Si je me fiais strictement à mes convictions, je devrais être végane. Je n’arrive même pas à rester tout à fait végétarienne. Je m’en veux de ça.
Chaque fois que je croise un SDF dans la rue, j’ai envie de me mettre à pleurer ou à hurler en donnant des coups de pied dans les murs. Ce que je fais pour changer leur situation? Absolument rien.
Je connais des gens qui m’aiment beaucoup et que je ne supporte pas, alors que je n’ai strictement rien à leur reprocher. J’endure chacune de nos rencontres en serrant les dents et en me demandant comment je peux être humainement difficile à ce point.
J’ai cessé de voir des amies après qu’elles ont eu des enfants, parce qu’elles ne parlaient plus que ça et que ça m’ennuyait à crever. J’ai masqué sur Facebook des contacts qui ne publiaient plus que des photos de leurs gamins ou des statuts en rapport avec eux. Je sais, c’est moche.
Je me réjouis de ne pas habiter plus près de chez ma mère et de pouvoir laisser ma soeur et mon beau-frère gérer l’essentiel de ses problèmes. Bien sûr, je culpabilise à mort de m’en réjouir.
Il faudrait que je fasse du sport régulièrement. Oui mais je déteste ça, j’ai l’impression de sentir crever mes neurones par milliers à chaque minute. Oui mais il faudrait quand même que je fasse du sport régulièrement. Oui mais je déteste ça. Etc, etc.
J’alterne les périodes où je me sens complètement à l’aise dans mon corps, où j’assume gaiement mes kilos en trop, mes jambes de trois centimètres et demi, mes ailes de chauve-souris et mes mentons en voie de prolifération, et les périodes où j’ai envie de pleurer quand je me vois en photo.
Je trouve l’art classique parfaitement soporifique, l’art moderne parfaitement incompréhensible, l’art contemporain parfaitement ridicule. Ca la fout un peu mal, pour quelqu’une qui se voudrait cultivée et esthète.
Le cinéma m’emmerde (à quelques exceptions près). La musique, pareil. Je suis certaine que je passe à côté de plein de trucs, mais bon.
Je prêche la pensée positive alors que souvent, je pars dans des spirales de colère, de râlerie et de déprime dont j’ai un mal fou à m’extraire. Mais hé, je m’améliore au fil du temps.
Je prête beaucoup plus attention à l’actualité depuis que je suis sur les réseaux sociaux. Et ça me mine. D’un côté, je veux me tenir informée du monde dans lequel je vis, être une citoyenne lucide et responsable. De l’autre, ça avive mes angoisses et augmente mon sentiment d’impuissance dans des proportions presque insupportables.
Parfois ce monde me fatigue tellement que je rêve d’attraper une maladie foudroyante, un truc pas trop douloureux qui me laisserait juste le temps de dire dignement au revoir à mes proches avant de tirer le rideau et de n’avoir plus à me soucier de rien.
J’essaye d’être une bonne personne. Je n’y arrive pas toujours. J’espère que c’est l’intention qui compte.
Comme je te comprends pour les amies avec enfants : en ce moment, ça pullule dans mon entourage et je suis à deux doigts de devenir agressive et méchante [pourtant, j'aime beaucoup mes copines mais là, ça devient trop pour moi…].
Nous avons tous nos petits paradoxes qui nous rendent un peu plus humains et un peu moins lisses. C'est pas toujours facile de concilier ses convictions et son quotidien [dit la fille qui veut arrêter la viande depuis des mois mais ne sais pas dire non quand on lui propose la superbe lasagne maison de belle-maman].
Je te souhaite d'arriver à combattre certaines de ces petites contradictions pour 2016 mais si tu n'y parviens pas, je ne pense pas que ce soit particulièrement grave ! 🙂
Si jamais je peux t'aider pour l'aspect végé, hésite pas 🙂
Bonjour Armalite,
Votre message me fait beaucoup sourire parce que pour l'année 2016 j'ai décidé de penser plus à moi; de ne plus me forcer à faire des choses pour faire plaisir aux gens. Bref, j'ai décidé d'être un peu égoïste. Vos amies ne parlent que de leurs bambins. Elles savent que vous n'en avez pas. Ne peuvent-elles pas penser à diversifier leurs discussions ? J'ai déjà accueilli un ami chez moi. Après il cherchait à m'arnaquer. Je suis prête à faire des efforts pour les gens qui m'aiment mais je ne veux trop me sacrifier. Je vous fais de gros bisous.
Ah, mais je comprends qu'une jeune maman n'ait envie de parler que de ses enfants, vu que ça doit complètement remplir sa vie. Mais rien à faire, je n'arrive pas à m'y intéresser.
Peut-être qu'une idée c'est de retourner ton schéma de pensées. Pour un film ou une musique, au lieu de dire de suite "je n'aime pas", tenter plutôt: "qu'est-ce que je pourrais aimer ?", réfléchir à ce qui fait que d'autres aiment la chose en question. Bref, partir du positif plutôt que du négatif.
Et si tu es fatiguée par le monde, est-ce que ce ne serait pas parce que tu te laisses trop toucher par lui ? Et trop longtemps ? Oui, j'ai eu du mal avec les attentats, les migrants et d'autres tristes actualités mais je n'ai laissé ces événements influer sur mon humeur plus de quelques heures (voire pas du tout).
Après, ce ne sont que des suggestions et chacun est différent…
J'aime beaucoup quand tu rédiges ce genre d'articles parce que même si je n'ai pas les mêmes luttes intérieures, cela fait toujours du bien de se dire "après tout, on est tous humains".
