Vous voyez sûrement de quoi je veux parler. Cette voix qui ricane: « Mais pourquoi ce chouette mec s’intéresserait à toi? »; celle qui vous fait en permanence douter d’être une bonne mère; celle qui vous persuade que vous seriez incapable d’assumer les responsabilités professionnelles d’un poste supérieur; celle qui vous chuchote que tout le monde va se moquer de ce que vous avez à dire si vous vous osez prendre la parole en public; celle qui susurre qu’un jour, quelqu’un va finir par se rendre compte que vous n’êtes qu’un imposteur; celle qui minimise chacun de vos accomplissements; celle qui met en doute le bien-fondé de tous vos choix de vie; celle qui s’exclame que c’est pas possible d’être aussi débile quand vous commettez une erreur; celle qui trouve louche que votre mari ne vous ait pas déjà laissé tomber pour une plus jeune et mieux gaulée; celle qui vous prédit une magnifique plantade quand vous envisagez de sortir de votre zone de confort; celle qui pense toujours que vous êtes un peu trop ceci ou pas assez cela.
A qui appartient-elle, cette voix? Car elle n’a pas jailli de nulle part. Qui dans votre entourage vous a, consciemment ou non, volontairement ou non, mis dans la tête que vous n’aviez aucun talent, aucune compétence, aucune qualité, aucune valeur, aucun atout dans votre jeu, aucun espoir de réussite? Des camarades d’école qui vous harcelaient autrefois? Un professeur dont le rôle était de vous encourager et qui n’a su faire que le contraire? Une mère bien intentionnée mais beaucoup trop exigeante? Un père aux abonnés absents? Un ou plusieurs ex qui n’ont pas su vous apprécier telle que vous étiez? Une soi-disant meilleure amie qui ne faisait en réalité que vous rabaisser subtilement? Un patron méprisant et paternaliste? Les possibilités ne manquent pas.
J’avoue: depuis toujours, la voix critique dans ma tête, c’est celle de mon père. Dieu sait que je l’aimais et qu’il ne voulait que mon bien, mais il avait des idées très arrêtées sur la façon dont les choses devaient être faites, et je ne m’y suis quasiment jamais conformée. Exemple: il rêvait pour moi d’un poste de cadre sup’ bien payé dans une grande entreprise; je suis devenue traductrice littéraire free lance. J’ai tracé mon propre chemin mais avec l’impression constante d’être en faute – la conviction que si je me plantais, je ne pourrais m’en prendre qu’à moi puisque j’avais fait tout de travers. De son point de vue, le plus important, c’était la sécurité (ce qui peut se comprendre, étant donné qu’il avait grandi dans une certaine pauvreté et dû commencer à travailler à l’âge de 14 ans). Du mien, c’était – et c’est toujours – de faire quelque chose qui me plaît et dont je peux être fière. Oui, même si je bosse essentiellement sur du jeunesse ou de l’imaginaire qui comme chacun sait ne sont pas de la vraie littérature.
Il m’a fallu assez longtemps pour comprendre que l’histoire de mon père n’était pas la mienne, que l’époque n’était plus la même, qu’il s’accrochait à des choses rassurantes mais passait à côté de ses rêves alors que je préférais faire l’inverse et que c’était mon droit le plus strict. Que ce n’était pas parce qu’il m’avait donné la vie qu’il avait l’aptitude de décider à ma place ce qu’il convenait que j’en fasse. Depuis, j’entends toujours sa voix quand je dois prendre une décision, et je l’écoute si elle va dans le sens de mes valeurs – si elle m’incite à l’honnêteté ou à la rigueur intellectuelle. Dans le cas contraire, je lui somme affectueusement de se taire. Je lui dis: « Je t’aime, mais tu n’es pas le chef de ma vie. Le chef de ma vie, c’est moi. Et je préfère avoir tort à ma façon que raison à la façon de quelqu’un d’autre – même si ce quelqu’un d’autre ne veut que mon bien ». (Je tiens de grandes conversations à l’intérieur de ma tête. Non, je ne suis pas folle.)
Quant aux voix malveillantes – car j’en ai eu aussi, en bruit de fond -, non seulement j’ai appris à ne plus les écouter, mais je prends désormais plaisir à leur faire la nique. Je me demande combien des gens qui m’ont harcelée ou nui à un moment ou à un autre ont aujourd’hui un boulot qui leur plaît autant que le mien, vivent une histoire d’amour aussi jolie que la mienne, peuvent comme moi se regarder dans la glace tous les matins en se disant: « Tu n’es pas parfait(e), mais tu fais de ton mieux et ton mieux est déjà sacrément pas mal. » Autrefois, ils ont eu du pouvoir sur moi; aujourd’hui, je refuse de leur en concéder la moindre miette. Ils sont loin loin loin et insignifiants. Moi? Je suis bien dans mes baskets et j’avance.
Et vous, vous savez à qui appartient la voix critique dans votre tête? Que pourriez-vous lui dire pour la réduire au silence?
Ah.
Bien.
Je tournais autour de cette question depuis quelques temps, de loin. Et là, pam ! Tu me l’assènes en plein coeur.
Bon, eh bien, je vais m’y mettre. Gros boulot en perspective…
Mais merci !
