Si j’ai assez peu de souvenirs d’enfance globalement, je me rappelle très bien mes premiers émois gourmands. J’ai encore en bouche le goût d’une tripotée des plats familiaux simples mais goûteux que préparait ma grand-mère paternelle, chargée de nous récupérer le midi et de nous garder le mercredi, ma soeur et moi. Ses beignets de courgette, ou mieux encore, de fleurs de courgette. Son omelette de pommes de terre qui ressemblait plutôt à une galette épaisse et roborative. Ses gnocchi maison aux formes inégales, dont la confection lui demandait des heures. Ses farcis à la provençale, préparés avec du corned-beef (prononcer à la française: « cornèdeuhbiffeuh »). Quand j’étais très petite, elle me servait deux plats que je semblais apprécier mais n’ai plus voulu avaler dès que j’ai compris de quoi il s’agissait: de la cervelle d’agneau et du bifteck de cheval. J’ai également renoncé dès que possible aux infâmes Savane qu’elle achetait pour le goûter du mercredi, et aux biscuits secs avec des messages écrits dessus qu’on trouvait chez elle et chez ma grand-tante.
Chez mes grands-parents maternels, à la campagne, il y avait d’énormes faitouts de compote de pommes du verger, entreposés dans une petite pièce attenante à la cuisine qu’on appelait la souillarde. Tard le soir, avec ma soeur et ma cousine Fred, on allait en piller discrètement, en priant pour que la différence de niveau ne se remarque pas le lendemain. Je revois aussi les dessins que mon grand-père traçait avec la pointe du couteau dans le beurre des biscottes du petit-déjeuner, et les truites entières pêchées par mon père qu’on déposait grillées dans nos assiettes le lendemain midi. Je sens le goût aigrelet des griottes rouge clair gorgées de soleil, cueillies à même l’arbre et mangées par dizaines malgré les avertissements des adultes qui protestaient que ça n’était pas fait pour ça. Parfois, les enfants dont je faisais partie se laissaient convaincre de ramasser le cassis avec lequel mon grand-père confectionnait un fabuleux sirop. En revanche, je ne raffolais pas précisément de la soupe de pissenlits de ma grand-mère, et il était hors de question que j’avale la moindre caille ou autre oiseau minuscule abattu par mon père (en ce temps-là terreur de la faune locale).
J’aimais les barres de chocolat Milka à l’emballage mauve auxquelles j’avais parfois droit pour le goûter, les jours d’école, et les boudoirs Brossard que je trempais dans mon Nesquick où ils se désagrégeaient en une fraction de seconde, ou que je collais très fort contre mon palais avec ma langue pour que ma salive les ramollisse. Je ne sais pas trop pourquoi mes parents en achetaient: ma mère n’a jamais préparé la moindre charlotte. Mais ça et les Thé Brun, c’était les deux seuls types de biscuits qui avaient droit de cité dans nos placards. Il n’y avait pas de bonbons ni d’autres sucreries à la maison – sauf, pendant les fêtes de Noël, des escargots de Bourgogne que ma mère et ma soeur faisaient disparaître à une vitesse record tandis que je les boudais et que mon père rouspétait: « La boîte est déjà vide? ». Pas non plus de sodas, et très rarement de jus de fruits. Je dirais bien que c’est la raison pour laquelle les sucres rapides me laissent assez indifférente, mais ma soeur, elle, les adore; j’imagine donc que comme beaucoup d’autres choses, le goût se développe à partir d’une combinaison d’inné et d’acquis.
Et vous, quels sont les plats ou les aliments qui ont marqué votre enfance?
LE souvenir, c'est la tartine de pain de campagne, avec du beurre salé, et des fraises du jardin fraîchement cueillies (encore tièdes du soleil de 16h :-)) coupées en deux posées dessus et recouvertes de sucre en poudre: goûter préparé par mon grand-père maternel adoré, avec son inséparable couteau Pradel (couteau plat qui ne quittait jamais sa poche droite de pantalon).
