J’aime plus Paris

Longtemps, j’ai rêvé d’habiter à Paris. 
Pour moi, c’était là-bas que tout se passait, là-bas qu’il fallait être. D’ailleurs, tous mes copains dotés d’un minimum d’ambition se trouvaient un boulot sur place, allaient s’y installer dès que possible et menaient des vies qui me faisaient rêver, pleines d’expos et de spectacles passionnants, de restos de toutes les nationalités, de shopping dans des magasins dont on n’avait même jamais entendu parler en province. J’avais l’impression qu’ils vivaient au centre du monde tandis que je végétais tristement dans des endroits où je me sentais toujours à l’étroit. 

Chaque fois que je « montais » à Paris pour quelques jours, j’en revenais éblouie et plus envieuse que jamais. Mais j’ai toujours eu une bonne raison de ne pas sauter le pas du déménagement. Etudiante, je n’avais pas les moyens; plus tard, j’ai été en couple avec des gens qui se trouvaient très bien dans leur région d’origine et qui n’auraient pas envisagé une seconde de me suivre là-bas. Quand je me suis séparée de l’Homme-ce-chacal-jaune, une vraie fenêtre s’est ouverte pour la première fois. Je me suis dit que j’allais vendre l’appartement de Monpatelin et acheter quelque chose à Paris – puisqu’après tout, mon boulot pouvait m’accompagner n’importe où. Et puis être sur place serait plus facile pour créer ou entretenir des contacts avec les éditeurs. 
J’ai regardé les prix du mètre carré dans Paris intra-muros – car tant qu’à déménager, il était hors de question que je me retrouve en banlieue, obligée de prendre un RER dès que je voudrais sortir. Pour le prix de mon confortable T3 près de Toulon, je ne pouvais même pas espérer une chambre de bonne dans le Marais ou le 10ème arrondissement (les deux endroits où j’aurais aimé vivre). Bien entendu, il était possible de m’endetter davantage – mais pas nécessairement facile, puisque célibataire avec des revenus aléatoires même si très corrects. Quant à louer, je savais la foire d’empoigne que c’était, et que là aussi, je serais désavantagée par rapport à des couples de salariés. Ca méritait réflexion. 
Pendant que je réfléchissais, j’ai rencontré Chouchou et atterri à Bruxelles à mi-temps. Si la météo locale me désespère (cela dit, celle de Paris n’est guère meilleure dans l’absolu), j’avoue que les dimensions plus humaines de la capitale belge me correspondent davantage, que le coût de la vie y est nettement plus raisonnable, la vie culturelle bien assez riche pour me tenir occupée, et qu’il y a pléthore de restos de toutes les obédiences pour contenter mon estomac. 
Je continue à aller à Paris de temps en temps, pour un week-end ou une journée. Et chaque fois, j’en reviens un peu moins enchantée. Je trouve la ville de plus en plus sale, les gens de plus en plus stressés, le métro de plus en plus répugnant, l’air de moins en moins respirable. Les commerces s’uniformisent; les librairies que j’adorais ont disparu ou se sont changées en magasins de souvenirs. Je n’arrive plus à payer 5€ un sachet de Lipton servi par un garçon de café maussade alors qu’on me le facture 2,50€ avec le sourire chez Les Gens que J’Aime. 
Bref, je continuerai à y aller pour voir mes amis et mes éditeurs ou visiter une expo exceptionnelle (en tâchant de me souvenir que les musées nationaux sont fermés le mardi…), mais j’aime plus Paris, et je suis finalement bien contente de n’avoir jamais fait l’effort d’y transplanter ma vie. 

