La révision des 45000, épisode 2

Vendredi, je profite du fait que je n’ai pas de rendez-vous médical ni autre obligation pour cravacher un maximum et boucler la traduction de mon thriller australien avec dix jours d’avance. Comme ça, la semaine prochaine, aucun stress lié au boulot – ce sera toujours ça de pris. Sur ma lancée, je me débarrasse de trois coups de fil importants (je hais le téléphone) et de quelques courriers administratif. Je passe même chez la couturière apporter une robe et un manteau à retoucher! C’est peut-être idiot, mais barrer des trucs sur ma To Do List constitue pour moi l’un des plus courts chemins vers la zénitude. Ca me donne l’impression de contrôler ma vie, au moins dans ses aspects extérieurs. Je trouve ça apaisant. 
Samedi, j’entame le régime sans résidu. Pendant 48h, les fruits et les légumes (frais ou secs) me sont interdits, ainsi que les céréales complètes et les laitages. En temps ordinaire, ça doit représenter 90% de mon alimentation, mais pour deux jours, je survivrai. Histoire de me distraire, je descends en ville porter des livres chez le bouquiniste et je m’offre un thé au Chantilly, puis une séance de ciné dans l’unique salle d’art et d’essai locale. Le moral est bon, voire très bon… jusqu’à ce que la pluie me réveille à trois heures et demie du matin, que je ne parvienne pas à me rendormir et que mes angoisses se jettent sur moi telle une meute de chiens de chasse à la curée. Je passe une fin de nuit affreuse. 
Dimanche, c’est la purge. Au sens littéral du terme. Bizarrement, alors que c’est le même produit qu’il y a 5 ans (du Citrafleet) et la même posologie, les résultats sont bien moins apocalyptiques. Je n’ai pas du tout mal au ventre et je passe beaucoup moins de temps cumulé sur les toilettes. Je ne sais pas si je dois m’en réjouir ou m’en inquiéter. A partir du milieu de l’après-midi, l’angoisse commence à monter. Je ne crois pas à l’option « Vous n’avez rien, c’est juste la partie bouchonnante de votre colon qui est facilement irritable », et j’essaie de ne pas anticiper la pire – le même cancer que mon père. Donc je me prépare pour une issue médiane, genre un ou des polypes à retirer chirurgicalement le mois prochain. J’ai d’ailleurs fait exprès de ne pas prévoir grand-chose en novembre sorti de mon boulot. Contre toute attente, je passe une nuit potable, même si je me réveille à 4h40 pour ne plus me rendormir. Dans quelques heures, je serai fixée.

Lundi, j’arrive à l’hôpital de bonne heure, et je suis prise en charge par des employés tous super agréables et souriants, depuis les secrétaires de l’accueil jusqu’aux infirmiers de bloc. Mine de rien, ça fait une très grosse différence. Ma gastroentérologue vient me chercher dans le couloir pour me pousser en salle d’op. Pendant que l’anesthésiste (qui n’est pas celui de vendredi, mais une dame intriguée par mon tatouage de Régis) me pose le cathéter, elle me dit qu’elle a lu l’article de blog consacré à ma précédente coloscopie, et elle ajoute avec un sourire plein de douceur: « Le tombeau des hommes, c’est le coeur des vivants. Je me souviens très bien de votre papa. » Je m’endors en pleurant.

(A suivre)

3 réflexions sur “La révision des 45000, épisode 2”

  1. Je lis souvent ton/votre blog (je peux te tutoyer? :)) en mode sous marin. Sans commenter. Mais là, la phrase de ton anesthésiste m'a bousculée. Je trouve cette phrase magnifique. Je ne te connais pas mais contente d'apprendre (après avoir lu tes autres articles) que tu n'as rien. Bonne soirée. Hélène.

  2. Oui bien sûr Hélène, on peut se tutoyer, merci pour ce gentil premier commentaire 🙂

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