L’expérience n’est pas une maladie transmissible

Choses que j’aurais pu lire dans n’importe quel bouquin de développement personnel, ou entendre de la bouche de n’importe quel adulte de la génération au-dessus, au lieu de payer le prix fort pour l’apprendre par mes propres moyens: 
– Sortir avec un jeune homme très empressé pour qui on éprouve beaucoup d’affection mais zéro attirance physique, c’est le meilleur moyen de lui briser le coeur au bout de 3 mois. 
– Epouser un type qui veut absolument des enfants quand on est soi-même certaine de ne pas en vouloir, c’est un chemin très sûr vers le désastre. 
– Epouser un type qui a une conception hyper machiste du couple quand on est soi-même une féministe endurcie, c’est un autre chemin très sûr vers le désastre. 
– Il est parfaitement possible de cumuler les causes de désastre. 
– L’amour ne suffit pas. 
– Le divorce: sur le coup, ça fait tellement mal qu’on croit qu’on va en crever, mais en fait non. 
– …Et rares sont les gens dont la vie amoureuse est terminée à l’âge canonique de 27 ans. 
– Un homme qui a trompé sa femme avec moi six semaines avant de l’épouser me trompera certainement aussi une fois que je serai devenue sa partenaire officielle. 
– Parfois, la personne que l’on cherche n’est pas la personne qu’il nous faut. 
…Et je vais me limiter à ma vie amoureuse, parce que la liste est déjà bien assez longue comme ça, mais vous voyez l’idée. L’idée, c’est que toutes ces choses qui me semblent évidentes aujourd’hui ne l’étaient pas DU TOUT avant que je n’en fasse personnellement la douloureuse expérience. Et que si quelqu’un de mon entourage avait tenté de me mettre en garde à l’époque, fut-ce avec les meilleures intentions du monde, je l’aurais vertement rabroué. Comment pouvait-il prétendre savoir ce dont j’avais besoin, moi? N’étais-je pas la personne la mieux placée pour en juger? Et puis, je préférais me tromper à ma façon qu’avoir raison à celle d’un autre. Fin de la discussion. 
Moyennant quoi, la mauvaise foi n’étant pas le moindre de mes défauts, ces jours-ci, je n’en finis pas de dispenser mes bons conseils à des gens qui ne m’ont strictement rien demandé. A ma décharge, je fais ça uniquement avec les gens que j’aime et que je vois malheureux alors que je SAIS, je SAIS très bien ce qu’ils devraient faire pour ne plus l’être. Mettre de la distance entre eux et leur mère toxique, se séparer de ce partenaire avec qui ils sont aussi bien assortis qu’une poule et un rasoir électrique, insister pour qu’on les rémunère convenablement, chercher un autre boulot que celui qui les tue à petit feu, oeuvrer activement à une reconversion professionnelle. Bosser leur estime de soi, car en avoir davantage (voire, en avoir tout court…) leur changerait la vie. Oser, oser, oser, parce que la vie est courte et que c’est idiot de ne pas en tirer le maximum. 
Sauf que ça n’est pas ma vie, c’est la leur, et qu’ils ont bien le droit de la gâcher (selon mes critères) si ça leur chante. 
Sauf que peut-être, pour certains d’entre eux, ça ferait une vraie différence qu’une personne bienveillante mais ferme les harcèle encourage et leur indique la bonne direction. 
Sauf que je ne suis ni coach ni thérapeute, et même pas particulièrement douée pour les relations humaines, alors qu’est-ce qui me fait croire que je pourrais être cette personne-là? 
Sauf que regarder des gens que j’aime souffrir sans rien faire pour tenter de les aider, ça m’est complètement impossible. 
Sauf que tenter de les aider ne sert à rien, parce que comme je suis bien placée pour le savoir, l’expérience n’est pas une maladie transmissible. Chacun doit faire la sienne à son rythme et à sa façon. 
Et je crois bien que c’est l’une des raisons pour lesquelles j’essaye de pas trop m’attacher aux gens. 

15 réflexions sur “L’expérience n’est pas une maladie transmissible”

  1. Parfois, les gens sont demandeurs aussi, mais il y a certaines façons de présenter les choses… Et puis, il faut le temps que la personne ouvre les yeux (ou ait envie de…).