Les tartes aux pommes de ma grand-mère, avec une pâte brisée bien épaisse…
Les soles "portion" (comprendre qu'elles faisaient toute l'assiette!) pêchées au filet par mon père, des bars et les brochets au beurre blanc (j'étais préposée au touillage de la sauce pendant la fonte du beurre sur les échalottes au vin blanc, ne jamais s'arrêter sous peine de faire "trancher"), tous les ans, on gardait au congélo le plus gros poisson pêché, pour le repas de Noël…
Les confitures (prunes, cerises, fraises, framboises) préparées par mon grand-père, on se battait avec mon frère pour lécher la gamelle…
La glace aux framboises (recette tupperware: on fouette une boîte de lait concentré non sucré, on ajoute coulis de framboises et sucre), dont je dégustais toujours la première encore à moitié liquide: pas la patience d'attendre qu'elle prenne au congélateur!
Et hélas, les bonbecs achetés en cachette, ma mère en limitant la consommation à deux par jour!! ET ça, ça a causé ma perte…!
Pour moi, le riz au lait que préparait ma mère (bonne cuisinière): même si elle m'a dit comment faire plus tard, je n'ai jamais réussi à retrouver la saveur de ses riz au lait, mais c'est sans doute parce qu'ils avaient le goût de l'enfance et de l'amour maternel… Sinon, les oursons à la guimauve achetés chez la boulangère, et les pains au lait.
Que de souvenirs gustatifs tu as. Mais je te comprends, j'ai aussi pas mal d'affinités avec les goûts ( et les odeurs)
Ah le gratin de courges de mon arrière grand-mère, ses cerises en bocaux, les escargots de ma grand-mère, ses bugnes ou encore son fameux fromage de tête. Tous ces plats don je ne retrouverai jamais le goût mais qui ont un délicieux parfum d'enfance. J'ai juste réussi à récupérer la recette des bugnes de ma grand-mère, que je vais refaire pour mon plaisir et celui des enfants.
Bonjour,
Joli article !
Les pommes de terre sautées à l'ail et au persil de mon grand-père me font toujours saliver quand j'y pense …
Chez ma grand-mère maternelle, c'était les crèmes aux oeufs et le Caprice des Dieux, pour lequel on se battait afin d'avoir les entames "craquantes" !
Et du côté paternel, sans être un bon souvenir : la salade de poulpes chaude dont les tentacules dépassaient de la sauce tomate, et laissaient penser qu'elles allaient s'enfuir de l'assiette !
Ce sont de jolis souvenirs associés à des personnes que j'ai aimées (pour les deux premières) 🙂
Les tranches de cougnou beurrées ou les spéculoos trempés dans le chocolat chaud qu'on nous servait à l'école pour la Saint Nicolas.
J'apprécie les fêtes de fin d'année rien que pour ça 🙂
Quand j'étais petite, ma grand-mère maternelle me servait un plat que j'adorais et qu'elle me disait être du poulet. Quand j'ai su ce que c'était vraiment (de la langue de boeuf), je n'ai plus jamais pu en manger…
Ma grand-mère aussi m'a fait manger de la cervelle et de la viande hachée de cheval ! (je me souviens même de saucisson de cheval …)
Elle est trop âgée maintenant pour se mettre aux fourneaux mais préparait d'exquises pommes de terre sautées (bien grassouillettes), et un couscous divin (alors qu'elle est espagnole, mais ne sait pas faire la paella. Bref )Elle ne faisait que des plats salés, et toujours en quantité phénoménale, ce qui était ensuite le prétexte à refiler un tupperware aux invités, et à aller porter un repas chaud au voisin veuf du bout de la rue…
Pour le goûter, je mangeais toujours chez mes gds-parents de grandes biscottes tartinées de margarine "fruit d'or" et saupoudrées de sel , je ne sais pas pourquoi j'avais eu l'idée de ce goûter mais j'adorais ça ! Par contre, pour les desserts, c'est ma mère la pro: je raffolais de sa charlotte au chocolat avec crème anglaise, et de ses crêpes. Aujourd'hui je cuisine souvent avec mes filles, j'espère qu'elles en garderont comme moi des souvenirs particuliers, et le sens de la convivialité et du partage.
