La petite raclette du lundi soir

C’est une amie suisse qui nous a fait découvrir ce truc merveilleux: la raclette à la bougie. Parce que quand on est seul ou en couple, on ne va pas allumer un gros appareil électrique. Mais ces petits machins individuels, c’est juste parfait. Pendant des mois, j’ai guetté le retour set de 2 en rupture temporaire. Il a fini par arriver chez nous juste à l’orée de l’été, et on l’a quand même étrenné vite fait avant que la température ne grimpe trop. Puis on l’a remisé au fond d’un placard pour quelques mois. Samedi dernier, en préparant la liste des courses: j’ai dit: « Tiens, et si on prenait de quoi faire une petite raclette? ». Et hier soir, on a officiellement ouvert la saison d’automne à grands renforts de fromage coulant et de charcuterie.

Un peu avant vingt heures, la clé tourne dans la serrure, signalant le retour de mon amoureux, alors que je remplis une cocotte d’eau pour faire cuire les grenailles blanches. Pour une fois, on ne mangera pas devant une série ce soir, mais bien sur la grande table débarrassée de nos laptops. Sortir deux grandes assiettes Ikea et les couverts qui vont avec. Le fond de la bouteille de bon Merlot. Les cornichons et les petits oignons planqués au fond du bac à légumes. Le paquet de fromage – 12 tranches, la portion parfaite pour deux. Les deux barquettes de charcuterie italienne et française. Dans la famille de mon amoureux, on  ajoute des oeufs de caille et des coeurs d’artichaut (dans la mienne, on ne mange pas de raclette), mais j’ai voulu faire simple. Quand le couteau s’enfonce tout seul dans les patates, les égoutter et allumer les bougies chauffe-plat, puis appeler: « C’est prêt; à table! ». 
Evidemment, à la bougie, le fromage fond moins vite. Mais c’est tant mieux, ça nous oblige à faire des pauses au lieu d’engloutir en cinq minutes tout ce qui se trouve sur la table. Dehors, la nuit est tombée. Les enfants ont repris le chemin de l’école depuis une semaine; j’ai ressorti blouson et chaussures fermées. Bientôt, les feuilles roussiront et tomberont. C’est vraiment la période de l’année que je préfère, ce joyeux prélude à l’hibernation. On parle de nos boulots respectifs en surveillant les mini-caquelons. Ce n’est pas une conversation intense ni soutenue, juste une manière de décompresser et de meubler. « Pourquoi tu as une tranche d’avance sur moi? » « Parce que j’accepte de manger mon fromage moins fondu que le tien. » « Elle est à toi ou à moi, la dernière tranche de jambon? » « C’est de la pancetta, et je te la laisse. »
Petit à petit, les estomacs se remplissent. Une douce torpeur accompagne la sensation plaisante d’avoir mangé juste un peu trop. On a tant de chance d’être là, au chaud et en sécurité, bien nourris et avec quelqu’un qu’on aime. Quand les barquettes de charcuterie et de fromage sont vides, quand il ne reste plus qu’une pomme de terre solitaire dans le saladier, on souffle les bougies et on attend une minute sans rien dire – juste digérer et se sentir agréablement pleins. Puis on pousse un soupir de bien-être et on se lève à regret. « Pendant que je débarrasse, tu veux bien lancer l’épisode? » Et on se blottit l’un contre l’autre sur notre canapé un peu trop petit, devant une série qui parle de mondes parallèles. C’est lundi soir. Elle commence plutôt pas mal, cette semaine.

3 réflexions sur “La petite raclette du lundi soir”

  1. MadeleineMiranda

    Comme c'est réconfortant! Le petit set de 2 pour la raclette me faisait déjà envie la dernière fois que tu en avais parlé, je pense que je vais me laisser tenter. Merci pour l'idée! Bonne journée

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