Je supporte très mal de n’avoir rien à faire. Les week-ends où je suis à Bruxelles et où Chouchou est bloqué à la maison par son boulot, je me creuse frénétiquement la tête pour dresser quand même une To Do List, dussé-je la remplir de trucs pas fun tels que « Ménage de la salle de bain » ou « Tri du placard à thé ». Si je n’ai aucune activité sympa en vue, qu’au moins je mette mon temps à profit pour faire avancer le schmilblik en me débarrassant de quelques corvées. Je suis une excellente glandeuse, mais ma conception de la glande implique de pouvoir faire une petite croix à la fin – à côté de « Lire le dernier roman de Machin » ou « Tester le masque visage Truc », par exemple. Sinon, j’ai l’impression de perdre mon temps, de ne pas faire suffisamment compter chaque journée qui me rapproche de la mort. Déjà que je ne suis pas en train d’élever la prochaine génération ni de produire l’énergie renouvelable ultime ou de chercher un vaccin contre le cancer, il faut que je puisse justifier d’un accomplissement, même minuscule.
Quand je suis en panne de choses à faire ou à lire et que zoner sur internet n’est pas une option, une vague panique me saisit. C’est pas que j’envisage d’être aussi productive que Beyoncé, mais j’ai la conviction profonde que je devrais être en train, soit de profiter intensément de ma vie (option YOLO), soit de contribuer à quelque chose d’une façon ou d’une autre. Sinon, il me semble entendre tomber les grains de sable un à un au fond du sablier comme dans une vieille chanson de Téléphone. En plus, dès que je reste totalement inactive, mon cerveau ce troll passe la cinquième et se met à produire une cascade de pensées négatives. Je le vois, ce con, chercher frénétiquement des raisons d’angoisser, échafauder des scénarios catastrophe improbables du genre « Un aigle va entrer par la fenêtre restée ouverte de mon appartement et emporter mon bébé endormi » (oui, j’étais fan de « Friends »). En ce moment, ses thèmes préférés sont « Toutes les manières dont je pourrais merder ma déclaration de revenus et me prendre un redressement fiscal qui me mettrait sur la paille » et « Tout ce qui pourrait mal tourner dans le voyage en Asie de cet automne ».
Pourtant. C’est quand j’arrive à dépasser cette crispation que mon cerveau a enfin la latitude de prendre un peu de recul et de se moquer de lui-même: « Non mais tu débloques complètement mon pauvre vieux! ». De réexaminer de vieilles situations sous un nouvel angle et d’admettre que ma version des faits n’était peut-être pas tout à fait juste. De digérer les informations dont je le bombarde à longueur de temps, et de les utiliser pour produire des solutions créatives ou des idées originales. J’ai besoin de m’abandonner un temps à ma cacophonie intérieure pour parvenir à la faire taire – céder le volant à mon souffle, à mes sensations, au reste de ma physiologie et regarder émerger les fleurs du silence. Dans notre société de performance et de surmenage, l’ennui est souvent un terrain bien plus fertile qu’on ne le croit.
Je me reconnais dans ce que tu dis, je déteste ne rien faire. Impossible pour moi de rester à me reposer ou pire faire une grasse matinée ! Pourtant j'en aurais bien besoin 😉
Mais c'est vrai que ça fait du bien parfois de se poser juste pour mettre de l'ordre dans ses idées… Mais là encore, j'ai besoin de concret et de le faire par écrit pour ne pas avoir l'impression de ne rien faire…
C'est très vrai !
Malheureusement je suis un peu comme toi, j'ai du mal à ne pas chercher à occuper mon temps pour faire taire mon cerveau.
Il y a quelques semaines je regardais… Regards, je crois, sur Arte. Je ne sais plus le sujet mais je me souviens qu'une jeune femme expliquait qu'un jour elle s'était assise sur son lit et elle avait attendu. Pour affronter le silence, pour affronter l'ennui… pendant 4h ! de là sont nées pleins d'idées !
Je me dis que je devrais faire pareil, mais je ne trouve jamais le bon moment (une excuse pour dire que je manque de courage !)
Avant d'avoir ma fille aussi j'etais comme ca, je ne supportais pas de rien faire… Maintenant les fois ou je ne fais rien sont tellement rare que je les devores comme des bonbons avec gourmandise …
Je suis une personne à l’extrême opposée + une centaine de kilomètre sur la gauche de l’impulsivité et de la spontanéité. L’ennui, c’est le lieu où les choses prennent forment dans ma tête avant de pouvoir devenir réelles. Indispensable 🙂