Pas cool, Raoul

J’ai descendu la poubelle, fermé les volets, arrêté la chaudière, coupé l’arrivée d’eau et bien verrouillé la porte; je peux m’en aller l’esprit tranquille pour prendre le bus de 10h30, qui m’amènera à la gare plus d’une demi-heure avant le départ de mon TGV pour Paris. Comme ça, j’aurai le temps de m’acheter de quoi manger et lire pendant le trajet. Cool, Raoul.

Le bus est en retard alors que ce sont les vacances scolaires et qu’il n’y a pas un chat sur les routes. Il fallait s’y attendre, et puis j’ai pris de la marge, je ne suis pas à six ou sept minutes près. Par contre, quand la conductrice plie son rétro droit en doublant un engin de chantier stationné en pleine voie pour cause de travaux, je commence à m’impatienter un peu tandis qu’elle tente vainement de le remettre en place. Finalement, elle annonce qu’elle n’ira pas plus loin, qu’elle va attendre sur place qu’on vienne la dépanner. Nous sommes au milieu de nulle part et aucun autre bus ne passera avant une demi-heure. Trop juste pour attraper mon TGV. Avec un pénible sentiment de déjà-vu, j’empoigne ma valise, descends et m’élance vers un arrêt où je sais que passe la ligne 1, avec des bus toutes les 5 minutes. Bien sûr, il n’y a pas de trottoir praticable à cet endroit; bien sûr, je suis trop couverte pour la température quasi-estivale et bientôt en nage; bien sûr, en atteignant enfin ma destination, un kilomètre plus loin, je me rends compte qu’il n’y a pas de bus avant presque dix minutes. J’attends en trépignant d’impatience. 
Le 1 arrive; les gens qui montent prennent tout leur temps, n’ont pas la monnaie pour le ticket, taillent une bavette avec le chauffeur pendant que je réprime des envies de meurtre. Nous avançons à une allure d’escargot dans une avenue mal foutue et toujours encombrée. Oh, un camion de déménagement qui bloque le passage. Oh, les feux rouges qu’on se prend tous l’un après l’autre. Oh, encore des travaux. Apparemment, les dieux du voyage m’ont élue Miss Souffre-Douleur Automne 2017. C’est trop d’honneur, fallait pas. Le 1 ne va pas jusqu’à la gare, donc je descends à Liberté et je me mets de nouveau à courir, mais cette fois, attention, on corse la difficulté: la route est en pente ascendante. Et je casse une des roulettes de ma valise, déjà abîmée par deux ans et demi de bons et loyaux services. Bon, d’un autre côté, ce TGV a toujours 5 à 10 minutes de retard, je devrais m’en sortir.

…Je déboule à la gare sur les rotules, deux minutes avant le départ de mon train qui, bien évidemment, est à l’heure pour une fois. Ma valise est foutue, j’en rachèterai une autre; je n’ai rien à manger mais il y a un wagon-restaurant; je n’ai pas pu passer au Relay mais j’ai des bouquins dans mon sac. Et je ne vois vraiment pas pourquoi je me ruinerais à prendre un abonnement à une salle de sport alors que l’univers-alias-Raoul est si visiblement déterminé à me faire faire du cardio. 

2 réflexions sur “Pas cool, Raoul”

  1. C'est moche qu'il arrive toujours ce genre de choses quand tu as un train à prendre, mais j'avoue que j'ai beaucoup ris ..

  2. J'ai beaucoup aimé le ton dont tu racontes cette anecdote ( et finalement les Dieux du voyage t'ont mise à l'épreuve mais tu t'en est admirablement bien sortie !)

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