Un Z qui veut dire Zesaisplustrop

Je ne supporte pas de voir morfler un de mes proches sans rien faire pour essayer de l’aider. 
L’histoire cependant a prouvé que mes tentatives n’étaient pas toujours très délicates ni forcément bienvenues. Quand on me confie un problème, je cherche immédiatement une solution, comme s’il en existait une qui pouvait tout arranger tel un coup de baguette magique. Alors que la personne d’en face veut parfois juste parler, et qu’on la laisse trouver sa propre solution à son propre rythme (c’est-à-dire, pas ma méthode bulldozer applicable là-maintenant-tout-de-suite-et-que-ça-saute). 
Mais rester les bras ballants face à une souffrance, je n’y arrive pas. 
Je voudrais fournir du travail à mes amis qui n’en ont pas, distribuer des sous à ceux qui galèrent pour boucler leurs fins de mois, donner le conseil pertinent qui va sauver un couple à la dérive, trouver l’argument qui fera tilt dans la tête de la copine rongée par le doute ou du neveu en proie à des angoisses existentielles, remettre de l’ordre dans le système scolaire inadapté à l’accueil des enfants autistes, filer la niaque aux auteurs trop gentils qui se font avoir en ne négociant pas leurs droits, convaincre les déprimés qu’ils peuvent changer ce qui ne leur convient pas dans leur vie, guérir les malades, accoucher de la vérité irréfutable et lumineuse qui adoucira le chagrin des endeuillés. 
Accessoirement, si je pouvais loger tous les SDF et accueillir dignement les migrants, je considèrerais que ma journée a été productive. 
Il n’est pas impossible que j’aie raté une vocation de Zorro. 
(Ou de terrassier, faut voir.)
(Le loup noir m’irait quand même mieux que le casque de chantier.)
(La moustache, par contre, je ne suis pas sûre-sûre.)
(Mais je m’égare.)

Je sais bien que les problèmes d’autrui ne m’appartiennent pas, que c’est sans doute très arrogant de prétendre les résoudre, que ce n’est pas mon rôle de porter les gens qui m’entourent. 
Sauf que si, quand même, un peu, non? Je veux dire, à quoi bon avoir une famille et des amis si ce n’est pas pour les soutenir quand ça va mal – et réciproquement? 
Bien entendu, lorsque moi j’ai un problème, je suis comme les gosses qui veulent absolument faire tout tout seuls, et je crèverais plutôt que de prendre les mains qu’on me tend.
Je travaille pas mal sur la notion de vulnérabilité depuis quelques mois, sur l’idée révolutionnaire que les gens ne se répartissent pas en deux catégories: les Vikings et les Victimes, sur le fait qu’il faut parfois savoir accepter le donut (pour reprendre une anecdote du bouquin d’Amanda Palmer). Je n’ai par chance pas trop eu d’occasions de mettre en pratique, mais je crois que la théorie commence à rentrer. 
Par contre, à la question: comment aider quelqu’un qui souffre sans outrepasser mes prérogatives de compagne, de tante ou d’amie, je n’ai toujours pas trouvé de réponse. Ecouter en hochant la tête et en disant « Je comprends » sur un ton compatissant, je peux le faire deux minutes si la situation est de celle qu’on ne peut qu’endurer (et dans ma conception de l’univers, des situations pareilles, il n’y en a pas tant que ça). Dire « Je suis là si tu as besoin de moi, tu n’as qu’à demander », je trouve ça vraiment facile et inutile, parce que la plupart des gens n’oseront pas. 
Alors, quoi? 
Faut-il accorder à ses proches le crédit de penser qu’ils s’en sortiront par eux-mêmes? Partir du principe qu’ils sont assez forts et assez intelligents pour ça? Oui, mais si leur force et leur intelligence ne suffisaient pas? Si on se rendait coupable de non-assistance à personne aimée en danger? 
Je vous jure: les relations humaines, c’est beaucoup trop compliqué pour moi. 

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9 réflexions sur “Un Z qui veut dire Zesaisplustrop”

  1. Je suis assez comme toi de ce côté-là : quand on me demande mon avis, je le donne sans prendre de gants, même si je cherche la formulation qui fera le moins mal. En disant, "Si j'étais toi, je ferai ceci ou cela". Surtout quand le problème revient régulièrement sur la table, au bout d'un moment, ya le "je ne sais plus quoi te dire" qui s'installe. Je pense que ça remonte à mes 17 ans, quand ma mère a eu une phase de dépression, et où j'ai dû jouer un rôle d'adulte responsable pour soutenir la famille. Je n'aime donc pas quand les gens s'enlisent dans leur soucis. Certes il faut un temps pour tout, mais un temps pour passer à autre chose surtout.

  2. Euh … mais c'est moi la fille que tu décris ! Celle qui porte les soucis de tout le monde, qui est parfois plus affectée que la personne touchée tant je me DOIS de trouver des solutions à leurs problèmes. Par contre jamais au grand jamais je ne sollicite un coup de main … même un petit … t'inquiètes je gère est mon mantra (même quand je ne gère plus rien … mais chut, ça personne ne le sait ;))

  3. Etant de l'autre côté de la barrière (=celle qui chouine), je sais que j'aborde un problème avec quelqu'un parce que ça me fait du bien d'en parler. Parfois, un autre point de vue sur la situation est bienvenu, mais souvent la solution finit par s'imposer. Et si elle ne s'impose pas plus tôt c'est que généralement ce n'est pas le moment 🙂
    Je pense qu'on peut éventuellement accompagner une personne dans son cheminement, mais que celle-ci prendra ses décisions à son rythme, fût-il différent du nôtre !

  4. Pour éviter la moustache, il y a aussi des associations ou alors, tu peux écrire un bouquin. Oui, je me retrouve moi aussi à chercher la solution miracle qui te transformera en Zorro.

