Un mal insidieux sévit dans les rangs de mes copines: le manque de confiance en soi.
Pourtant, elles sont vachement bien mes copines. Drôles, intelligentes, compétentes dans leur boulot, douées de leurs mains, bienveillantes, toujours prêtes à défendre leurs valeurs… Elles auraient largement de quoi être fières d’elles. Au lieu de ça, elles doutent en permanence de leurs capacités, et souvent, ça les empêche d’avancer – de réclamer une augmentation bien méritée, de se lancer dans une formation, de voyager en solo, de draguer ce type sûrement trop bien pour elles, d’oser changer de vie, de réaliser leur potentiel et s’épanouir pleinement.
Ca me désole, parce que de l’assurance, moi, j’en ai limite trop. Je suis persuadée que non seulement je mérite tous les trucs chouettes que je convoite, mais que je suis probablement capable de les obtenir si je bosse dur. Du coup, j’ose tout ou presque, et neuf fois sur dix, ça marche. J’aimerais tellement pouvoir transmettre un peu de ça à mes copines! Avoir davantage confiance en elles changerait leur vie, j’en suis sûre.
Du coup, je m’en vais vous raconter comment j’ai eu le déclic.
Nous sommes… début 1991 à Sup de Co Toulouse. A l’époque, je suis super mal dans ma peau et encore plus mal à l’aise parmi mes camarades. La plupart d’entre eux sont issus de milieux bourgeois, pleins de la belle assurance que donne le fait d’avoir grandi dans une famille cultivée/friquée et toujours entendu qu’ils étaient la future élite de la France (je caricature un peu pour les besoins de l’anecdote). Pour ne rien arranger, ce sont déjà de jeunes adultes tandis que je n’ai pas encore quitté l’adolescence. Le fossé entre nous est immense. Je suis le vilain petit canard au milieu d’un troupeau de cygnes, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne fait pas de merveilles pour mon estime de moi.
Ce jour-là, donc, je suis enfermée dans une salle de classe avec la vingtaine d’autres étudiants de mon option majeure, « Gestion des produits de grande consommation ». Un intervenant extérieur nous fait un cours sur la prise de contact téléphonique, nous expliquant diverses tactiques pour décrocher un rendez-vous même quand la personne au bout du fil n’est pas très chaude à la base. Vient le moment des exercices pratiques, où chacun de nous tour à tour doit appeler un professionnel pas dans la confidence tandis que le reste de la classe écoute la conversation sur haut-parleur.
Il faut savoir un truc (qui n’a pas changé depuis toutes ces années): je HAIS le téléphone. J’utilise énormément le langage non-verbal, à la fois pour m’exprimer et pour décoder l’humeur de mon interlocuteur. En aveugle, je ne sais pas doser mes conversations, c’est une vraie torture. Je suis fébrile, les silences m’angoissent, j’ai les paumes moites, je fais les cent pas en parlant pour canaliser ma nervosité… L’horreur. Alors, me livrer à ce genre d’exercice sous les yeux de tout un groupe de mes camarades, vous imaginez.
Une chose me sauve cependant: nous passons par ordre alphabétique; je suis donc une des dernières à m’y coller. Et avant ça, je vois tous mes camarades si sûrs d’eux se planter dans les grandes largeurs – exécuter les consignes à la lettre et ne quand même pas réussir à décrocher le fameux rendez-vous à froid. Au mieux, on leur propose de rappeler plus tard. Du coup, quand vient mon tour, j’ai un peu moins la pression.
Et je ne sais pas ce qui me prend, mais dès l’instant où j’ai mon interlocuteur en ligne, malgré mon coeur qui bat à cent à l’heure et mon corps trempé de sueur, je me glisse dans la peau de quelqu’un d’autre, une femme pleine d’assurance qui fait une faveur à cette personne en lui proposant un rendez-vous. Péremptoire et suave à la fois, je lui promets qu’il ne regrettera pas le temps qu’il m’accordera pour parler d’un sujet à propos duquel je reste volontairement mystérieuse (et pour cause: je n’ai aucune instruction spécifique, ni aucune idée de ce que ce type fait dans la vie!), mais dont je sous-entends qu’il a tout à y gagner. Je suis sans doute plus dans le registre de la séduction que du professionnalisme, mais ça marche: mon interlocuteur me fixe un rendez-vous ferme pour le vendredi suivant.