7 réflexions sur “J’aime plus Paris”

  1. Je me vois tout à fait dans ton billet: quand j'ai eu 25 ans, je me suis retrouvée au chômage et j'avais prévu de m'y installer, j'en avais tellement rêvé ! Jamais Bruxelles ne me serait alors venue à l'idée (j'avais des a priori stupides sur cette ville) mais pourtant c'est vraiment là que je me sens bien aujourd'hui. Avec le recul, c'est l'endroit qu'il me fallait ! ^^

  2. C’est à quelle période que tu as consulté les prix au m² de Paris ?

    Pour ma part, il était évident que je vivrais à Paris, puisque j’y suis née et que mes parents y ont acheté un appartement il y a 20 ans de cela (à 2 000 €/m²…), sans compter toute la famille et les amis qui y sont. Et puis les prix étant devenus ce qu’ils sont, je me suis rabattue sur la banlieue ni-proche ni-lointaine, avec juste ce qu’il faut de désagréments pour que je songe à partir loin, genre à l’étranger (n’ayant pas d’attaches dans une autre ville française). C’est un pas que je ne me vois pas faire tant que mes parents sont vivants et je ne suis pas assez rock & roll pour faire des aller-retour.

    En tout cas, c’est clair que la qualité de vie a dégringolé, on trouve mieux, que ce soit en culture ou en bouffe. Je n’ai pas envie de dire que « les gens sont aigris » car je suis ces gens, mais le fait est qu’on peut atteindre des sommets d’indifférence assez monstrueux (enjamber un SDF ?!!). Sans parler des prix affolants pour tout et n’importe quoi.

    Le seul bon point : c’est assez cosmopolite, et même si ça ne veut pas dire que les gens ne sont pas racistes, au moins, personne ne me regarde comme une bête de foire. Souvenir un poil traumatisant et qui m’avait vraiment étonnée il y a 10 ans, à Bayonne.

  3. @Shermane: J'ai regardé les prix à l'été 2006, juste avant de rencontrer Chouchou.
    Et côté cosmopolite aussi, on peut difficilement faire mieux que Bruxelles en Europe ^_^

  4. J'ai visité Paris avant de connaître mon actuel compagnon ex-parisien ( son rapport à Paris: il le définit comme un syndrome de Stockholm). Je m'y suis sentie complètement inappropriée. Je n'arrivais pas à m'imposer pour … marcher en rue. J avais l'impression de tout le monde allait me marcher dessus avec un air déterminé et je n'arrêtais pas de me faire bousculer. Je me suis posée beaucoup de question sur mon charisme naturel de vieille chaussette ce jour-là. J'avais envie de dire : mais vous n'avez pas besoin de cette attitude pour "faire" capitale importante, Paris et ses beautés se suffisent à elles-mêmes 🙂 Depuis, Paris représente le pèlerinage bi-annuel dans ma belle-famille et ça ne m'aide pas à l'aimer 😉

  5. Je me reconnais en grande partie dans ton billet. Les choses sont un peu différentes pour moi car je vis en province et dans une ville pas folichonne dont j'ai souvent envie de m'échapper. Comme toi, à la vingtaine, Paris me faisait briller les yeux à chaque passage. Mon compagnon est parisien et nous y allons une à deux fois par mois pour quelques jours. Cela me permet de m'échapper de ma province mais je peux dire, moi aussi, je n'aime plus Paris. Même constat sur les librairies (pas très accueillantes en plus), sur les prix délirants (au café, par exemple, vous êtes sérieux?!), sur la saleté, sur le métro souvent irrespirable de crasse et de monde, sur le snobisme parisien… Expos bondées, public au cinéma impoli, théâtre inabordable si on ne peut pas planifier sa vie six mois à l'avance… Mes plaisirs parisiens ont fondu comme neige au soleil. Ce qui a changé mon regard, je crois, c'est aussi le fait de voyager bien plus en Europe qu'avant : si je devais choisir une ville ce serait Bruxelles, eh oui… Mais à chaque voyage, en Pologne, en Hongrie, au Portugal, je trouve le retour à Paris violent, tant les gens y sont indifférents voire déplaisants. Je me dis : "à Cracovie les gens sont gentils" (remplacer Cracovie par n'importe nom de ville, ça fonctionne) mais en vrai, c'est à Paris (et en France?) que nous sommes odieux et pas accueillants. Hier soir, c'est amusant, mon compagnon évoquait la possibilité de vendre, dans quelques années, son petit appartement parisien pour acheter quelque chose à Bruxelles (où nous allons deux fois par an pour quelques jours, toujours avec le même bonheur). Je pense qu'il aime trop Paris pour passer un jour à l'acte, mais le fait même qu'il en évoque la possibilité est révélateur…

Les commentaires sont fermés.

Retour en haut