonyme: Mais justement, on ne vous oblige à rien du tout. Vous allez rester libres de mettre en danger la vie des personnes vulnérables qui ne peuvent pas être vaccinées. Du coup je vous considère un peu comme je veux.

  6. Ma solution aux pénibles anxiogènes des transports/magasins sans masque ou mal mis (ou de toute évidence vieux de 6 mois)? Le FFP2, ou N95 en l'occurrence (pas pris sur les stocks pour les soignants hein, je les achète sur iherb, N95 c'est l'équivalent chinois du FFP2), au moins je me sens plus sereine dans la foule (type supermarché où je dois courir à 17h après une journée sur zoom et où tout le monde s'agglutine à la caisse à 18h…)pour le reste je n'ai pas de solutions, je vois des gens de temps en temps en mode super soft, très petit comité et une heure ou deux… Mais je commence à très mal supporter les décisions politiques, aucune proposition pour adapter (les musées par exemple, franchement quels sont les risques comparé à un centre commercial, ou le cinéma avec interdiction de manger, ou les terrasses chauffées des restaurants avec limitation des places…) et mes étudiants me font peine…
    Sinon rien à voir mais merci pour ta réponse détaillée sur le litige sémantique, agree to disagree car ton blog tes règles 🙂

  7. @Clo: C'est vrai que certaines décisions semblent carrément absurdes. D'un autre côté, je ne sais honnêtement pas ce que je ferais si c'était à moi de trouver le difficile équilibre entre contraintes sanitaires et préservation de la vie économique + de la santé mentale de la population. Quant aux FFP2, j'y pense pour mes prochains voyages, en effet!

  8. Normalement tu peux maintenir tes rendez-vous médicaux puisque sur les attestations la case est prévue, non ?

    Et surtout, surtout arrête de culpabiliser ! Ça ne sert à rien ! Je vais dire un truc hyper violent mais je vais le dire quand même : dans les gens qui ont perdus un proche, et dans tous ceux qui sont morts, il y a les malchanceux et il y a aussi ceux qui ont pris les règles sanitaires par-dessus la jambe. Donc tu n'as aucune culpabilité à avoir, toi tu te protèges.
    En plus, le contact social, la liberté, etc. ce sont des choses essentielles pour les animaux que nous sommes. Donc ça justifie largement que tu puisses mal vivre la situation ! Nous ne sommes pas des tigres, nous ne sommes pas non plus des hérissons, et nous ne vivons pas dans une toute petite marre comme les poissons : nous sommes des animaux qui avons besoin d'espace et de contact. Certains moins que d'autres (je fais partie de ces gens qui se satisfont de très peu de contact social et donc au contraire, vivre H24 avec ma famille le pèse mais en même temps j'aimerais bien voir mes amis : en gros, je veux du contact social choisi et non imposé, bref) mais tout le monde quand même !

    De mon côté aussi ça commence à être longuet surtout que tout le monde parle tout le temps du confinement, des gestes barrières, voir les masques à la télé m'angoisse… je suis déjà insomniaque de base mais là ça n'a pas aidé, surtout que j'ai arrêté le sport qui me permettait d'être mieux dans mon corps… Du coup, je fais aussi partie de ces privilégiés qui n'ont perdu personne (mais je suis au chômage, jeune diplômée oblige) et qui trouvent encore le moyen de se plaindre. Mais je suis OK avec ça. Parce qu'on a tous des besoins fondamentaux, des besoins vitaux qui ne sont pas comblés, et que ce simple fait suffit à justifier le malêtre sans besoin de monter dans la course de qui a la pire situation !

  9. @Enirtourenef: oui on a le droit de sortir pour des RV médicaux, mais les miens sont en France alors que je me retrouve plus ou moins coincée en Belgique (parce que si je descends je n'ai pas de raison essentielle de remonter), donc je dois reporter.

  10. Super réponse à ton commentateur antivax anonyme ^^

    Pour plus d'exactitude, le vaccin n'empêche pas de transmettre le covid (du moins, on n'a pas encore de preuve que la transmission s'arrête). L'objectif est d'empêcher les formes graves, donc de ne pas saturer les hôpitaux. Cependant, comme les personnes vaccinées guérissent plus vite, cela devrait quand même freiner la propagation du virus.

    L'anecdote du mec qui bouffe son paquet de chips pendant tout le trajet en train : j'ai été coincée derrière son sosie pendant 2h, et je me suis retenue de verser ma bouteille d'eau sur sa tête.
    Ce qui m'énerve encore plus, ce sont les lobbies pro-voiture qui en profitent pour dénigrer les transports en commun. L'égoïsme jusqu'au bout.

  11. @Méghane: Apparemment les personnes vaccinées développent une charge virale moins importante, donc en plus d'éviter les formes graves pour elles-mêmes, elles sont aussi moins contagieuses et moins longtemps.

  12. Ce que je voulais dire par "les personnes vaccinées guérissent plus vite, cela devrait quand même freiner la propagation du virus", c'était qu'elles sont contagieuses moins longtemps. Je ne savais pas par contre qu'elles étaient moins contagieuses (en intensité), c'est également une très bonne nouvelle.

  13. @Méghane: Oui, j'avais compris! Mais du coup couplé au "moins contagieux", ça devrait faire baisser le risque de façon assez considérable. Enfin, si notre bon gouvernement se débrouille pour que les vaccins soient effectivement distribués…

  14. "Marre de ne pas oser aller voir ma famille qui me manque tant, alors que tout le monde ou presque s'en est donné à coeur joie pendant les fêtes."
    Je ne suis pas retournée depuis un an à Lyon et la Belgique me sort par tous les pores de la peau. Je culpabilise également de tout cela, mais je commence à éprouver une souffrance aigüe à l'idée que mon papa, qui est devenu entretemps paraplégique au cours de l'épidémie, ne puisse avoir comme unique horrizon la vue sur la mer qu'il a depuis sa chambre d'hôpital.

  15. Moi j'en ai marre de m'engueuler avec amis et famille en France qui objectent à un nouveau confinement et pensent que ce seraient aux personnes fragiles seulement de se protéger. (parole de personne fragile : on ne fait que ça, de se protéger, de s'isoler, depuis mars 2020. Vraiment. On n'a pas quitté notre patelin, on n'a vu per-sonne à part le type qui livre les courses une fois par semaine) Et le pire c'est que certain-e-s sont en plus de ça anti-masque. C'est désolant.

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