Quand je raccroche, l’intervenant extérieur et toute la classe m’applaudissent.
Ce jour-là, j’ai été la seule à atteindre l’objectif fixé. Et cette minuscule victoire a provoqué un déclic en moi. Je faisais du jeu de rôle assez intensivement depuis cinq ans déjà, et je me suis rendu compte que je pouvais utiliser ça dans tous les autres domaines de ma vie. Que confrontée à un problème insoluble pour moi, il me suffisait d’invoquer la personnalité de quelqu’un d’autre, quelqu’un qui serait parfaitement capable de gérer cette situation, quelqu’un qui possèderait l’assurance que je n’avais pas.
Peu de temps après cette anecdote, j’ai dû me soumettre à un autre exercice scolaire pour lequel il fallait parler devant une caméra. J’étais morte de trouille. J’ai fait semblant d’être une journaliste parfaitement à l’aise devant un objectif. Cette fois encore, mon naturel a bluffé tout le monde. Depuis, je n’ai plus aucun problème à m’exprimer devant une caméra ou un public de plusieurs centaines de personnes, comme ça m’est arrivé par la suite.
Et au fil du temps, il s’est passé un truc assez curieux: à force de feindre l’assurance et, du coup, d’obtenir une grande partie de ce que je réclamais, ou de réussir dans la plupart des tâches que j’entreprenais, j’ai fini par devenir réellement sûre de moi. En persuadant les gens que je méritais toutes ces choses, je m’en suis persuadée aussi. C’était un cercle vertueux où chaque nouvelle victoire me renforçait dans ma conviction et faisait que le masque initial devenait un peu plus ma vérité personnelle.
Alors, si j’ai un conseil à donner à toutes mes fabuleuses copines bourrées de doutes, c’est le suivant: les qualités qui vous manquent, faites semblant de les avoir jusqu’à ce que vous les développiez pour de bon. Vous verrez, c’est magique.
Je crois que c'est le meilleur conseil qu'on m'ait jamais donné ! Il fait écho à des petites choses que j'ai pu constater mais que je n'avais pas si finement analysé… Merci.
J'ai souvent donné ce conseil, sous une autre forme…en citant Saint-Augustin 😛
"Si tu n'as pas la foi, fais les gestes de la foi et la foi viendra".
Ça marche!!!
(enfin, pour la foi je n'ai pas essayé, mais pour la confiance en soi, c'est imparable)
Je trouve aussi que c'est un très bon conseil! J'arrive à feindre l'assurance devant un petit nombre d'interlocuteurs mais devant plusieurs dizaines de personnes, c'est plus dur pour moi… Et pourtant c'est ce qu'on attend d'un chef d'entreprise! J'ai un peu travaillé dessus avec l'aide d'un coach, mais j'ai l'impression que la route est encore longue. Ce qui marche bien pour moi est d'arrêter de me poser des milliards de questions ou d'arrêter d'essayer de prévoir toutes les objections de mes interlocuteurs et de foncer, et en général, dans le feu de l'action, ça se passe toujours mieux que ce que j'avais imaginé! Ça c'est dans la vie pro, car dans la vie perso et notamment amoureuse, il m'est plus difficile d'oser 😉
Merci pour ce chouette billet 🙂
Un très très bon conseil pour nous toutes qui manquons d'assurance ^^ merci à toi de cette bienveillance dont tu sais toujours faire preuve !
Bon, ben voilà, tu as gagné, je pleure.
(Mais merci de partager.)
Mélusine
C'est un super conseil ! J'ai un énoooorme problème de confiance en moi, ça me pose problème dans la vie et dans mon ancien job ou j'avais à travailler avec des fortes têtes qui me bouffaient.
Un jour, j'ai cru péter un plomb dans une réunion qui s'éternisait, ou l'on parlait d'un de mes projets, et ou tout le monde parlait sauf moi, parce qu'ils avaient trouvé que c'était une excuse fabuleuse pour se prendre la tête entre eux. Alors j'ai pris la parole un peu plus fort que tout le monde, j'ai fait semblant d'être super sure de moi, et j'ai proposé un plan d'action. Tout le monde m'a regardé avec des grands yeux et l'a validé, en 5 minutes c'était fini.
