Pourquoi « La casa de papel » est une mauvaise série (et pourquoi je l’ai adorée quand même)

« La casa de papel », c’est la série dont tout le monde parle depuis trois mois sur les réseaux sociaux, celle que les gens binge-watchent avec un tel enthousiasme que ça a fini par m’intriguer suffisamment pour que j’y jette un coup d’oeil – et que, malgré des défauts hurlants, je ne décroche pas avant d’être arrivée au bout des deux saisons. 
Si vous avez réussi à passer au travers jusqu’ici, en gros, c’est l’histoire de 8 braqueurs qui ont pris des noms de grandes villes pour protéger leur anonymat et qui, sous la houlette d’un mystérieux génie répondant au sobriquet d’El Profesor, montent le casse du siècle à la Fabrique Nationale de la Monnaie espagnole. Un casse qui va durer plusieurs jours et durant lequel ils garderont plus de 60 personnes en otage afin de garantir la bonne exécution de leur plan tordu à souhait…

POURQUOI C’EST MAUVAIS
Le thème du braquage machiavélique, mené par une bande d’individus géniaux chacun dans son domaine, n’a vraiment rien d’original, ni au cinéma, ni à la télé, ni même en littérature (si ça vous intéresse, je vous conseille notamment la lecture du magistral « Les mensonges de Locke Lamora » de Scott Lynch).
 Le nombre de gros plans racoleurs sur le cul de Tokio – la bombasse de la bande – est assez incroyable. Pour un huis clos censément tendu comme la ficelle d’un string, c’est fou le nombre d’occasions dans lesquelles le réalisateur réussit à semi-foutre à poil toutes les nanas vaguement bien gaulées du casting. Bizarrement, les autres n’ont jamais besoin de faire leur toilette. Grosse ou vieille, dans le monde de « La casa de papel », tu es auto-nettoyante. 
 La plupart des personnages sont des caricatures ambulantes (sauf un que j’aime d’amour, mais j’y reviendrai plus tard), et ils se comportent tous d’une manière tellement primaire et crétine que c’est un miracle qu’ils aient survécu jusqu’à l’âge adulte, à plus forte raison au-delà. 
 Il n’y a pas assez de chiffres dans l’univers pour compter les incohérences du scénario, ni les points de QI d’El Profesor qui a tout prévu même l’imprévisible. Sérieusement, avec un cerveau pareil, on se demande pourquoi il se contente de braquer une banque alors qu’il pourrait devenir maître de l’univers les doigts dans le nez. 
 Les scénaristes essaient de faire passer El Profesor et Berlin pour des anarchistes animés par une passion brûlante de la justice sociale alors que le premier est juste un nerd en mal de sensations fortes et le second un sadique caractériel. Robin des Bois volait les riches pour donner aux pauvres; eux, ils veulent voler « personne » et tout garder pour eux. C’est pas exactement le même concept. Par ailleurs, le casse « non violent » réalisé avec des M16 et une putain de mitrailleuse… Vous avez vraiment un problème de vocabulaire, les gars.
 Les intrigues secondaires qui permettent d’étirer une intrigue somme toute minimale sur deux saisons sont dignes d’une télénovela. Même menacés de mort, nos joyeux braqueurs restent sainement lubriques et/ou sentimentaux. Un peu comme Francis le blaireau farceur, ils ont des besoins. 
POURQUOI J’AI ADORE
 Parce qu’une série espagnole, ça change un peu. J’étais très contente d’entendre ma deuxième langue vivante et de me rendre compte que je la comprenais encore assez bien à l’oral. Bon, en même temps, le vocabulaire doit se résumer à trois cents mots, donc c’était pas non plus un exploit. Mais j’ai très bien révisé l’emploi de l’adjectif « puto/puta », décliné ici à toutes les sauces. 
 Parce que Nairobi, géniale faussaire au tempérament volcanique, véritable artiste avec l’amour du travail bien fait chevillé au corps, femme forte et sans affectation qui va chercher ce qu’elle veut, n’hésite pas à se mettre en danger pour ce qu’elle croit juste mais sert généralement d’influence modératrice à ses petits camarades beaucoup plus tête brûlée. 
 Parce que malgré un scénario archi-bancal, j’ai marché à fond dans l’histoire. Je voulais voir ce qui allait arriver ensuite, même si je me doutais que les absurdités ne feraient qu’aller crescendo. Au bout d’un moment, je ne me souciais plus du tout de plausibilité; je me contentais de profiter des scènes d’action rocambolesques mais efficaces et des rebondissements aussi improbables que jouissifs. « Tu es mûre pour « Die hard » », a jubilé Chouchou. Euh, faudrait quand même pas exagérer. 

