« Chavirer » (Lola Lafon)

En 1984, Cléo a 13 ans, et elle est passionnée de modern jazz. Lorsqu’une femme élégante, cultivée et charismatique débarque dans la MJC de sa petite ville de banlieue parisienne pour lui faire miroiter une bourse, la jeune fille tombe droit dans le piège de la fondation Galatée. Et bien que choquée par le tour que prennent les déjeuners avec les jurés, elle accepte à son tour de recruter d’autres collégiennes. 
Plus tard, elle devient danseuse par ses propres moyens, travaillant sur le plateau des émissions de Champs-Elysées puis dans une revue parisienne sans jamais réussir à oublier ou à se libérer de sa honte. Alors qu’elle approche de la cinquantaine, deux réalisatrices de documentaire lancent un appel à témoins concernant la fondation Galatée…

Portrait en creux d’une victime manipulée pour servir la cause de ses abuseurs, « Chavirer » a le bon goût de ne jamais sombrer dans la complaisance descriptive. Ni voyeur ni misérabiliste, il s’attache à peindre une héroïne complexe, vue à travers les yeux des gens qui l’ont côtoyée au fil des ans – et qui, pour la plupart, n’ont jamais rien su de son secret ou n’en ont pas mesuré le poids. Il propose aussi une description très lucide du milieu de la danse: érotisation du corps, douleur silencieuse, humiliations systématisées. 
Lola Lafon a toujours été une écrivaine intensément féministe, mais à chacun de ses romans, sa rage fondatrice se fait plus froide, plus maîtrisée, plus incisive. Ses premiers livres étaient des grenades qui déchiquetaient tout sur leur passage; les plus récents évoquent un scalpel qui dissèque impitoyablement les mécanismes de l’oppression et de l’exploitation des femmes. Grâce à sa plume aussi fluide et trompeusement légère que les évolutions scéniques de Cléo, les chapitres de « Chavirer » défilent tout seuls, et on atteint la fin presque trop vite. Une lecture importante. 

1 réflexion sur “« Chavirer » (Lola Lafon)”

  1. J'avais déjà lu plusieurs recommandations à propos de ce livre, celle-ci finit de me convaincre, merci !

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