que d'émotions dans cet article!
alors moi je me souviens principalement des tomates du jardin de mon pépé qui sentaient si bon, tellement différentes des tomates du supermarché….
les rillettes de sardine de ma grand mère aussi, tartinées sur du pain grillé. Le rosbeef du dimanche avec des pommes de terre et des haricots verst.
bisous!
Pour le goûter, chocolat râpé sur une biscotte beurrée (chez la grand-mère maternelle, qui passait pour une nullité en cuisine. Quand ses 4 enfants sont partis de la maison, tout le monde a vu qu'elle savait tb cuisiner… C'était une protection pour ne pas être cantonnée à cela, sans doute)
Et LE délice de mon enfance : les vraies pommes Dauphine, mélange de purée et de pâte à choux, pour les repas de famille chez ma grand-mère paternelle. Puis, jeune adulte, avec elle, lors de tête à tête, les ris de veaux et la coupe de champagne.
Et à la maison, le plateau de fromages, pour le goûter, pour les petits creux, tout le temps.
Pas de bonbons, pas de sirops, pas de sodas. Mais du chocolat et de la glace !
Rien de tel que les souvenirs gustatifs…
Ma mère ne cuisinait guère au début, je l'ai vue apprendre avec les années (et j'en ai retenu qu'on peut apprendre à tout âge, une belle leçon ! ). Mais je me rappelle le hachis parmentier que je réclamais toujours pour mon repas d'annievrsaire, le gratin dauphinois, la mousse au chocolat bien compacte (rhâââ) et le riz au lait dont j'ai gardé la recette… Et les tartines pain-beurre-ovomaltine. Les omelettes de mon père.
Pas de souvenirs culinaires chez mes grands-parents maternels (à part le saucisson à l'ail que je détestais et la bonbonnière qui me fascinait, pleine de pastiles valda et de réglisses). Mais chez mes grands-parents paternels, à la campagne, les meilleures tomates farcies du monde (aux tomates du jardin), la fabuleuse bûche aux marrons, les confitures et glaces aus fruits rouges du jardin (bien compactes, mais quelle explosion de saveurs…), les groseilles que je mangeais en douce, et surtout les extraordinaires rillettes de Tours, que mon grand-père partageait avec moi au petit-déjeuner, sur du pain trop grillé…
Et les découvertes de vacances, comme la soupe à l'oignon et la fondue savoyarde (ah, les premières fois !). Et tous ces fromages différents !
Et, et, et…
Rien d'étonnant à ce que je sois encore si gourmande aujourd'hui…
Je vois que les grand-mères dominent les souvenirs d'enfance !
j'ai un souvenir d'un gâteau que maman appelait la charlotte portugaise ; une génoise recouverte de meringue, miam. et un affreux souvenir de la viande grillée au feu de bois, à part les saucisses je trouvais ça (et le trouve toujours) horrible. J'ai refait une partie des recettes maternelles, celles que j'aimais, j'ai ajouté de nouveaux produits qui plaisaient à mon mari et dont je n'avais pas l'habitude, et d'autres plats rencontrés dans les livres de cuisine donc je pense être éclectique dans ce domaine !
Bel article! Pour moi c'était les crepes que faisaient ma grand mère paternelle tous les mercredis midi, j' y allais après l'école et y retrouvais mes cousins. Un délice!
