Et si on se donnait la permission d’être nuls (peut-être)?

Je ne suis pas une grande connaisseuse (ni une grande amatrice, d’ailleurs) des jeunes enfants. Mais je trouve qu’ils possèdent une qualité admirable: ils dessinent, chantent et dansent de façon très naturelle, sans craindre que personne ne les juge. Ca leur fait plaisir, donc ils le font, point. Et puis en grandissant, ils acquièrent une conscience d’eux-mêmes au sein d’un cadre social avec ses règles explicites ou tacites, et leur spontanéité s’envole. Même les tenues vestimentaires délicieusement farfelues qu’ils pouvaient avoir envie de porter quand ils étaient petits rentrent dans le rang de ce qui est considéré comme cool ou à la mode. 
Adultes, combien d’entre nous étouffent toute pulsion artistique ou plus généralement créative par honte de ne pas savoir « bien faire »? Par exemple, de ne pas avoir la technique nécessaire pour croquer un chat qui ressemble à un chat, créer une perspective juste ou rendre correctement des ombres? Nous sommes tellement habitués à devoir être performants en tout que si nous n’avons pas de formation spéciale ou estimons ne pas posséder de talent inné, nous n’essayons même pas. Y compris lorsque nous savons très bien que rien ne nous oblige à montrer le résultat à personne si nous n’en sommes pas satisfaits, car à force d’être soumis au jugement des autres et à une pression sociale tous azimuts, nous sommes devenus nos critiques les plus sévères, nos détracteurs les plus exigeants. 
En vérité, l’important, ça n’est pas de pouvoir rivaliser avec Matisse ou gagner sa vie comme graphiste, mais juste de se faire plaisir en gribouillant quelque chose sur un bout de papier volant ou un joli carnet. En écrivant un roman bancal qu’aucun éditeur n’envisagerait jamais de publier. En massacrant avec enthousiasme n’importe quelle symphonie au piano, n’importe quelle chanson de Maxime Le Forestier à la guitare sèche. Il faudrait savourer le processus plutôt que le résultat; profiter du chemin sans trop se focaliser sur la destination. Comme dans beaucoup d’autres domaines, en somme. Surtout que l’avantage, quand on part de loin, c’est qu’on a plein de marge de progression et qu’on ne peut que s’améliorer!

5 réflexions sur “Et si on se donnait la permission d’être nuls (peut-être)?”

  1. Mon Dieu, que cet article me parle, moi qui suis complexée pour tellement de choses. Et comme je suis persuadée que je ne vais pas y arriver ou qu'on va se moquer de moi si on me voit/m'entend (blessures d'adolescence toujours présentes, je pense), du coup, je n'essaye même pas et cela crée des frustrations.

    Je vais essayer de me libérer de tout ça.

  2. Tu as bien raison ! On s'autocensure souvent alors qu'il faut juste essayer les choses. Ca marche, ça ne marche pas : au moins pas de regrets !
    Bonne journée !

  3. Ouch, voilà un article qui a atteint le centre de la cible.

    J'admire mon compagnon qui fourmille d'idées et dit "ne peut pas se coucher sans avoir fait quelque chose de sa journée". Je m'intéresse à des tas de choses de loin : écriture, calligraphie, wirewrapping, couture, piano… Mais je ne m'y mets jamais vraiment, parce que j'attends cet utopique éclair de passion ou de talent qui me dira "c'est ça que tu dois faire" au lieu de simplement essayer pour voir ce qui se passe – et surtout de persévérer au delà du premier écueil. Et c'est valable pour tellement plus que les loisirs manuels… Si je devais choisir un mot pour 2017, ce serait peut-être celui-là tiens : "essayer".

    [Voilà plusieurs années maintenant que je lis ce blog, sans jamais je crois avoir commenté. Merci Armalite pour tes notes qui m'ont beaucoup apporté.]

  4. Je n'hésite pas à me faire plaisir en jouant du piano juste pour moi, en dessinant. Je couds aussi.Parfois j'écris. Ce que je fais je le montre rarement Je me fais plaisir Nous n'avons qu'une vie après tout.Lylou

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