
Pourtant, si j’ai pris beaucoup de plaisir à échafauder des théories et lever le voile sur le mystère avant que ses personnages le fassent par eux-mêmes, « Les âmes silencieuses » n’est pas un thriller, et sa principale qualité n’est pas le suspense qu’il entretient: c’est le brio avec lequel il est écrit. Les chapitres consacrés tour à tour à Loïc et à Héloïse pourraient aussi bien être l’oeuvre de deux auteurs différents tant est immense le contraste entre leurs styles. En 1943-44, la narration est grave comme son contexte, empreinte d’une menace diffuse et pourtant étouffante. En 2012, le ton est moderne comme son protagoniste, un Parisien cynique à la répartie facile – ce qui donne vraiment l’impression de basculer d’une époque à l’autre et d’une atmosphère à l’autre au fil des pages.
Et alors que j’ai d’habitude du mal à accrocher aux héros trop loin de moi en termes de caractère comme de contexte, j’ai été bouleversée par Héloïse, cette fille de paysans apparemment passive et qui en réalité choisit son destin avec une force intérieure, une droiture, une fidélité à elle-même impressionnantes. Sa façon de se concentrer sur l’instant présent pour tout supporter confine au sublime. Elle n’est pas responsable du drame qui se joue autour d’elle; pourtant elle décide d’intervenir en sachant qu’elle a tout à perdre et rien à gagner – et elle le fait sans hésitation ni regret aucun.
Cerise sur le gâteau: une clairvoyance poignante sur la nature humaine, qui infuse le récit avec tout à la fois une puissance implacable et une délicatesse qui l’empêche de jamais sombrer dans le pathos. Moi qui édite toujours mentalement les longueurs, c’est bien la première fois que je regrette qu’un bouquin que je lis ne fasse pas 50 pages de plus.
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