La fin de la malédiction du don de sang

Hier, nous avons passé la journée à Albi. Je n’ai pas trouvé ça pas aussi chouette que la première fois, il y a 5 ans: beaucoup de commerces étaient fermés en ce début de mois d’août, le service au resto que nous avions choisi pour le midi s’est révélé d’une lenteur exaspérante, l’expo au Musée de la Mode qui recueille des critiques dithyrambiques ne m’a pas plu du tout, je ruminais encore ma mauvaise entente avec ma mère et notre dispute de la veille… Bref, au moment de repartir, j’étais assez maussade. Mais comme j’avais vu partout à travers la ville des affichettes pour une collecte de sang en cours cette semaine, nous avons décidé de nous arrêter à l’antenne locale de l’EFS (Etablissement français du sang) pour que je fasse un don. 
Je donnais régulièrement mon sang dans les années 1990, quand le centre toulonnais m’était facilement accessible. Puis il s’est déplacé dans un endroit galère à atteindre pour moi. Et la seule fois où j’ai pris mon courage à deux mains et me suis décidée à y aller quand même, on m’a informée qu’ils n’acceptaient pas de sang à ce moment-là parce qu’ils en avaient déjà trop, et que j’avais un trop petit gabarit pour les « gros » dons de plaquettes qu’ils prenaient. Les fois précédentes où j’avais tenté de donner mon sang, j’en avais été empêchée par un tatouage trop récent, puis par une anesthésie générale trop récente. 
Car il faut bien admettre que depuis le scandale du sang contaminé, donner son sang relève du parcours du combattant. Les volontaires commencent par remplir un questionnaire plein de questions sur leur santé, mais aussi leur sexualité ou leurs voyages. Si vous avez séjourné en Grande-Bretagne à l’époque de la vache folle, si vous avez été un jour dans un pays où sévit le paludisme, si vous vous êtes rendu récemment dans un endroit où le virus Zika a été signalé, on ne voudra pas de vous. Si vous êtes homosexuel homme, ça va également être compliqué. Si vous avez accepté de l’argent en échange d’un rapport sexuel, pareil. Donc Melania Trump et toutes les autres trophy wives, inutile de vous déplacer.
Votre questionnaire rempli à la main, vous passez devant un médecin qui vous repose exactement les mêmes questions, à un point absurde et presque insultant. « Vous n’avez eu qu’un seul partenaire sexuel durant l’année écoulée? Et lui, il n’a pas eu d’autres partenaires sexuels que vous? » « Ecoutez, si c’est le cas, il ne s’en est pas vanté, mais je ne le surveille pas 24h/24. » La dame à qui j’ai eu affaire cette fois était très sympa et a volontiers reconnu l’absurdité de certaines procédures, mais bon, c’est l’administration et il faut faire avec. Elle m’a également piquée à l’annulaire gauche pour prélever une goutte de mon sang et vérifier mon taux de globules rouges: il était de 11g/l en 1999 (« Un peu limite », a-t-elle commenté), il est désormais de 14,5 (« Parfait, vous pétez la forme! »). Enfin, elle m’a remis un numéro à appeler si j’avais de la fièvre ou un autre problème médical infectieux dans les deux semaines à venir. 
Après ça, j’ai été conduite en salle de prélèvement, où à ma demande une infirmière m’a piqué le bras gauche plutôt que le droit. Elle m’a pris un demi-litre de sang: une grosse poche pour les transfusions (s’il n’est pas utilisé avant sa date de péremption, j’ai donné mon autorisation pour qu’il soit utilisé à des fins non-thérapeutiques, c’est-à-dire pour la recherche ou l’enseignement), et plusieurs petites fioles qui serviront à des analyses en laboratoire afin de vérifier mon groupe sanguin et le fait que je ne suis porteuse d’aucune infection problématique pour un éventuel receveur. (Si tel était le cas, on me préviendrait à l’adresse postale que j’ai fournie.) Cette procédure a pris une grosse dizaine de minutes, pendant lesquelles j’ai été invitée à serrer une balle en mousse dans ma main afin d’accélérer le débit sanguin. 
Petite précision: comme beaucoup de gens, je manquais tourner de l’oeil les premières fois qu’on m’a fait des prises de sang. Je détestais vraiment ça et j’étais à la limite du malaise vagal. Je me suis quand même forcée à aller faire des dons parce que ça me paraissait important, et mon altruisme a été récompensé puisque j’ai fini par m’y habituer et que maintenant, quand on doit me piquer pour des raisons médicales personnelles, ça ne me fait quasiment plus rien. Une angoisse en moins, c’est toujours bon à prendre!
Le prélèvement terminé, l’infirmière a insisté pour que je ne me relève pas tout de suite même si je me sentais parfaitement bien. Beaucoup de gens ont des vertiges à ce stade, et du coup les précautions sont identiques pour tout le monde, y compris pour les cyborgs dans mon genre. Après ça, passage en salle de collation pour m’hydrater – comme je déteste les sodas et les jus de fruits industriels, j’ai bu de l’eau minérale et un thé Lipton – et manger un bout – un gâteau au citron et une banane, mais il y avait aussi du pâté et du saucisson pour les amateurs! Le personnel m’a très gentiment remerciée, et j’ai pu aller récupérer en salle d’attente Chouchou qui avait épuisé la batterie de son iPhone entre-temps. Car en tout, donner mon sang m’a pris plus de trois quarts d’heure: je ne veux pas décourager les bonnes volontés, mais il me semble important de savoir à quoi s’attendre pour que le don se passe bien. 
Je suis ressortie certes plus vieille d’une heure, mais en ayant accompli ce que je considère comme le geste citoyen le plus facile et le plus utile du monde. Ravie d’avoir enfin brisé la malédiction du don de sang et sauvé ma propre journée du même coup. 
Si vous êtes intéressé, rendez-vous sur le site de l’EFS 
pour découvrir le point de collecte le plus proche de chez vous. 

