Je vous préviens tout de suite: ceci va être un billet profondément caliméresque.
Cela fait maintenant cinq semaines que je suis en crise d’angoisse permanente, à mal dormir, à avoir tout le temps envie de pleurer, à lutter chaque jour pour ne pas m’écrouler. J’ai évoqué certaines des raisons ici, je préfère ne pas parler des autres, mais au fond peu importe. Depuis cinq semaines, je tiens en pensant aux quelques jours où nous devions aller en Suisse fêter mon anniversaire au bord du lac Léman, avec des amis très chers que nous voyons bien trop peu souvent. J’ai bossé comme une malade pour terminer la traduction du troisième Claire North aujourd’hui et passé une grosse heure hier soir à faire ma valise en chantonnant « Plus que deux dodos, plus que deux dodos! ». Bien sûr, je craignais que le réveil ne sonne pas mercredi matin, ou que la navette de l’aéroport tombe en panne et qu’on rate notre vol, parce que j’avais trop besoin de ces quelques jours de vacances et que je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer tout ce qui pourrait venir les compromettre.
La possibilité d’un attentat à Zaventem ne m’avait même pas effleurée.
Pourtant, ce matin en me levant, j’ai découvert que deux explosions venaient d’avoir lieu dans le hall des départs, pile à l’heure où nous nous y serions trouvés si nous avions décidé de prendre un jour de vacances supplémentaire. Première pensée: « On l’a échappé belle ». Deuxième pensée (quand même): « J’espère qu’il ne va pas y avoir trop de victimes ». Puis j’ai vu une photo des dégâts, et je me suis dit: « Bon, ben pour la Suisse, c’est mort ».
Ne voulant pas faire une croix dessus si vite, j’ai regardé les tarifs des billets de train. Bruxelles-Lausanne, 312 euros l’aller simple par personne. Ah. Euh. Non.
Après, il y a eu l’explosion à Maalbeek, près des communautés européennes, la fermeture du métro et de la gare Centrale, le relèvement du niveau d’alerte terroriste à 4, l’effet domino sécuritaire, l’impression d’entrer dans un long cauchemar. Les amis qui s’inquiètent sur Facebook, sur Twitter ou par texto. Le décompte des copains bruxellois: « Machine va bien, Truc aussi, tu as des nouvelles de tes nièces? ». Chouchou qui tient quand même à aller à ses rendez-vous de boulot cet après-midi, et moi qui dois prendre sur moi très fort pour ne pas le supplier de rester à la maison.
J’ai peur qu’il lui arrive quelque chose dans la rue. Je sais, c’est peu probable, mais peu probable, c’est déjà trop.
Je crains que ma soeur et sa famille renoncent à venir nous rendre visite pendant les vacances de Pâques, parce que Cahouète avait déjà été très choqué par les attentats du 13 novembre à Paris.
Je ne parierais pas non plus sur ma tranquillité d’esprit dans les mois à venir.
Je suis bien sûr extrêmement triste pour les victimes d’aujourd’hui (et toujours pas le moins du monde haineuse envers quelque catégorie de population que ce soit).
Mais là, pour être honnête, je suis surtout en train de faire une fixette sur la malédiction des anniversaires ratés qui me poursuit depuis toujours. Entre ma grande-mère maternelle enterrée le jour de mes 20 ans, Lucrèce morte dans mes bras la nuit de mes 25 ans, les disputes homériques avec Chouchou pour mes 41 et mes 42 ans, et j’en passe… Pour mes 43 ans, j’avais contourné le truc en allant passer deux jours seule à Aix-en-Provence. Pour mes 44, j’avais organisé un week-end à Paris qui fut très réussi. Cette année, j’étais si impatiente de noyer la déprime des dernières semaines dans un caquelon à fondue, entourée d’amis que j’adore!
Je suppose que je devrais juste me réjouir d’être vivante: tout le monde n’aura pas cette chance.
Si vous êtes à Bruxelles, prenez bien soin de vous et de vos proches.
L'aéroport sera fermé jusqu'à demain 6h. Ton vol sera probablement annulé, mais peut-être pas. Trop choquée pour dire autre chose.
De tout cœur avec la Belgique.
Sophie
<3
Si par magie de l'efficacité belge, on ne sait jamais, votre vol n'est pas annulé, je me réjouis de vous prendre dans mes bras.
Sinon, le lendemain ? Surlendemain ?
Quoi qu'il en soit, on est là, bras ouverts, de près ou de loin.
Je veux croire que ce n'est pas impossible, et que samedi, nous serons tous autours de ma table, reconnaissant de pouvoir passer du temps ensemble. <3
On croise les doigts super fort pour qu'Easy Jet puisse proposer une solution de remplacement demain ou après-demain. Je me suis faite à l'idée que le voyage serait annulé, donc s'il ne l'est pas, même raccourci, ce sera une bonne surprise.
J'ai pensé aux victimes mais aussi à tous ces gens qui avaient besoin de prendre l'avion. Je dois partir en Thaïlande, première vraies vacances depuis 3 ans, et je ne sais pas comment je réagirais si un attentat venait tout foutre en l'air.
On est souvent égoïste de penser à soi, mais c'est salutaire …
Après toutes ces années à te lire j'ai l'impression de te connaître au moins un tout petit peu et c'est un soulagement pour moi de constater qu'à défaut "d'aller bien" toi et ceux qui comptent pour toi êtes saufs.
Prends soin de toi.
Si j'ai bien le bon vol, il n'est pas annulé… *croisage de doigts*
Chauncey: merci! J'ai reçu tout plein de mails de lectrices inquiètes, ça m'a fait chaud au coeur…
Je venais sur ton blog pour trouver tes coordonnées et t'envoyer un message afin de savoir si vous alliez bien tous les deux. Je n'ai pas eu besoin de le faire. J'espère sincèrement que tu vas pouvoir partir pour te détendre et profiter des tes amis.
J'avoue que moi aussi je m'inquiétais pour vous deux…je t'embrasse très fort…
J'espère de tout cœur que vous êtes en route pour la Suisse et ton séjour d'anniversaire.
Je te souhaite de joyeuses fondues !