L’exception Colère

La semaine dernière, je vous parlais de ma technique d' »arbre des développements possibles » pour juguler mes angoisses irrationnelles. On pourrait croire qu’elle fonctionnerait aussi très bien sur la colère – l’autre grande émotion négative qui domine ma vie. Or, ce n’est absolument pas le cas. 

Quand je suis angoissée, je veux d’abord cesser de l’être parce que c’est intenable, puis gérer calmement le problème éventuel (s’il n’existe pas juste dans ma tête, ce qui doit être le cas au moins une fois sur deux). Quand je suis en colère, par contre, c’est en réaction à un problème avéré dont il me semble qu’il ne pourra se résoudre qu’à travers un affrontement. Or, en tant que femme de petite taille, d’apparence peu impressionnante et exerçant un métier où les gens se font souvent exploiter, il n’est pas du tout évident pour moi de me faire respecter dans les situations conflictuelles. 
Souvent, mon seul moyen d’obtenir mon dû, c’est de crier plus fort que la personne d’en face, de me montrer verbalement plus cinglante ou de réussir à l’intimider avec mon assurance. Sans ça, je me ferais régulièrement piétiner par les machos de base, les éditeurs de mauvaise volonté, les voisins abusifs, les services clientèle désinvoltes, et j’en passe. Me faire piétiner n’étant une option autorisée ni par mon amour-propre ni par ma vénalité, j’agrippe ma colère bien fort et je la brandis comme un glaive que je ne saurais poser sous peine de me retrouver insupportablement vulnérable. 
Mon père, qui culminait péniblement à 1,60m et pesait 55 kilos tout mouillé, a passé toute sa vie à faire de même. La technique du roquet qui aboie très fort – et qui mord si on l’y oblige. Ca fait partie des nombreuses choses que j’ai héritées de lui. 
Dans un monde idéal, une attitude raisonnable et conciliante serait le meilleur moyen de résoudre les problèmes. Dans le monde réel, ça ne marche que lorsqu’on a affaire à des gens réglos et de bonne volonté. On me rétorquera que ceux-là sont les plus nombreux, mais j’ai assez de mauvaises expériences au compteur pour ne pas tabler là-dessus par défaut. Donc, même si je le déplore, même si je déteste être en colère parce que ça m’use nerveusement de rester toujours sur le qui-vive et en position de combat, je ne connais pas d’autre moyen de faire respecter ma personne et mes droits. 
Et puis, ma colère m’a tenue debout aux pires moments de ma vie quand d’autres se seraient complu dans l’auto-apitoiement. Elle m’a donné la force de résister et d’avancer. Chez certains, elle est l’élan salutaire qui pousse à se révolter et à changer les choses. Sans colère, les femmes n’auraient jamais conquis aucun droit. J’aimerais bien être plus zen parce que ça me reposerait, mais tant que le monde et les gens seront ce qu’ils sont, je ne vois vraiment pas comment j’y arriverais. A vrai dire, je ne suis même pas motivée pour essayer. 

9 réflexions sur “L’exception Colère”

  1. Alors ça c'est un sentiment qui me parle terriblement… L'angoisse/anxiété et la colère sont deux sentiments très dominant dans ma vie. Je suis moi aussi de petite taille et pas vraiment imposante ni impressionnante… Tu dis être dotée d'une belle assurance, qui me fait totalement défaut à moi, par dessus le marché…

    Ces jours je recherche, plus ou moins activement un moyen de "traiter" cette colère. Cela me paraît insurmontable… Je ne veux pas l'éradiquer, mais apprendre à la gérer, à ne plus me laisser envahir par elle. Cela fait tilt en moi, car j'ai en face de moi ma petite fille de 4 ans, qui semble totalement dépassée elle aussi par ce sentiment…

  2. @Elodie Varrin: Oui, idéalement, il faudrait aussi que je trouve un moyen de la gérer un minimum, de garder son côté galvanisant sans la laisser envahir tout mon ressenti quotidien. Sans être un remède miracle, j'avoue que je yoga m'aide pas mal (comme il m'aide pour gérer mes angoisses).

  3. Moi J'ai le problème inverse. Je suis super rarement fâchée. Je suis incapable de me rebeller parce que si quelqu'un me contrarie je vais voir le positif dans l'histoire… même si ça ne m'arrange pas. Et le pire c'est que j'ai un mécanisme cérébral qui efface les raisons de me mettre en colère ! Du coup, si quelqu'un profite de moi, en quelques minutes, j'oublie tout. La vraie bonne poire de service! J'adorerais pouvoir me fâcher et pousser une bonne gueulante… Mais non.

  4. @Karine: Ta tension doit être nettement meilleure que la mienne, et ton quotidien plus agréable! Parce qu'au fond, entre se faire avoir une fois de temps en temps et être tout le temps sur la défensive, je ne suis pas certaine que le plus dommageable des deux soit le premier…

  5. C'était le sujet de la formation que je viens de suivre: "ni paillasson ni hérisson", ou comment l'assertivité peut aider dans les deux cas.

  6. Je suis de l'autre coté du spectre en terme de taille, 1m75 et 70kg de muscles, ce que je constate depuis que je me laisse être en colère c'est que plus personne ne m'emmerde. Je dois irradier la boule de rage (que je contiens effectivement merci le monde et ses dirigeants) et ça éloigne les emmerdeurs de mon chemin. C'est pas forcément sain pour moi mais moins fatiguant dans les interactions.

  7. On est malheureusement obligé dans ce bas monde de montrer qu'on a les dents acérés sinon on est obligé constamment de courber l'échine, ce qui n'est pas bon ni pour le moral ni pour l'estime de soi.

    Lylou

  8. Et bien justement grâce à toi je suis devenue très copine avec Adriene hihi

  9. comme je me reconnais, 1m52 45 kg, un physique de petite poupée, dès le collège j'ai dû adopter le mode "roquet" qui aboie très fort dès qu'on fait mine de venir le titiller 😉 et comme ça fonctionne très bien, pourquoi se priver ?
    Quand je suis en colère personne ne me fait peur, c'est les autres qui ont peur pour moi (mon mec au début de notre relation me disait quand j'allais affronter verbalement des abrutis "mais t'es inconsciente, tu vas te prendre un pain dans la tronche un jour", j'ai presque 50 ans et ce n'est jamais arrivé (je crois qu'ils sont tellement étonnés qu'ils en restent comme 2 ronds de flan).
    Mes filles ados ont un peu honte quand j'engueule des inconnus dans la rue mais j'espère que ça leur montre qu'il ne faut jamais se laisser marcher sur les pieds.

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