La semaine dernière, alors que je parcourais le bel album photo consacré à la présidence de Barack Obama, je suis tombée sur ce conseil de vie qu’il avait donné à sa fille aînée Malia: « Be kind and be useful ». Autrement dit: « Sois bienveillante et rends-toi utile ». En effet, je crois que c’est le mieux qu’on puisse demander à un être humain, le mieux à quoi chacun de nous puisse aspirer. Et si je fais mon propre bilan à l’aune de ces critères… Honnêtement, ce n’est pas brillant.
J’ai toujours pensé que la vie n’avait pas de sens particulier, qu’on ne naissait pas pour accomplir quelque destin que ce soit et qu’on n’avait pas à justifier sa présence sur Terre. Personnellement, j’ai choisi de vivre pour moi-même, de ne pas avoir d’enfants et de ne me créer qu’un minimum de responsabilités afin de profiter au maximum des choses que j’aime: voyager, écrire, sortir. Etre aussi libre que possible dans les paramètres de notre société moderne. Faire le moins de mal possible autour de moi, que ce soit à la planète ou aux gens. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose que chercher à faire activement du bien. Et pendant très longtemps, ça m’a suffi.
Oh, j’ai bien fait du bénévolat auprès des personnes âgées isolées quand j’étais plus jeune, mais assez vite, la patience et la tolérance m’ont manqué. Depuis, j’étouffe tous mes élans solidaires en me remémorant que je n’aime pas les gens – que j’aime l’idée de les aider dans l’absolu mais ne supporte ni leur présence physique, ni le fait de devoir interagir avec eux. Je ne suis même pas capable d’aller manifester parce que l’idée de me retrouver prise au milieu d’une foule m’oppresse atrocement. Du coup, je fais la seule chose qui ne me coûte guère: je donne des sous. Je m’achète, au sens littéral du terme, un peu de tranquillité de conscience. Oui, je sais, je pourrais aussi ne rien faire du tout. Mais j’ai de plus en plus honte de ne pas faire davantage alors que notre époque l’exige tant.
Le problème, c’est que je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus sans que ce soit pour moi une contrainte à laquelle je chercherais tous les prétextes du monde pour me soustraire. Je n’ai pas élevé les grands esprits de demain. Je n’ai pas écrit de brûlot féministe ni de manifeste écologiste propre à éveiller les consciences. Je n’ai pas créé d’entreprise solidaire ou inventé de truc qui facilite le quotidien. Je ne travaille ni dans l’éducation ni dans la santé; je ne produis aucun bien de première nécessité. Je ne fais pas de politique dans l’intention sincère d’améliorer le sort des classes populaire et moyenne. Je ne suis même pas foutue de devenir coach pour transmettre ce que j’ai appris – je le partage sur ce blog, mais même s’il paraît que ça aide parfois certain(e)s d’entre vous, il ne s’agit jamais que d’un effet secondaire accidentel.
Alors, je cherche en quoi une quasi-quinquagénaire asociale et qui fuit les responsabilités comme la peste peut bien contribuer de façon positive à la société. Parce que j’ai trop conscience de ma chance pour ne pas ressentir de plus en plus le besoin de « rendre » quelque chose. Si je trouve quoi et comment, je vous fais signe.
(Quant à la bienveillance, je dois toujours écrire un billet dessus, poussez pas, ça arrive.)
Je pense que c'est déjà pas mal et que lorsqu'on s'oblige ça se voit…:-)
Eh bien, je peux te dire une chose… Tu as largement contribué à m’ouvrir les yeux sur le monde, tu m’as poussée à regarder ce que je ne voulais pas voir (je suis une tès bonne autruche quand je veux), tu m’as incitée à réfléchir au point de m’intéresser à la politique et au reste… Tu m’as incitée à remettre en question ma vision du monde et de ce que je voulais qu’il soit. Bon, peut-être que moi non plus je ne ferai pas grand-chose pour changer le monde, mais au moins ça a un sacré impact sur ce que j’essaie d’inculquer à mes enfants. C’est peut-être eux qui feront quelque-chose ? Va savoir…
Alors, directement, tu ne fais peut-être « rien » de significatif, mais ne sous-estime pas l’effet indirect…
Avec tes traductions, tu rends accessibles à des milliers de personnes des oeuvres (ce qui est vital -la culture) qu'ils ne pourraient pas lire sans ton travail. Or, la culture, c'est crucial dans l'éveil des consciences, pour la beauté et la morale. J'ai fait lire Sleepy Hollow à des 4° et des 5° (ta version et celle que j'avais déjà en plusieurs exemplaires, je prête beaucoup mes livres), ils l'ont adoré et ils veulent "plus de livres comme ça en plus de ceux du programme", donc oui, tu apportes beaucoup. Tu contribues à diffuser la culture, et c'est ce qui nous civilise, nous enrichit intellectuellement, c'est vital. Rappelle-toi que, dans "Si c'est un homme", le narrateur traduit "La Divine Comédie" à un des autres prisonniers pendant leurs corvées quotidiennes, et lui, ça l'aide à tenir, et cette beauté soudain accessible pour son compagnon rend ce dernier plus endurant, le distrait de sa douleur. Tu fais circuler la beauté, la culture, l'art.