Depuis ce jour j'ai compris que l'important ce n'était pas vraiment d'avoir confiance en soi, mais c'était surtout de faire croire aux autres qu'on avait confiance en nous ^^, et que effectivement ça aidait à vraiment faire venir cette confiance.
Pour le boulot, ça marche, mais pour le perso, j'ai pas encore réussi…
Ca me fait penser au bouquin que je lis en ce moment, sur les introvertis notamment, où un des conseils est l'utilisation de persona pour se permettre de tenter des trucs qu'on n'oserait pas autrement…
joli 🙂
Pour ma part, niveau pro, j'y arrive, je joue le jeu, je peux même devenir exigeante etc…j'ai appris à me faire respecter, à recadrer, à diriger et tout le tralala.
Au niveau privé, ça commence doucement ou plutôt il y a certains domaines où je ne cède pas et ça c'est nouveau mais en gros, j'ai un niveau de confiance en moi misérable. ça viendra peut-être pour compenser les rides et les cheveux blancs 🙂
Bon, j'ai l'impression de n'être pas la seule à prendre ce billet en pleine face – dans un sens positif, j'entends.
Non seulement je doute de moi mais je suis l'hésitation personnifiée (ascendant procrastineuse = combo idéal pour fabriquer de la frustration en barre).
Ton conseil non seulement est simple et pratique (et bienveillant), mais il ouvre un champ de réflexion vaste et d'applications multiples.
Bref, merci.
C'est un magnifique article plein d'espoir que tu nous postes là!
Et justement, j'avais lu dans un article anglophone où la personne de: "fake it until you become it!"
Bravo en tout cas, ça me motive de t'avoir lu!
Il semblerait, dixit ma kiné, que j'aie développé un très (trop) bon système de défense contre le manque de confiance en soi : l'invisibilité.
Il faut dire que je pratique ça depuis toute petite déjà. Je mets mon masque et j'attends que ça se passe, je regarde les autres en me disant qu'ils sont fabuleux et lorsqu'on me pose une question, j'ai tellement peur de dire des bêtises que je réponds "je ne sais pas, demande à x ou y il saura mieux que moi". Je suis une spectatrice.
Cette pratique du masque, je l'ai fait comme toi, sauf que je suis incapable de voir mes réussites et je les imputes à ce masque qui n'est pas moi et je ressens alors un grand sentiment d'imposture. Je suis incapable d'entendre un compliment sans pleurer (c'était dur pour moi d'entendre tes mots concernant l'éducation de mes enfants) tellement ça me touche qu'on puisse percevoir quelque chose de positif de moi alors que j'ai une trouille bleue qu'on me juge.
J'ai en permanence ce sentiment de ne pas être assez.. pas être suffisamment intelligente, originale, créative, drôle, communicative…
Mais tout ça, je le cache tellement bien.
D'abord, j'espère ne pas t'avoir mise mal à l'aise avec la conversation sur tes enfants, ce n'était évidemment pas du tout le but.
Et ça me bouleverse que tu ne voies pas à quel point tu es un être humain merveilleux, courageuse et opiniâtre, douce et forte à la fois, avec de magnifiques valeurs humaines, cuisinière fabuleuse, crocheteuse émérite, la mère que tous les enfants rêveraient d'avoir, et d'une bienveillance à laquelle je ne parviendrais pas même en travaillant d'arrache-pied pendant trois vies d'affilée. Vraiment ça me désole. Tu es bien plus qu'assez, tu es formidable.
Oh non ! Tu ne m'as pas mise mal à l'aise juste énormément touchée. Ma maman me surnommait Jean qui rit, Jean qui pleure, parce que, qu'elle qu'était le sentiment que je ressentais, je pleurais. C'est moi qui t'aurais mise mal à l'aise si j'avais lâché mon émotion 😀
Je vais imprimer ton commentaire et le lire et relire jusqu'à ce que j'accepte tes mots. Merci <3
Oui, oui, imprime-le et relis-le jusqu'à ce que tu aies intégré ça, s'il te plaît!
