Où l’achat de nouveaux oreillers met mon féminisme à rude épreuve

En ce début d’année 2018, j’avais décidé de changer nos oreillers: d’abord, je les trouvais dégoûtants après plus de dix ans d’utilisation; ensuite, plusieurs des apparts Air B’n’B où nous avons séjourné possédaient une super literie qui m’avait fait fantasmer à mort: des draps en lin fin à Edimbourg (depuis, j’en ai acheté pour Monpatelin), des couettes individuelles divines à Oslo, et des oreillers de compète à Galway. Samedi matin, avant d’aller nous ravitailler au Delhaize Flagey, nous sommes donc passés à l’Univers du Sommeil avenue Louise. 

Le magasin était désert, j’ai donc pu solliciter tout de suite les conseils d’un vendeur. 
– Je cherche des oreillers en 60×60, très gros et bien fermes. 
– Duvet ou latex? m’a-t-il demandé en se dirigeant vers le rayon approprié.
Franchement, je n’en savais rien. Sur un lit voisin, j’ai essayé un modèle en duvet, très joufflu mais trop moelleux. Un premier modèle en latex, pourtant pas si épais, m’a apporté le soutien que je cherchais, y compris en position assise contre la tête de lit.
– Si vous aimez lire au lit, c’est ceci qu’il vous faut, a décrété le vendeur en me sortant un coussin triangulaire conçu exprès pour. 
J’avoue, c’était le confort absolu. Mais je subodorais que deux oreillers normaux allaient déjà me ruiner, et je n’ai pas vraiment la place d’en stocker un troisième aussi encombrant dans notre petit appart. 
Le vendeur m’a proposé d’essayer un troisième modèle, archi volumineux, rempli de nouilles de latex.
– Vous pouvez moduler l’épaisseur en vidant une partie des nouilles, m’a-t-il expliqué. 
J’ai posé ma tête dessus. La sensation était bizarre. 
– Je crois que je vais rester sur le premier modèle en latex.
Sur ces entrefaites, Chouchou, parti garer la voiture après m’avoir déposée au magasin, nous a rejoints. Il s’est jeté sur le lit à côté de moi, a posé la tête trois secondes sur chaque oreiller et décrété péremptoirement: « Celui-là » en désignant le modèle avec les nouilles de latex. 
– Vraiment? ai-je dit, dubitative, en le reprenant pour l’essayer. Ca ne te gêne pas de sentir le mouvement des nouilles à l’intérieur dès que tu bouges la tête?
– Non. Et il va hyper bien soutenir ma cervicale déplacée quand je suis allongé du côté droit.
Après tout, on n’était pas obligés d’avoir les deux mêmes. J’ai demandé le prix: 69€ pour celui avec les nouilles, 78€ pour celui en latex d’un bloc. Ah oui quand même. Mais bien dormir, ça n’a pas de prix. Enfin si: 147€ les deux oreillers de compète. Je suis allée à la caisse pour payer, et je me suis étonnée de voir le vendeur m’établir une facture.
– C’est parce qu’ils sont garantis deux ans.
– Au cas où on les casserait? a ricané Chouchou à voix basse.
Les oreillers achetés et les courses faites, on est rentrés à la maison. On a mangé, on est passés chez Filigranes faire un bisou à Laurie, on est re-rentrés et Chouchou a bossé pendant que je glandais sur internet. Au bout d’un moment, je me suis levée en déclarant que j’allais installer les nouveaux oreillers. 
J’ai commencé par celui de Chouchou. Il avait une surhousse bien planquée dans son emballage, et une fois mises la surhousse en question plus une taie, je me suis allongée en posant ma tête dessus… Plus de crissement de nouilles sous ma tête, juste un confort délirant. 
Je me suis relevée et j’ai répété l’opération avec mon propre oreiller qui, par comparaison, me paraissait tout raplapla. Je me suis allongée dessus; ma tête n’a pas eu d’orgasme. J’ai commencé à râler que j’aurais dû prendre le même que Chouchou. 
– Y’en a marre, non seulement tu choisis toujours les meilleurs plats au resto, mais maintenant, tu fais pareil pour les oreillers neufs! Je ne vais quand même pas te laisser décider de tout à ma place, ai-je rouspété, atteinte en plein dans mon féminisme. 
Et Chouchou, cet homme parfait qui, au restaurant, me propose systématiquement d’échanger nos plats (ce que je refuse non moins systématiquement, car je ne vois pas pourquoi c’est lui qui serait puni de mon mauvais choix), m’a dit:
– Tu veux qu’on reprenne une Cambio et qu’on repasse au magasin pour faire un échange? 
Une heure plus tard, nous étions donc de retour avec un second oreiller en nouilles de latex made in Belgium. Et le soir, après avoir mangé une soupe portugaise pas terrible devant un épisode de Bron/broen, j’ai filé me mettre au lit avec mon bouquin en cours. Depuis le salon où il continuait à bosser, Chouchou a bien rigolé de mes couinements d’extase. Mais il a poussé exactement les mêmes en venant me rejoindre sous la couette un peu plus tard. Et nous avons merveilleusement bien dormi cette nuit – si j’avais pu me douter à quel point, j’aurais changé nos oreillers depuis des années. 

4 réflexions sur “Où l’achat de nouveaux oreillers met mon féminisme à rude épreuve”

  1. @Londoncam: L'emballage est minimaliste, je pense que la marque est At Sleep mais je ne leur ai trouvé aucun site ni revendeur sur internet, sinon j'aurais mis un lien dans mon post, tu penses!

    1. Mais oui, j'ai vu après sur Facebook, juste après avoir posé ma question… Le mystère reste entier !

  2. ils sont tellement efficaces ces oreillers que j'ai envie de dormir là tout de suite sur l'un d'entre eux…..mais nan! là c'est la pause café, et il reste de longues longues heures avant que ma tête puisse se pauser sur mon oreiller à 10€ qui pique parce que les plumes sortent de la housse….Mais j'aurais rêvé l'espace d'un post!!! merci beaucoup :o)

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