    La bienveillance, c'est tout sauf facile. J'en fais la découverte avec ma fille (et elle est encore petite). Parfois, la bienveillance et l'éducation (souvent en fait), c'est simplement être là, à l'écoute, mais ne pas faire à la place et/ou ne pas abreuver de conseils.

    Finalement, les conseils, soit ça met en colère (réaction que tu sembles avoir), soit ça ruine la confiance en soi de l'autre (je ne suis pas capable d'y penser par moi-même, etc.). Je fais plutôt partie de cette catégorie et changer est méga difficile. Mais je m'y efforce !

  2. C’est toujours difficile de voir les gens qu’on aime ne pas faire ce qu’on aimerait qu’ils fassent, tout de suite, maintenant, et c’est encore plus difficile de leur laisser le temps.
    Mais rien ne dit que tes conseils ne font pas leur chemin dans la tête de ces gens, peut-être qu’il faudra simplement plus de conseils encore, plus de temps encore pour qu’ils ne se concrétisent sous forme d’actes.

  3. Tu me fais penser à une conversation que j'ai eu avec Miss A. il n'y a pas longtemps, concernant ma capacité de patience et d'écoute. Elle n'arrive pas à comprendre que je puisse écouter, donner mon opinion et qu'il ne se passe plus rien ensuite ou qu'alors, la personne revienne parler du même problème et que je répète mon opinion encore et encore sans changements d'humeur.
    Je ne peux pas prendre de décision pour les autres, ni leur imposer ce qui me semble bien. D'autant plus que, si ça se passe mal, au lieu de se remettre en question, la personne aura un coupable tout trouvé, soit moi, ce qui ne fera pas avancer les choses.
    Comme tu le dis, ton expérience ne suffira pas à faire changer la personne en face de toi. Selon moi, il ne faut pas entrer en guerre avec l'autre pour lui faire entendre raison, mais être là tout au long du processus et servir de béquille. Si donner ton opinion ne sert à rien, faire réfléchir est très utile. Je ne donne mon opinion en général que lorsqu'on me le demande et sinon, je fonctionne à la question. Si par exemple, je perçois le problème alors que l'autre non, je demande "ne penses-tu pas, que le problème pourrais venir de là ?" et cette simple question permet parfois à l'autre personne de faire du chemin. Pas parce que j'ai imposé mon point de vue, mais parce que je soutiens son avancement personnel.
    Je sais que tu n'es pas comme ça, t'as franchise te pousse a attaquer les choses en fonçant dans le tas. Je ne crois honnêtement pas que ce soit un défaut, ceux qui te connaissent, savent que tu fonctionnes ainsi et il serait dur de t'en vouloir. Personnellement je trouve que c'est un qualité ! C'est peut-être ta perception du résultat qu'il te faudrait changer. Accepter que, même si tu sais que tu as raison une fois que tu as donné ton avis, il peut, ne rien se passer. Et ceci, sans que ça n'altère ta vision de l'autre. Se dire que dans cette situation, tu fonctionnerais comme ça, que l'autre n'estime pas cette solution comme la bonne et que ça n'en fait pas une andouille pour autant.
    Accepter aussi, que parfois on ne peut rien faire…

  4. "C'est peut-être ta perception du résultat qu'il te faudrait changer. Accepter que, même si tu sais que tu as raison une fois que tu as donné ton avis, il peut, ne rien se passer. Et ceci, sans que ça n'altère ta vision de l'autre. Se dire que dans cette situation, tu fonctionnerais comme ça, que l'autre n'estime pas cette solution comme la bonne et que ça n'en fait pas une andouille pour autant."
    Oui, c'est tout à fait juste. Mais du coup on déborde sur un autre de mes défauts, qui est le jugement et… y'a encore tellement de boulot de ce côté-là!
    (S'améliorer: la quête de toute une vie ^^)

  5. Je pense que quand on aime les gens il faut les inciter à "se bouger" ou leur parler franchement, ce que tu appelles la bienveillance dure. Je trouve que rien n'est pire que l'indifférence, ou d'avoir le sentiment d'en inspirer. J'ai rompu avec des amies car lorsque je me suis retrouvée dans de mauvais passes, elles n'ont jamais émis le moindre commentaire qu'il soit désapprobateur ou pas, le moindre encouragement, ni le moindre reproche (et je ne parle même pas de conseils). Je sais bien que tout le monde a ses propres soucis et que la vie est loin de tourner autour de moi, mais quand on fréquente des gens qui ont l'air de se moquer de votre sort, à quoi bon les voir, parce que courir les magasins ou déblatérer sur les collègues de bureau, bof bof.