(Et je me dis que pour contrebalancer, ce serait bien aussi de se rappeler touts ces voix « positives » qu’on a bâillonnées, de crainte de ne pas mériter leurs dires… Pourquoi a-t-on tendance à croire plus facilement le négatif que le positif ? )
J'avais écrit un peu sur le même sujet il y a quelques temps (https://unefillesanschichis.wordpress.com/2016/02/11/ma-meilleure-ennemie/)….c'est très dur de faire avec, surtout quand elle t'empêche d'arriver aux buts qui te rendraient heureuse…
Avant, j’entendais des voix indistinctes (c’est métaphorique hein) qui me jugeaient en permanence. Elles doivent venir de ma famille, en particulier ma mère, qui me rabaissait pour tout et n’importe, mais aussi de ma paranoïa.
Ensuite, j’ai décidé de m’asseoir sur ces voix (c’est toujours métaphorique) et de ne me remettre en question que quand je le juge nécessaire.
Et depuis, curieusement, mes parents sont beaucoup moins prompts à me critiquer. Ils le font toujours car c’est un sport pour eux, mais le pensent moins. Et s’il y a quelque chose que je ne trouve pas raté même s’ils n’approuvent qu’à moitié, c’est bien le passage en free-lance.
La mienne, c'est surtout celle de mes ex, surtout un, tu le sais. Mais aujourd'hui, j'ai appris à mesurer mon courage à l'aune de cette voix: quand je ne l'écoute pas, quand je fais tout le contraire, alors je me sens fière de moi 🙂
La voix de ma mère,sans hésiter!(que j'ai pourtant perdu trés jeune). Sa mère était dure avec elle,elle était dure avec moi. J'ai heureusement arrêté cette "tradition". Par chance j'ai eu un fils. Je reste persuadée que si j'avais eu une fille,j'aurais reproduit le shéma…
Et malgré cela,je ne sais par quel miracle,j'ai eu trés tôt la certitude (et la chance!) d'avoir fait les bons choix dans ma vie amoureuse. Ce qui est le plus important à mes yeux!
Par contre,concernant le boulot,ce sont plusieurs voix qui m'assènent des: "Tu es capable de mieux que ça!" Mais lesquelles? J'y réflechis depuis peu. D'où mon instabilité professionnelle… Impossible pour moi de rester plus de 3-4 ans au même endroit à faire la même chose. J'en suis rendu à 5 ans,là… et je me dis enfin: "et pourquoi pas plus?". J'y suis plutôt pas mal en plus… alors pourquoi je m'inflige ça? Mystère pas résolu encore…
Ma sœur aînée, qui avait décidé une bonne fois pour toutes qu'elle était la plus belle et la plus intelligente ; par ricochet je ne pouvais être que bête et laide.
Il m'a fallu du temps pour comprendre tout ça, et encore plus pour passer au travers…
Elmaya: ah ça aussi, écouter plutôt les voix positives, ça s'apprend avec un peu d'entraînement!
Shermane: c'est malin, je t'imagine assise sur une chaise de bureau avec des voix étouffées qui sortent de dessous tes feses maintenant 😀
Mlle Mars: tu peux être fière oui!
La voix critique, c'est celle de mon père. Mais pas la version bienveillante du tien 🙂 Mon père etait quelqu'un de passif et d'autoritaire, avec tendance à la colère. Cela lui permettait de charger son entourage de tout ce qui ne fonctionnait pas dans la vie quotidienne. C'était toujours la faute de quelqu'un, et surtout de quelqu'un d'autre. J'ai passé mon enfance à essayer de prévenir les colères et à faire de l'excès de zèle, être serviable et sage, réfréner toute spontanéité enfantine du type "pff, j ai pas envie", pensant que je n'en faisait jamais assez, ni assez bien. J'ai réalisé à l'adolescence son injustice et sa lâcheté. J'ai dernièrement coupé les ponts. Mais la voix est encore de temps en temps là. Avoir réalisé de "grandes choses" l'a faite plus ou moins taire. Ce que je pourrais donc affirmer, pour la faire vraiment taire, c'est que je suis le contraire de la passivité. J'ai le sens de l'initiative, de l'ethousiasme et l'envie de bien faire, je suis active par plaisir. Tout le contraire de l'image qu'il a essayé de me faire porter. Et j'ai le droit d'avoir des domaines où je me traîne. Ça ne fait pas de moi une personne qui ne "fout rien".. Ça fait de moi une personne normale. Je pourrais dire "j'en fais suffisamment". Et "j'ai droit à l'erreur", parce qu'aujourd'hui mes erreurs ne concernent que moi. Je peux arrêter de vouloir prévenir les violentes colères qui m'effrayaient tant.
Merci pour cet article.
Il recoupe précisément les questions que j'explore en ce moment et il m'incite à réfléchir à l'appartenance de cette petite voix qui nie mes ressentis, me pousse à ne pas faire confiance à mes instincts et me fait douter de tout, en répètent à l'envi que je ne suis "pas normale". Je crois que c'est celle de ma mère mais jusqu'à aujourd'hui je ne m'étais même pas posé la question.
C'est un long travail de s'affirmer face à cette voix qui nous sape et nous sabote.
Des voix négatives j'en entend constamment si bien que ma vie est parfois une vrai souffrance Ces voix elles viennent de qui ? Je ne sais pas mais j ai ma petite idée là dessus Tout ce que je sais est qu'elles me font perdre une bonne partie de mes capacités.
Je ne m'étais jamais posée la question… Et je me rends compte que cette petite voix appartient notamment à cette fille qui me détestait au collège et saisissait toutes les occasions de me rabaisser. Son visage s'éclairait si elle me voyait triste, s'assombrissait si je me réjouissais de quelque chose… Pourquoi ? Ça reste un mystère. Mais est-ce que cette petite voix vaut la peine d'être prise au sérieux ? Non. Merci pour cet article 🙂