Je me souviens aussi du cidre qu'on nous demandait d'aller prendre à la barrique chez ma grand-mère maternelle lorsque ma mère faisait des crepes et immanquablement nous nous mettions à genoux sous la barrique pour gouter cette boisson qui ne nous était pas destinée! C'était aigre mais on aimait ça!
Je me souviens du lait qu'on allait chercher à la ferme du coin et des flans, coulis à la vanille, semoule, riz et soupe au lait que préparait ma mère. Nous buvions aussi du lait ribot (lait fermenté) avec des pommes de terre cuites dans un chaudron avec beaucoup de beurre, un vrai régal.
Et puis pour les pique-niques avec mes parents, ma mère tenait à emporter le crabe cuit auparavant dans une grande marmite que l'on dégustait avec une très bonne mayonnaise.
Ce que j'aimais beaucoup aussi c'étaient les rognons de veau à la crème fraiche et riz de ma mère et la langue de boeuf sauce madère. Et puis le must des fruits, les groseilles chez ma grand-mère et les fraises ramassées dans le jardin avec mon père. Comme biscuits c'étaient les BN à la vanille dans le bol de chocolat. Merci d'avoir fait repenser à ces moments 🙂
Une grand-mère nous gâtait de tomates et aubergines farcies en été, il fallait juste qu'il ne fasse pas trop chaud parce qu'au delà d'un certain nombre de degrés il était interdit d'allumer le four. Ces jours-là, papi s'occupait de faire griller de la viande ou de la saucisse sur des sarments de vigne, dehors, ça c'était pour les saveurs de l'été. En hiver, l'autre mamie mijotatit un boeuf bourguignon incomparable et m'apprenait à faire des kluskis (les gnocchis polonais). Sinon ma plus jolie madeleine me vient de ma mère, qui m'a très tôt collée devant un saladier pour faire la pâte brisée de la tarte du dimanche. Cette odeur de beurre et de farine est restée un tel plaisir que, outre le problème du goût, je n'arrive toujours pas à me décider à acheter des pâtes brisées toutes faites : ça me priverait d'une grande part du bonheur !
Quand j'allais chez ma nourrice, mon délice était d'aller cueillir des "croque-poux" au fond du jardin. Je n'attendais pas qu'ils soient suffisamment mûrs… La peau était un peu duveteuse mais très ferme, et je les croquais d'un seul coup! Cette explosion d'acidité me ravissait et me donnait la chair de poule. Je n'en avais jamais mangé ailleurs! Ma famille habitait dans une maison sans jardin, alors partir à la cueillette de ces petits fruits exotiques avait le goût de l'aventure et de la liberté.
Plus tard ma nourrice a arraché son groseiller à maquereaux pour construire une cabane au fond du jardin. Je ne me suis jamais totalement remise de cette perte! Chaque fois que je vais lui rendre visite, je repense à ces "croque-poux" dont le simple nom me mettait en joie et semble encore contenir tout le bonheur des heures passées près de ce petit arbre.
Le steak chez mes grands-parents. Son odeur et sa croute parfaite et fondant a l'intérieur. Aujourd'hui je n'ai pas un plaisir très développé à manger de la viande mais je donnerais beaucoup pour remanger ce steak de mon enfance. Toujours accompagné, comme chaque plat, d'un stoemp aux légumes du jardin. Souvent épinards car ma sœur adorait ça. Si bien qu'on lui vendait les carottes comme des épinards oranges. Pendant les années où nos grands parents nous gardaient tous les jours après l'école, il n'y a quasi eu que des stoemps (avec une cheminée au milieu pour mettre une cuillère de sauce du steak). Je pense que toute cette abnégation à manger mou et écrasé chaque jour que Dieu fait est une forme concrète d'un amour illimité. Et les framboises du jardin, cultivées juste pour nous car nos grands parents détestaient ça, écrasées en purée et mises au congèl, transformées en glaces à l'eau épaisses qui coloraient la langue dans un set Tupperware prévu à cet effet.