  5. Dire "Je suis là si tu as besoin de moi, tu n'as qu'à demander" n'est pas inutile du tout je trouve : même si on n'ose pas faire appel à la personne, savoir qu'elle s'est proposée et qu'elle répondrait sûrement présente, même juste pour offrir une oreille compatissante, c'est déjà énorme pour moi. Savoir qu'on n'est pas totalement seul(e) face à un problème, c'est comme une béquille, ça aide à faire face, ça donne du courage et de l'espoir. Evidemment ce ne sont pas des paroles à dire en l'air, mais quand c'est proposé sincèrement, je t'assure que ça peut être bénéfique pour celui qui les reçoit.

  6. J'apprends en ce moment les autres à s'aider eux mêmes. C'est à dire leur offrir une écoute empathique qui leur permette d'exprimer leurs sentiments, déterminer leurs besoins et trouver leurs solutions (principes de Communication non violente). Ca veut dire apprendre à garder le silence parfois plutôt que coller la "bonne" solution vue de l'extérieur, suggérer des pistes et interroger sur leur plausibilité. Cela suppose d'être "branché" sur l'autre, et pas sur soi qui a envie de plein de choses pour l'autre. J'ai expérimenté à quel point ça peut être puissant d'être connecté à l'autre, mais que c'est difficile !!!!! Juste être à l'écoute, tout est dans le juste…Je viens de lire hier les comportements classiques que l'on croit être de "l'écoute", répertoriés par Holley Humphrey :
    – conseiller : "Je pense que tu devrais…" "Pourquoi n'as tu pas…. ????"
    – surenchérir : "Oh, ce n'est rien, ça. Regarde, moi…"
    – Moraliser : "Tu pourrais tirer parti de cette expérience si tu …"
    – Consoler : "Ce n'est pas de ta faute. tu as fait de ton mieux"
    – Dévier sur des anecdotes (je le fais tout le temps !!!! c pénible quand je m'entends démarrer là dessus !!!) : "Ca me rappelle l'époque où…./ l'histoire de…."
    – Clore la question : "Allons, remets toi. Ne fais pas cette tête."
    – Compatir : "Oh mon pauvre…"
    – Interroger : "quand est ce que ça a commencé ?"
    – Expliquer : "Je t'aurai bien appelé, mais…"
    – Corriger : "Ca ne s'est pas passé comme ça."

    Ca parait gros écrit comme cela, mais c'est pourtant ce que nous faisons habituellement, en utilisant plusieurs de ces rôles, et en ayant réellement à cœur de vouloir aider. Bref, tout part d'une bonne intention, mais ça ne suffit pas toujours 😉 On se fait du bien à soi en ayant eu l'impression d'avoir été à l'écoute, mais combien de fois la personne s'est elle réellement sentie entendue ?
    Désolée pour la longueur du post, je réfléchis en ce moment à la question et ce n'est pas encore synthétisé 😉

  7. Tu ne dois pas forcément les aider sur "ce problème là" s'il n'a pas de solution. Tu peux les aider par des petites attentions. Un jour, Sophie Grosquick m'a simplement préparé un petit paquet qui fait du bien. Avec un livre choisi par ses soins, et quelques babioles, parce que je n'allais pas super bien. Ca n'a pas réglé mon problème, mais ça m'a fait chaud au coeur et je m'en souviens bien mieux que tous les autres conseils que j'ai pu recevoir à l'époque. La solution, je l'ai trouvée seule, finalement. En attendant, je savais que j'avais une amie et ça fait déjà beaucoup.

  8. Je trouve que l'écoute est déjà un pas énorme. Parce que la personne qui parle, lâche la pression, s'interroge et se prépare. Je donne rarement mon opinion, par contre, je questionne. Et il y a des tas de façon de poser des questions qui font évoluer la pensée de l'autre, vers un chemin qu'il aura réfléchis plutôt qu'un chemin que je lui imposerais (même si c'est le bon). "Est-ce que tu as pensé à ceci", "peux-tu m'expliquer pourquoi tu vois les choses comme ça", "ne penses-tu pas que…". Toutes ses questions font que la personne en face avance et toi, ça te permet de comprendre vraiment dans quelle situation elle se trouve et de la soutenir de la bonne manière.

    Si comme toi, je me reste seule avec mes soucis, c'est parce que je suis capable de monologue très intéressant avec moi même et surtout constructif, je reste donc rarement coincée dans une solution qui m'est difficile, quitte à m'en prendre plein les dents.

    J'ai un tempérament de Zorro aussi avec cette envie de voir ceux que j'aime heureux, vivant sans soucis. En ce moment, je souffre beaucoup parce que j'ai l'impression d'être "inutile", pas à mes amis, mais au monde dans lequel nous vivons. Je me cherche vraiment dans ce domaine là en me disant que faire un don par ci, par là n'est pas suffisant et que je pourrais donner plus. Même si dans mon boulot, je m'occupe de gens qui ont besoin d'aide, là encore, ça ne me suffit pas. Je cherche donc à comprendre si c'est mon côté "St-Bernard" (surnom qu'adorait me donner ma maman) qui ne supporte plus de voir toute cette misère, si je peux faire quelque chose sans léser ma famille ou si c'est purement par culpabilité parce que je suis incapable d'accepter la chance que j'ai d'être en bonne santé, heureuse, avec un toit sur la tête et une vie que j'aime comme elle est. Mais je m'égare…

    Garde à l'esprit que tu es là, alors que d'autres non et que finalement, c'est un geste énorme même si tu as l'impression que non. On oublie trop souvent que le temps à une valeur inestimable et que donner son temps pour quelqu'un c'est précieux.

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