Elmaya: Oh, je suis ravie que tu me dises ça, parce que la politique, je sais que ça peut paraître ennuyeux, abstrait ou lointain, mais ça a un tel impact sur notre quotidien à tous! Si tout le monde s'y intéressait un peu, je suis sûre qu'on élirait de meilleurs dirigeants. Donc je suis bien contente de t'avoir incitée à te pencher là-dessus.
TheEverydayFrenchGirl: Je suis partagée entre te dire que oui, tu as absolument raison, la culture c'est hyper important et je contribue à sa propagation, et l'envie de piquer un fou-rire en pensant à l'"utilité" de certains bouquins que j'ai traduits 😀
J'héberge des migrants. Un divan et très peu d'interactions sociales nécessaires (sauf si tu décides de t'investir émotionnellement).
@Sylvie: C'est génial de faire ça, mais j'en serais tout à fait incapable. Je supporte à peine la présence de gens que je connais très très bien dans notre tout petit appartement….
Puisque tu es douée pour l’écriture, pourquoi ne pas t’en servir pour faire des portraits de gens-qui-changent-le-monde ? Pour relayer des initiatives qui te semblent bonnes ? Pour ouvrir d’autres yeux ? Tu as l’air d’avoir un bon statut d’influenceuse (comme je déteste ce mot :D), ça peut servir pour tout ce qui est communication.
Autre domaine : la traduction bénévole. J’attends d’ailleurs de lire un article sur le sujet de la SFT (Société Française des Traducteurs) pour savoir à quoi m’attendre et me lancer quand je me sentirai prête. Il y a des débuts d’infos ici : https://www.sft.fr/fo/public/menu/archives_news/news_fiche&newsId=2158
Tu peux être contente, parce que je faisais un gros blocage dessus… Il faut dire que la seule éducation politique que j’avais reçue, c’était d’assister à quelques engueulades monstrueuses entre mon père et sa famille… Ça donne envie , hein ?
Maintenant, plus ça va plus ça m’intéresse, et plus ma culture politico-historique augmente, et du coup je comprends mieux, ça m’intéresse encore plus et ainsi de suite… J’ai même vu d’un autre oeil des bouquins qui m’étaient tombés des mains faute d’y comprendre quoi que ce soit auparavant…
Et ça m’a même donné un nouveau sujet de conversation avec mon mari !
Bref, merci !
Hello,
Si je puis me permettre d'apporter my two cents…
Je suis également traductrice indépendante et je donne de mon temps par cycle, un an dans telle asso avec des confrères par-ci, un an de soutien scolaire par-là… Le temps que les gens me gonflent ou que je me lasse. Mais ça me permet de rencontrer des personnes que je n'aurais jamais rencontrés autrement et de développer de nouvelles compétences. Et ça ne m'empêche pas de donner également de l'argent.
En ce moment, je suis trésorière d'une association. J'ai appris à faire de la compta en ne croisant quasiment jamais personne, ce qui est pas mal quand on a une phobie sociale. Mais je songe à arrêter l'année prochaine, la famille s'agrandissant.
Tout ça pour dire qu'il est possible de donner de son temps de chez soi et qu'en tant que bénévole, aucun contrat ne nous lie à personne et qu'on peut arrêter quand on le souhaite.
Voilà, j'espère que tu trouveras ce que tu souhaites faire. Je crois qu'il est important de vivre selon ses valeurs et j'ai l'impression que la question te taraudera tant que tu n'auras pas au moins essayé 😉
Bon courage,
M
@Shermane @M: Ce sont des pistes intéressantes, merci!
Un bon nombre d'articles que tu écris, ou de choses partagées sur Facebook permettent en effet d'ouvrir les yeux sur des sujets importants, de sensibiliser, ou simplement de lire des positions différentes des nôtres; tes posts de développement personnel, notamment, sur le blog sont sûrement aussi plus utiles que tu ne le crois!
Je pense que chacun peut donner (de son temps, de ses sous, de ses connaissances) de la manière qui lui convient le mieux. Il n'est pas donné à tout le monde d'être Mère Teresa ^^, et bien sûr on peut toujours en faire davantage, mais ce serait excessif de dire que tu ne fais "rien"!
Bonjour,
Je me pose ce genre de questions aussi. J'en suis à regarder du côté d'Enercoop et compagnie, du Crédit coopératif/Nef pour la banque.
Sinon, réduire ses déchets au quotidien (produits frais en barquettes qui existent en vrac ou à la coupe, essuie-tout, mouchoirs en papier, film plastique, coton, bricoles gratuites et merdiques, il y a tant de choses super-faciles à éliminer…), éviter de commander des trucs à l'autre bout du monde ou d'acheter en juillet des pommes qui viennent de passer dix mois au frigo, ne pas toujours faire ses vacances en avion (surtout si on part beaucoup en vacances), voir chez soi s'il y a des postes de conso d'énergie qu'on peut réduire ou éliminer…
Personne ne te remettra de médaille pour ça, et pourtant, c'est l'urgence.