  6. J’aimerais tellement que l’expérience rentre autrement que par coups de pieds aux fesses… Mais visiblement, c’est la seule méthode de transmission. L’année dernière, alors que je me lamentais très fort sur mon affreux client, je me répétais en boucle et sans trop de succès « C’est le métier qui rentre… ».
    En ce qui concerne les conseils aux autres, j’ai beaucoup de mal à voir les gens qui me tiennent à cœur faire des choses qui ne sont pas, selon moi, dans leur intérêt. Alors, je « conseille » (oui, j’ai une conception du conseil assez personnelle), j’essaie d’éclairer, mais je tente vraiment de me dire en ce moment que ma vision des choses n’est pas forcément celles des autres. Comme le ditLady Pops, il faut accepter que les choses ne changent pas forcément, ou pas au rythme qu’on voudrait.

    (J’angoisse aussi un peu à l’idée de m’attacher aux gens. Pas forcément pour la même raison que toi, mais je pense pouvoir comprendre ta réaction)

  7. Parfois, et peut-être même souvent voire toujours, les gens qui sont englués dans des problèmes peinent à trouver le recul nécessaire pour jauger la situation et essayer d'entrevoir des issues de secours.
    Parfois aussi, les gens qui se débattent dans leurs problèmes te diront qu'ils savent, mais ne trouvent pas (encore) la solution, le moyen d'appliquer les conseils. Et ce n'est pas forcément de la mauvaise volonté, et ils peuvent même comprendre à quel point ça peut être douloureux/agaçant/quoi que ce soit d'autre pour leurs amis, parce qu'ils sont là et subissent indirectement.
    Mais les amis qui ne laissent pas les leurs se noyer, c'est précieux. C'est infiniment précieux.

    En tous cas, l'estime de soi, la bienveillance et le fait d'oser ont été au coeur de mon dernier week-end, et j'en suis reconnaissante envers tous ceux qui m'ont dispensé des choses positives, des impulsions directes ou indirectes.
    Tu fais bien. J'en suis persuadée 🙂
    Si l'expérience n'est pas une maladie transmissible, elle peut au moins être contagieuse. Et donner envie d'essayer, de vivre plus soi, plus fort.

    Mélusine

  8. "J’angoisse aussi un peu à l’idée de m’attacher aux gens. Pas forcément pour la même raison que toi, mais je pense pouvoir comprendre ta réaction."
    Gasparde: oh, c'est pas la seule raison hein ^^ Je parlerai sans doute du reste dans un prochain billet consacré plus spécifiquement à l'amitié. Mais je peine à exprimer exactement ma pensée sur le sujet.

    Mélu: je ne t'ai pas remerciée pour ton mail, parce que j'ai toujours un peu de mal à dire des trucs "sentimentaux", mais c'était vraiment un chouette mail, qui m'a un peu rassurée 🙂

  9. ElanorLaBelle

    Je suis quelqu'un qui accepte difficilement la critique – et les conseils. Bornée, tant qu'une chose ne vient pas de moi je me bloque. Je suis donc typiquement le profil de la personne à qui des remarques de bienveillance – dures ou pas, mettent sur la défensive. Ceci étant, même si je n'en donne aucunement l'impression, les remarques faites par mes amis font leur chemin, tranquillement. Communiquer et dire son avis, de manière brutale ou pas, je pense que c'est essentiel dans une relation (amicale, familiale, amoureuse). Après, il faut savoir prendre du recul: pour la personne qui reçoit la remarque/le conseil/l'avis mais aussi pour la personne qui le prodigue.