Concernant les jeunes mamans, c'est ma hantise depuis neuf mois. Je ne veux absolument pas devenir celle qui ne parle que de cela … et en même temps, je me rends bien compte que je n'ai pas grand chose d'autre dans ma vie. Cela ira mieux quand je retravaillerai !
MERCI !!! Ho que ca me fait du bien de lire tes contradictions, ça me permet de prendre de la distance avec les miennes !!
Pas plus tard qu'hier soir, bon coup de déprime où je réalisais que finalement, alors que je crois vouloir des enfants depuis des années, p'tete que non. J'ai gardé neveu et nièce 2 jours chacun, c pas la mer à boire, et pourtant j'en avais marre. Besoin d'adultes, de disposer de mon temps à ma guise, de liberté.
Je fais des stages de CNV et je suis montée en énervement tres tres tres rapidement avec ma niece, je lis des bouquins de psychologie positive et je broie aussi du noir, à me demander le sens de la vie au fond (bon coup de déprime je vous ai dit hier ? A ma décharge, la lecture de "la possibilité d'une ile " n'est peut être pas la meilleure idée que j'ai eue cette semaine… !! Bref, être tout cela à la fois, multifacettes, en contradiction ou en nuances, en camaieu et en multicolore ! Merci de ce post si intimiste et honnête, je me suis sentie moins seule en le lisant !
Pour ma part, oui, c’est l’intention qui compte.
Je te souhaite de ne pas entrer dans un cercle vicieux malgré tout. Pour le reste, je fais confiance à ta résilience 🙂
Voilà! Voilà! Ça c'est (encore) un article qui me parle tellement!
Et puis bah…je dirais encore "lâcher prise" en 2016!
En tant que future maman c'est quelque chose qui m’inquiète beaucoup. J'espère vraiment ne pas faire partie de ces mamans là.
Je suis sur le bon chemin, je pense, car cela m’exaspère déjà qu'on ne me parle que de mon bébé. Alors qu'à la pause dej' je préférerai parler des films que j'ai vu, des séries que je regarde, des livres que je lis ou des choses qui me passionnent (l'écologie etc…) on me questionne sur la grossesse et le futur de mon bébé.
Il y a des gens que je ne connais absolument pas qui me questionnent sur ma grossesse comme si je m’intéressais moi au contenu de leur uterus ou de leurs bourses! Je trouve ça très déplacé.
Tout cela est très exaspérant.
Leyciaan: Je pense que c'est culturel, un héritage du paternalisme qui veut qu'avoir des enfants soit "la plus belle chose au monde pour une femme". La plus belle, pourquoi pas; le problème, c'est que dans la tête de plein de gens – mamans y compris – ça devient "la seule". J'ai aussi autour de moi des amies à qui je demande volontiers des nouvelles de leurs enfants, parce que je sais qu'on va en parler dix minutes et qu'ensuite, on passera à d'autres sujets, et qu'elles n'ont pas renoncé à leur propre personnalité en devenant mères.
Et si finalement en 2016 on arrêtait tous de nous culpabiliser de nos contradictions ? Juste parce que finalement, on en est tous là, et que c'est ce qui nous rend à la fois furieusement singuliers mais aussi résolument charmants…
Bonjour,
En tant que maman qui-ne-parle-pas-que-de-ça, je tenais à venir apporter quelques éclaircissements, dans la mesure où le genre de discours "mes amies n'ont plus que ce seule sujet de conversation" me saoule au plus haut point.
Oui, quand on a un enfant, au début, il prend toute la place car il est 100% dépendant et qu'on ne sait pas faire autrement mais NON, sa progéniture n'est pas la seule chose qui intéresse une mère. Non, nous restons les mêmes MAIS avec un môme. Il/Elle est ce que nous aimons le plus au monde ( c'est comme ça, il sort de nos entrailles) mais est loin d'être la seule motivation de notre vie. Je pense que ce genre de cliché continue à alimenter la croyance selon laquelle une femme, dès qu'elle devient mère, ben, il y a plus grand chose à en tirer et à maintenir les disparités entre hommes et femmes au boulot, notamment. Maintenant, je ne dis pas que c'est ce que tu as dit dans ton article.
Ben…je suis un peu (beaucoup pareil)…je me détourne très vite de ce qui ne m'intéresse pas, fais des efforts à minima voire pas du tout face à des personnes que je suis obligée de croiser. J'essaie par contre de ne pas (plus) les critiquer ou leur formuler des réflexions cyniques, j'ai du mal mais y travaille. Je passe clairement pour une sauvage peut-être pour une fille fière, je ne sais mais à vrai dire je m'en fiche, ceux qui me connaissent bien et m'aiment savent que je ne suis pas comme çà. Je n'aime pas le superflu, les gens qui parlent pour ne rien dire, ou pour se mettre en avant…je me suis construit une carapace, seuls quelques proches y pénètrent, mais je suis bien, je vois de la joie partout le plus souvent, j'essaie de respecter tout le monde. Je pense parfois que si les gens se recentraient un peu plus sur eux, leurs propres valeurs et besoins, il y aurait plus de respect et peut-être moins de violences…
Bises.
Séverine – Roselinepapillon
Je te rejoins tout à fait pour l'art moderne, le cinéma ( de plus en plus violent ou déprimant), les gens pas drôles, les News horribles. Quant aux mères de familles, je crois que je dois polariser coupable pour l'instant mais promis dès que je redeviens intellectuellement stimulée ou moins mono-concentrée, je te propose un lunch. Je sais que je peux tenir une conversation sans parler de mouflets, j'y crois, je me bâts ha ha ha.