L’ancien bâtiment Solvay (grande entreprise belge spécialisée dans la chimie) est voué à la démolition depuis un moment déjà. En septembre dernier, l’artiste Denis Meyers l’a investi avec une montagne de bombes de peinture noire et un projet: créer une gigantesque oeuvre d’art éphémère qui disparaîtrait avec son support. Sur les 60 000 mètres carrés du bâtiment, il en a recouvert 20 000 de portraits et de mots calligraphiés, et il continue tant que la date de début de démolition n’est pas arrêtée. Si les troisième et quatrième étages sont désormais fermés au public pour des raisons de sécurité – les plafonds commençaient à s’effondrer… -, le rez-de-chaussée, les deux premiers étages et le sous-sol sont accessibles dans le cadre d’une visite guidée pour laquelle il faut s’inscrire ici. Ca coûte 9€ par personne, ça dure un peu plus d’une heure, et comme on s’en doutera à la lecture de mon article, les photos sont non seulement autorisées mais encouragées.
L’exploration de l’intime est l’un des rares thèmes qui me touche vraiment dans n’importe quelle forme d’art. Et au fur et à mesure de la visite, on a vraiment l’impression de rentrer dans la tête de Denis Meyers. Si le rez-de-chaussée, par lequel il a commencé son travail, contient surtout des portraits de musiciens et d’inconnus, les oeuvres du premier étage correspondent au moment où il vit une rupture douloureuse avec sa femme. A partir de là, il peint surtout son entourage proche et laisse de moins en moins « d’air » autour de ses inscriptions. Très vite, j’ai commencé à trouver ça obsessionnel et oppressant. Ajoutons à ça qu’à cause des pluies récentes et de l’absence d’isolation, il régnait à l’intérieur du bâtiment une délicieuse odeur d’eau croupie tout à fait raccord avec l’aspect décrépit du lieu. Je me suis mise à respirer par la bouche et à compter les minutes qui me séparaient de la fin de la visite.
Je n’ai pas du tout apprécié la peinture à l’extincteur archi brute et encore plus sombre que tout le reste. Le pompon a été atteint avec le sous-sol, aux murs entièrement recouverts de crânes « non pas pour symboliser la mort, mais pour rappeler les vanités, et parce que c’était un motif répétitif qui permettait à Denis de faire le vide dans sa tête quand il venait travailler là de nuit », selon notre guide. D’accord, mais quelle que soit l’intention d’origine, l’ensemble m’a laissé une impression macabre pas du tout agréable.
J’ai tout de même aimé, à la fin, la salle aux murs tapissés de reproductions des carnets de Denis Meyers, et la vidéo sur laquelle on le voit feuilleter certains des carnets en question. « Remember Souvenir » est certainement un travail remarquable, ne serait-ce que par son échelle et par l’investissement personnel de l’artiste. En ce qui me concerne, je ne l’ai pas apprécié, mais les amateurs d’urbex devraient se régaler.
Rue du prince Albert 44
1050 Bruxelles
Une partie des photos qui illustrent cet article ont été prises par Chouchou.
Un collectif d'artiste avait investit un immeuble du 13ème voué à la démolition. Je trouve ça vraiment bien ce type de démarches, même si ce sont des œuvres éphémères. Il e reste toujours les photos ..!