  10. Je suis de tempérament un peu plus douce que toi, mais quand je vois des gens auxquels je tiens aller droit dans le mur je parle quand même, ne serait-ce que pour le cas où une petite alarme sonnerait déjà dans leur tête et qu'elle n'attendrait qu'une voix extérieure pour devenir un peu plus "réelle". Je trouve que la vraie difficulté dans ces cas-là est de trouver la bonne distance, celle qui permet à l'autre de se raccrocher à sa main si nécessaire, mais qui lui laisse aussi la liberté de ne pas la saisir, cette main.
    Vetinari (le Patriarche d'Ankh-Morpork dans les romans de Pratchett) dit que la liberté n'est rien sans a liberté d'assumer les conséquences de ses choix. C'est un peu rude, mais assez vrai.

  11. 😀 Si tu savais à quel point je m'identifie A MORT à ce personnage 😀

  12. Il y a une catégorie de personnes que je supporte (vraiment) très mal à la longue , ce sont celles qui justement ne font jamais leur propre expérience et qui se plaignent à longueur de d'année ( je dirais même à longueur de vie) de leur conjoint/leur boss/ leur job sans jamais initier un seul changement.
    C'est au delà de mes forces, je peux être bienveillante dure, bienveillante douce.. je sais m'adapter à la personne à qui je parle. je peux le faire tant que j'ai le sentiment d'être en train de planter une petite graine qui germera un jour. En d'autres termes, il faut que je sente un potentiel d'évolution, de remise en question. Même si le rythme n'est pas le mien.
    Si je sème en vain, il arrive un moment où mon potentiel de patience est épuisé et où je commence à éprouver pour la personne moins de respect ( c'est pas très glorieux, j'en conviens), moins d'empathie.
    Avec moi, j'aime bien que mes amies soient sincères et directes. J'écoute toujours et les idées font leur chemin…

  13. Je suis actuellement la maîtresse d'un homme qui n'était pas marié il y a 5 mois quand ça a commencé, l'est maintenant et souhaite continuer à me voir. Ca me vaccine clairement de toute idée romantique avec lui, je finiras aussi cocue que sa femme.

  14. Zéphine (aka Malvi)

    "On ne fait pas le bonheur des autres malgré eux" c'est ce que mamy m'a un jour dit. depuis, je m'efforce de garder ça en tête.
    J'essaye d'être présente et à l'écoute, d'apporter des pistes de solutions si je vois que la personne en demande, de parler d'autres choses si elle à besoin de se changer les esprits sans être accablée de reproches, etc…

    sauf que ça me bouffe de l'intérieur, parce que je suis plutôt du genre sanguine, et que l'immobilisme des autres me désespère (alors que mon immobilisme je ne le vois pas, et n'apprécie aucune remarques à son propos).

    Depuis que j'ai rencontré l'homme qui partage ma vie (ça fait quand même 8ans déjà), j'ai appris beaucoup sur la bienveillance. Et je m'efforce, pour éviter de m'énerver, de me convaincre que "ce n'est pas parce que je n'aurai pas fait comme ça, que leur méthode n'est pas la bonne. Elle est juste différente de la mienne". Ce mantra à l'avantage de fonctionner pour tout: choix de vie, mais aussi méthode de nettoyage de la maison, etc.

  15. J'ai un peu étudié Sartre à l'unif et je me souviens très bien d'une annecdote. Il avait un étudiant qui voulait partir à la guerre mais comme il vivait avec sa vieille mère malade, il hésitait. Sartre lui a répondu que en fonction de la personne à qui on parle, on sait quelle réponse on souhaite obtenir.
    Si on te connait un peu, on sait qu'il y a une profonde bienveillance dans ce que tu dis.
    Ensuite, je ne pense pas que les conseils en temps difficiles soient inutiles, pour moi, ça marche au ralenti, si alors que je m'acharne à reconquérir un type dont je ne voulais plus 6 mois plus tôt on me dit "tu te trompes de cible", une partie de mon cerveau le retient. ça ne m'empeche pas de faire des conneries mais ça me permet de me relever plus vite.
    On apprend par l'expérience mais on peut être un peu guidé et puis ce qui compte surtout, c'est l'après connerie. Quand dévastée, on retrouve la copine qui nous avait mise en garde, autour d'un verre, à secher nos larmes et à rire de nos bêtises et ça va déjà mieux.

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