J’ai zéro empathie.
Et pas beaucoup de compassion non plus.
(Je suis toujours en train de défendre avec virulence l’une ou l’autre cause, mais ça n’a rien à voir avec l’empathie ou la compassion: d’un point de vue froid et rationnel, je ne supporte tout simplement pas l’injustice.)
J’ai un sens aigu de moi-même. Je sais très précisément comment je fonctionne et pourquoi. Dans la mesure où peu de gens fonctionnent de la même façon, ma connaissance de mes propres ressorts me rend aveugle et sourde à ceux d’autrui.
J’ai un mal tout particulier à me retrouver face à des hypersensibles ou des personnes à l’ego fragile. Mon registre émotionnel se limitant à quatre notes dont la prédominante est la colère, je passe mon temps à les blesser sans le vouloir, puis à culpabiliser. (Je suis une brute bien intentionnée, ou au pire indifférente. Je n’ai jamais fait de mal sciemment dans ma vie. Mais j’ai clairement eu une panne d’oreiller le jour où on a distribué la délicatesse, la subtilité, la diplomatie et autres lubrifiants des rapports humains.)
De manière générale, les relations sociales sont un champ de mines pour moi. Je dis des choses qui ne me semblent pas poser de problème, et je vois mon interlocuteur se décomposer parce qu’en fait, j’ai évoqué un sujet tabou – en général, le sexe, l’argent ou la mort, dont je ne comprends pas pourquoi tout le monde en fait tout un foin.
Du coup, à chaque conversation, même avec mon entourage proche, je marche sur des oeufs. Je dois réfléchir avant de parler, mesurer ce que j’ai envie de dire à l’aune de critères qui ne sont pas les miens, jauger si ça va passer ou pas. C’est épuisant, et ça explique en grande partie que je préfère la solitude.
Les sentiments des autres et l’effort que je dois faire pour les ménager pompent toute mon énergie.
J’ai bien compris qu’au moins une fois sur deux, si je dis vraiment ce que je pense, je vais soit faire du mal soit passer pour pour un genre de monstre, voire les deux à la fois.
Alors j’écoute les autres et je dois constamment me retenir de leur faire remarquer qu’ils s’y prennent de travers (selon mes critères) et que leur comportement est illogique (selon ma logique 100% rationnelle qui ne tient aucun compte des facteurs humains). Quand je n’en peux plus de m’énerver en mon for intérieur, j’arrête de les voir lâchement, sans explication, parce que mes explications sont toujours perçues comme des couteaux.
Et trois ans après, je suis encore en train de ruminer ce que j’ai fait ou pas, ce que j’aurais dû faire ou pas; ça me mine absolument.
Pas une fois dans ma vie je n’ai dit ce que j’avais vraiment sur le coeur à un de mes proches. Les choses que j’ai sur le coeur sont hautement explosives et je ne crois pas qu’il soit souhaitable de faire le vide autour moi (surtout à coups de grenades).
Rien ne doit filtrer. Je dois rester parfaitement auto-contenue.
Rien ne doit filtrer. Je dois rester parfaitement auto-contenue.
Paradoxalement, mon inadaptation sociale est l’une des principales raisons pour lesquelles mon couple tient encore au bout de presque douze ans d’une relation qui n’a souvent pas été de tout repos. Mon amoureux aussi est décalé, bien que d’une autre façon que moi. Surtout, il est sans doute la seule personne au monde qui me voit réellement, qui perçoit le fonctionnement de mes rouages internes et ne le trouve pas monstrueux ou affligeant. Il a parfois du mal à gérer certaines de mes réactions, mais j’en ai autant à son service et l’entente parfaite n’existe pas. On négocie, on fait des efforts tous les deux. Comme les gens normaux – quoi que cet adjectif puisse signifier. On ne se comprend pas toujours, mais on se comprend assez pour que ça en vaille la peine.
Moi c'est pour ça que je t'apprécie (bon pas en mode full godess ça je ne connais pas)
Mais des rouages que l'on devine, et puis il n'y pas de double sens avec toi, pas de passif agressif, bref ceci était un commentaire qui ne sers pas à grand chose, mais j'avais envie de le dire
@FraiseDesBois: Rhâ punaise oui, c'est un des trucs qui me fait grimper au plafond, les gens qui disent un truc et qui en pensent un autre, et t'es censé deviner ce qu'ils veulent vraiment. Je suis pas télépathe, bordel.
je peux comprendre aussi que les gens soient blessés quand on leur dit que leur comportement est illogique et qu'ils s'y prennent mal..