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7 réflexions sur “Pourquoi « La casa de papel » est une mauvaise série (et pourquoi je l’ai adorée quand même)”

  1. J'ai commencé à regarder avec mon pou puisque tout le monde en parlait et on n'a pas été au delà du 3ème épisode. Le côté caricatural et l'ambiance telenovelas nous a gonflé, mais d'une force… sans parler des incohérences dans l'intrigue (je peux en accepter 1 ou 2 sur la fin d'une saison ou pour repartir sur la saison suivante, à la limite, mais là dès les 1ers épisodes, nan c'est pas possible).

    Enfin surtout on ne parle pas espagnol, je pense que ça joue beaucoup aussi, on rentre nettement moins dedans quand on lit les sous-titres.

  2. Oui, c'est bancal et incohérent (le come-back de Tokyo à moto sous les tirs nourris du GIGN espagnol,AHAH! et on ne parle pas de la fin…où est la petite fille de Raquel? elle l'a abandonnée à son ex violent ou quoi?)), oui,les persos sont caricaturaux (Arturo!) et leurs réactions sont souvent ineptes, oui El Profesor a tout prévu mais vraiment TOUTES les éventualités mais…MAIS ON S'EN FOUT! Parce que c'est bien et c'est cool!
    En revanche je suis sceptique pourla saison 3 commandée par Netflix bicoz le succès tout ça….mouais. "La casa de papel" c'est fini, je ne vois pas ce qu'ils peuvent en tirer de plus sans que ça fasse "forcé". C'est comme pour "13 reasons why".

  3. Tout à fait d'accord. Assez mauvais mais d'une part c'est ça qui est bon.
    D'autre part les rebondissements "j'avais pensé à tout" me font un bien fou : ils me ramènent à la pensée magique et la croyance que des fois, ça marche ("si je croise trois voitures rouge, l'examen de math sera facile"; "si j'entends "les yeux revolver" ce matin à la radio alors Glenn me regardera dans la cour de récré"; "j'ai oublié de renvoyer un document hyper important mais sûrement qu'un camion de La Poste va tomber dans la rivière (le conducteur aura le temps de sauter) et je pourrai dire que c'est à cause de cela que mon courrier s'est perdu").
    Trop bon.

  4. Je crois qu'énormément de non-hispanohablantes sont passés à côté de qqch de crucial : c'est absurde et tiré par les cheveux EXPRÈS. Le second degré et l'auto-ridicule sont subtiles mais constants. La série n'arrête pas de se moquer de ses propres travers. Souvent dans les dialogue du Professor, dont viennent la plupart des incohérences, comme un wanna be omniscient pathétique.

    C'est ce qui m'a rendu cette série très sympathique, sans en avoir l'air, elle se moque de tout… y compris des spectateurs et d'elle-même. Mais je crois que 95% des spectateurs•trices l'ont prise au 1er degré :-/

  5. @Funambuline: Je n'ai en effet pas trop perçu ce côté, surtout qu'il y a quand même des tas de scènes vachement malsaines (la tirade pro-life, la première scène entre Berlin et Ariadna…) que je continue à trouver gerbantes a posteriori…

    1. La tirade pro-life est à gerber.
      Mais c'est en soit une série très espagnole… avec ça aussi… :-/

  6. Hmmm, on peut être hispanophone et de culture télévisuelle espagnole (j'ai été élevée aux telenovelas avec mamie :D) avoir très bien compris le sous-texte complètement outrancier et intentionnel (suffit de les entendre jurer… )et trouver quand même gerbants certains partis pris du réalisateur.

    J’avoue que les tirades pro-life et le male gaze ultra-lourd et malsain m’ont empêchée de rigoler comme j’aurais dû lors de certaines scènes. Parce que quand même, la scène du secouage de voiture quand le Professeur est au téléphone, elle est épique.

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