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8 réflexions sur “La fin de la malédiction du don de sang”

  1. Je vois que les conditions pour donner son sang sont toujours aussi strictes… et que je ne peux toujours pas le donner ! Et apparemment ce ne sera jamais car j'ai voyagé dans plusieurs pays où il y a du paludisme.

    Ah tiens, ça existe encore la condition "détartrage chez le dentiste depuis moins de 3 mois" ?

  2. Il ne me semble pas l'avoir vue, mais on te demande si tu as été confronté à du sang durant les quatre derniers mois (blessures, mais aussi hémorroïdes!).

  3. Pour cause d'études en Angleterre à l'époque de la vache folle, on avait refusé mon don il y a plusieurs années. Je n'avais pas retenté, mais tu m'informes que cette interdiction est toujours en vigueur.

  4. Ah ben pour une fois, ce n'est pas plus absurde en Belgique qu'en France ^^. Procédures et questions toutes pareilles…
    Sauf que là où je vais (Croix-rouge) on ne propose pas de sauciflard en collation, mais des gauff' éhéh.
    Pour la question du paludisme, en principe il faut laisser passer un délai de 6 mois (c'est mon cas, pour cause de voyage au Bénin en mai).
    Bravo pour le geste citoyen!

  5. Zéphine (aka Malvi)

    Les rêgles "absurdes" on du sens quand on y pense, et comme tu le signal, le scandale du sang contaminé y est pour beaucoup, et c'est tant mieux!

    Pour être une donneuse régulière depuis mes 18 ans, j'ai eu l'occasion d'expérimenter plusieurs services: plusieurs centres itinérants ou fixes de la Croix Rouge de Belgique, mais aussi des centres de récoltes rattachés à des centres de cancérologie. J'ai donné mon sang et mon plasma en Belgique et en France, mais aussi en Nouvelle-Zélande.

    Le constat que j'en fais, c'est que les critères de sélection sont assez universels (D'ailleur, c'est encore plus strict en NZ puisqu'ils refusent toute personne qui à vécu plus de 6 mois toute périodes cumulées en France ou en UK entre 1985 et 1996!), et les questions sont partout les mêmes.
    En soit, ça se comprends qu'on demande tout les 3 mois si il n'y a pas eu de changements de partenaire, ou de voyage à l''etranger. Mais quand on donne son plasma toutes les deux semaines, c'est assez frustrant de signaler encore et encore les mêmes chose, alors qu'on sait très bien que ça n'a pas d'influence.

    Malgré tout, comme tu le dit, c'est un petit gest qui ne demande qu'un peu de temps, de sang et de volontée, mais qui a un impact énorme sur la vie de nombreuses personnes.

    Et en ce moment, la plupart des donneurs réguliers sont en vacances, et les banques de sang font face à la pénurie, alors c'est le bon moment pour donner sang/plasma/plaquettes!

  6. Totalement d'accord, c'est une forme de don relativement simple… Et qui ne te coûte rien ! On te prend 1/2 litre de sang, mais de toute manière ton corps le remplace 🙂 Qu'est-ce qu'une heure de temps en temps pour sauver (ou aider à sauver) une vie finalement ? J'essaye de donner régulièrement, ce n'est pas toujours évident mais c'est mieux que rien du tout. Et je profite des collectes mobiles (au boulot, dans ma ville) pour donner quand j'ai moins le temps !

  7. J'ai été donné mon sang dès mes 18 ans. Dans la famille c'est comme àa, au 18 ans de mon frère on l'a emmené aussi. Ma soeur ne donne pas son sang en France, mais en allemagne (car la bas, elle repart avec un petit chèque)

    J'ai donné mon sang une fois a Strasbourg, et franchement, plus jamais dans une grande ville. L'espère de panier repas/collation était infect. Alors qu'en campagne, on a droit a pizza/flamms à volonté ! Haha ! Bon, ça fait un moment que je n'y suis pas retournée, mais je suis crevée en ce moment, alors égoistement mon sang, je le garde pour moi. J'irais à nouveau quand je serais en pleine forme !

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