Je ne sais pas si tu le prendrais bien si je te disais que tu te plains régulièrement de ne pas pouvoir voyager assez mais que tu pourrais y arriver en utilisant mieux ton argent (acheter moins de choses futiles et plus d'épargne)
@Anonyme: Bah je ne le prendrais pas mal parce que je ne sais pas qui tu es et que tu ne me connais pas – la preuve, tu ignores que la raison pour laquelle je ne voyage pas davantage est tout à fait indépendante de moi…
Il y a beaucoup de choses dans ton texte… Tu sais je crois qu'il y a des personnes qui ruminent beaucoup de choses et n'arrivent pas à dire ce qu'elles ont sur le coeur même sans avoir d'énormes problèmes d'empathie, et peut être l'inverse, j'ai l'impression que dans ton cas les deux problèmes n'en font qu'un mais je ne sais pas si c'est systématique. Je ne pense pas que tu cherches particulièrement des conseils, et je serais bien en peine d'en donner je crois, mais à la lecture du blog de Zunzun par exemple j'ai envie de penser qu'on commence aujourd'hui à avoir quelques outils pour s'exprimer plus facilement et arriver à exprimer une partie de ce qu'on pense sans être terrifié à l'idée de blesser (je pense à la Communication non violente par exemple mais à mon avis les personnes qui bossent en communication doivent avoir plein de petits "trucs" pour faciliter). Ce qui est injuste évidemment c'est que ce soit assez instinctif pour certaines personnes (ou disons qu'elles l'ont acquis très facilement), et que pour d'autres comme toi ce soit une énorme dépense d'énergie. Je te souhaite en tout cas de trouver des personnes qui comprendront la situation et ta manière d'être !
Tu es un joyeux mélange de Sheldon Cooper et de Tempérance Brenan 😀 et j'adore te lire.
Bisous Nad 😉
@Nad: Je ne savais pas qui était Temperance Brennan, j'ai dû chercher sur Google! 🙂
Ah oui c'est dans Bones, pardon 🙂
Bisous Nad
C’est marrant, dans mon fil HC aujourd’hui, j’ai ton article et celui de Maman Tornade qui d’une certaine façon lui fait un peu écho dans le sens où il traite du "handicap" émotionnel dont nous souffrons tous plus ou moins. On ne nous a rien enseigné à ce sujet qui ne va pas de soi et nous ne sommes pas tous à égalité. D’ailleurs on parle de l’intelligence émotionnelle qui détermine notre aptitude relationnelle. La différence outre notre niveau d’intelligence dans ce domaine est je pense notre capacité à en avoir conscience et à nous interroger, ce que tu fais certainement avec pertinence mais aussi je pense avec sévérité. Tu n’es pas tendre avec toi j’ai l’impression. Je te perçois différemment car j’ai une sœur aînée qui se comporte un peu comme toi, qui peut être blessante, mais au fond elle a un cœur d’or pur comme le cristal.
@Sissi: Oh, mes intentions sont toujours excellentes, c'est l'exécution qui pêche 😀 Mais clairement, autant j'ai une grande intelligence logique, autant mon intelligence émotionnelle est ras-les-pâquerettes. Je ne comprends pas comment fonctionnent les autres, et je suis incapable de deviner ce qu'ils ressentent. C'est pour ça que j'aime tant les livres et si peu les films, par exemple. Si on ne me dit pas ce que pensent les personnages, je suis infoutue de le deviner à partir des indications visuelles données par un réalisateur, et qui paraissent si évidentes à Chouchou.
Nous sommes sans doute différentes, et pourtant, je me retrouve dans pas mal des "conséquences" évoquées dans ce texte sans en partager les "causes"
J'ai cette tendance à avoir beaucoup trop d'empathie (mais pas tant que ça de compassion) et ça me prend une énergie de dingue. Je dis (trop) facilement les choses mais je suis trop fière et têtue pour écouter un conseil. Je rumine systématiquement ce que j'aurais du faire/ce que j'ai fait, parce que j'imagine ce que les gens ont pensé de moi à ce moment – comportement très égocentrique.
Je ne suis pas très adaptée socialement et complètement décalée par rapport aux besoins/envies/objectifs de mon entourage proche et moins proche.
On est ce qu'on est, on peut faire quelques ajustements, mais bon, comme on ne peut pas tout changer (et ça serait quand même super bête de le faire) on ne peut que trouver un entourage qui soit un peu compatible avec nous 🙂