They say youth is wasted on the young

En essayant les quelques pantalons qui me restaient durant le grand tri fait récemment dans ma penderie, j’ai dû me rendre à l’évidence: ma taille bien marquée, qui jusqu’ici avait toujours sauvé ma silhouette dodue, avait à son tour disparu dans les méandres de la quarantaine. Gros coup de déprime. 

Entre 18 et 38 ans, je n’ai quasiment pas changé de tête. J’ai pris quelques fines ridules au coin des yeux, mais pas plus étant donné que j’ai toujours fui le soleil; une dizaine de mes cheveux (de toute façon planqués sous mes éternelles colos) ont viré au blanc, et basta. Pour le reste, je faisais toujours sensiblement le même poids; je n’avais pas trop rouillé malgré l’arrêt de la danse à 30 ans et des arts martiaux deux ou trois ans plus tard, et tout le monde me disait que je paraissais dix ans de moins que mon âge. 
Et puis le temps m’a rattrapée brutalement. Sous l’effet des antidépresseurs censés soigner mes attaques de panique, j’ai pris dix kilos que je n’ai jamais réussi à reperdre. Du jour au lendemain, le bas de mon visage s’est affaissé tandis que deux virgules se creusaient aux coins de ma bouche, me donnant l’air renfrogné même au repos. Mes sillons nasogéniens se sont marqués, d’un côté plus que de l’autre histoire de bien faire. Je suis devenue presbyte en l’espace de quelques semaines, et bien que ce soit un handicap invisible, c’est très très chiant au quotidien de ne plus y voir de près. Des taches brunes ont commencé à se multiplier un peu partout sur mon corps. Là, depuis six mois, je constate que mes ligaments raidissent à la vitesse grand V. Et maintenant, c’est ma taille qui fout le camp. Je n’ai pas encore de veines saillantes sur le dos des mains et mes seins tiennent tout seuls pour le moment, mais je suppose que ça ne durera plus. 
Après n’avoir pas bougé – ou si peu – pendant deux décennies, je suis choquée de ne plus me reconnaître dans la glace, de me sentir littéralement vieillir un peu plus chaque mois. Et encore, je devrais faire partie des femmes les moins affectées par cette transformation. D’abord parce que, dotée à la base d’un physique des plus moyens, je n’ai jamais compté sur mon apparence pour me faire remarquer ou avancer dans la vie. Ma décrépitude ne va rien changer à mon statut social. Ensuite parce que j’ai la chance d’avoir un partenaire qui, nonobstant toutes les preuves du contraire, me regarde comme si j’étais la plus belle femme du monde – même au réveil quand j’ai la tignasse en bataille, les cils à moitié collés par du caca d’yeux et une haleine de poney nourri au Whiskas. Enfin parce que je n’ai aucune souci de santé majeur pour le moment, ce qui est quand même le principal. Pourtant, depuis des mois, j’évite soigneusement les miroirs et je ne porte plus que des culottes gainantes
Je sens que la ménopause va être une grosse partie de plaisir. 
Pour ne pas plomber l’ambiance, je dois admettre que la situation a aussi quelques avantages. Finies les questions liées à la maternité: à ce stade, les gens se rendent bien compte que soit je n’ai pas pu avoir d’enfants, soit même la folle originalité de leur argument-massue « Mais-c’est-la-plus-belle-chose-dans-la-vie-d’une-femme » ne changera rien à ma nulliparité. Finis le harcèlement de rue et les tentatives de drague lourdingues: je suis devenue parfaitement invisible aux yeux de la gent masculine, ce qui me convient tout à fait car… Fini le besoin de séduire. Et ça tombe bien, parce que même si ça me fait mal de l’admettre, je n’ai pas emballé pendant 20 ans grâce à la seule brillance de mes réparties. Par association, finis les tourments hormonaux – franchement, qu’est-ce que c’est bon, la paix des glandes!

On se console comme on peut. 

J’ai toujours préféré mettre en valeur mon esprit plutôt que mon physique. La différence, c’est qu’aujourd’hui, je n’ai plus trop le choix. Dans la pratique, ça ne change pas grand-chose. Mais c’est une porte de plus qui se ferme avec l’âge. Je ne me lamente pas: je constate. 

4 réflexions sur “They say youth is wasted on the young”

  1. Tiens, je faisais plus que mon âge avant (la faute à des fringues pas terribles) et à peu près mon âge (?) maintenant (la faute à des fringues pas terribles mais colorées).
    Grâce aux médicaments, j’ai pris plus de 15 kg depuis 10 ans, avec une accélération marquée ces 3-4 dernières, youpi. Et si je ne suis pas grosse, je me suis surprise à me heurter partout, peu habituée à ma « nouvelle » silhouette qui, dans ma tête, est plus fine. J’ai un mal fou à m’habiller aussi.
    Et comme la vie est une ****, moi qui me plaignais d’être plate comme une limande, j’ai peut-être pris une demi-taille de poitrine (passant de AAA à AA, quelque chose comme ça), mais je m’en fiche T_T

    Autrement, le fait est que le partenaire prend des photos particulièrement jolies où tu es particulièrement radieuse 🙂

    Enfin, comme disait Gottlib, non, c’est pas drôle de vieillir.

  2. À mon humble niveau, et c'est un peu différent je sais, ma petite voix intérieure s'est fait un plaisir de me faire remarquer que l'immense majorité de mes amis est en couple / mariée / avec enfant / tout à la fois, qu'il est temps de masquer des cheveux blancs (je suis brune) et de mettre une crème appropriée au contour de mes yeux, que de fines rides d'expression ne disparaissent plus de mon front, qu'il faudrait que je prenne plus soin de mes articulations vu mon travail et de mon dos vu le risque familial, que le stress dans ma mâchoire et en général m'a bien abîmé les gencives et que oh, tiens, un problème de dents pour compléter, avant de me porter le coup de grâce en demandant si quelqu'un me trouverait jolie un jour avec tout ça et ce qui s'ensuivra. ( En plus, mon écart d'âge avec ma sœur aidant, l'univers me rappelle le mien, tout comme ses photos à elle portant les robes que je mettais à son âge et qui ne me vont plus – Une forme de nostalgie plus qu'une plainte ; ça fait autant d'années pour la fac, vraiment ?)
    Et pourtant, je ne retournerais en arrière pour rien au monde, ma vie est mille fois meilleure aujourd'hui qu'il y a dix ans. Pour tout ce qui suit, j'imagine qu'il faudra apprendre à accepter afin de profiter au lieu, et c'est tentant, de se lamenter un peu à l'intérieur ; parce que demain, dans dix ans, dans trente, je veux être capable de voir les belles choses.

    Mélusine

  3. Même constat global… Au moins 15 kilos de plus qu'il y a dix ans (la faute aux soucis et aux insomnies), cheveux beaucoup moins fournis et beaucoup de blancs, peau tachée, etc etc. Impossible de me voir en photo, je ne me reconnais pas. Et si je remonte à 15 ans, alors là…

    Mais somme toute, je suis beaucoup mieux dans ma peau qu'il y a dix ans, beaucoup plus heureuse qu'il y a 15 ans. Alors, si c'est le prix à payer, je dois pouvoir l'accepter…

    (N'empêche que… groumpf, quoi. Quand même.)

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