Comment ne pas intervenir pour te dire que c'est de cela que je vais essayer de me nourrir à l'avenir…J'apprends à être gagnante, j'avance lentement mais grandement. 2 marathon déjà et un temps honorable sur le dernier et la fierte de mon entraineur, un Diplome universitaire en cours et un petit investissement au sein de la FFA pour un championnat de france des 24 h. Cette année est riche et je crois en tout. C'est comme si chaque réussite me permettait d'acceder à l'etage superieur. Je prends tout le benefice, je me grandis.
Je m'inspire de tes activites pour me realiser aussi tout comme des personnes que j aime et qui m entourent. Plus pour la confidence que pour le conseil j ai envie de te dire Merci.
Pourrais tu traduire le texte de ton illustration stp? merci par avance!
"Les doutes tuent davantage de rêves que l'échec ne le fera jamais".
Merci pour toutes ces paroles sincères. Elles m'inspirent beaucoup !
C'est un conseil frappant. Je vais l'écrire pour y penser sérieusement, merci !
J'ai beaucoup réfléchi depuis que j''ai lu ton post. On me fait souvent la réflexion que je suis courageuse ( parce que je prends des décisions pas toujours faciles et que je n'ai pas l'air d'avoir trop peur : s'installer à l'étranger après 35 ans par exemple.).
Mon truc , c'est de me dire ok et qu'est-ce qui va se passer au pire si cela ne marche pas ? est-ce que quelqu'un va mourir ( j'exagère mais à peine). Ou surestime trop souvent les conséquences : bafouiller, perdre ses moyens, se ridiculiser etc. Quand on y pense et alors ? est-ce si grave que ça ?
Je me souviens quand j'ai commencé à conduire et à me rendre dans des endroits nouveau , j'avais toujours peur de me perdre ( époque pré GPS, pré téléphone portable), et puis un jour je me suis dit : et donc si tu te perds qu'est-ce qui va se passer ? Tu as de la marge, tu peux pourras faire demi-tour, demander ton chemin, trouver un plan..
Autre chose, quand vraiment j'ai une décision difficile à prendre, que je fais un saut vers l'inconnu et que j'ai peur et qu'il y a une petite voix qui me hurle de rester dans ma zone de confort ( pas si confortable que cela en réalité) , je me dis ok tu as peur mais si tu ne le fais pas , est-ce que sur ton lit de mort tu ne vas pas le regretter, te dire et si j'avais tenté/essayé ?
Je ne veux pas finir rongée par l'amertume , les regrets. La peur de l'échec n'est qu'un poison paralysant.
Ah et fait pour l'anecdote : jj'ai pratiqué le jeu de rôle et je suis pas loin de penser que cela m'a beaucoup aidé aussi, et que j'en avais peut-être pas pris vraiment conscience jusqu'à ce que tu en parles.
Parfaitement d'accord avec toi, je pratique aussi le "Au pire, si je me plante, qu'est-ce qui va se passer?", et comme je ne suis pas chirurgien du cerveau, le pire qui puisse arriver en général, c'est que je perde un peu de temps ou de sous, ou que mon amour-propre soit mis à m'al (je m'en remettrai).
Merci.
La sensation de l'imposture, je l'ai tous les jours au boulot. En général, je me dis que ce n'est pas la peinz que j'essaye (dans quelque domaine que ce soit) de toute façon, je n'y arriverai pas. Ou comment passer sa vie en spectatrice…
Je ne me sentais pas concernée par ce post car nous ne sommes pas amies (comprendre par là qu’on ne se connaît pas comme des amies se connaissent, désolée pour la maladresse de l’expression ^^) et car tu parles surtout du travail.
Un peu comme toi, mais sûrement pas à ton niveau, je me glisse dans la peau de quelqu’un d’autre, j’apprends quelques expressions toutes faites (détestées mais utiles), je prends note de l’attitude de mes interlocuteurs et au pire, je passe pour une angoissée mais pas incompétente, au mieux, je fais à peu près à très bonne impression. Et le plus fou, c’est que ça marche, donc c’est la raison pour laquelle je ne me sentais pas concernée par tes gentils mots.
Sauf qu’en cogitant, je me suis rendu compte que, pourtant, je parle du syndrome de l’imposteur au bas mot une fois par mois et que j’épuise mes proches avec ça ! Ces compétences que je vends, je les remets en question assez souvent car je suis persuadée qu’elles ne sont pas « en moi », que c’est du jeu.
Sauf qu’au final, ton post me fait comprendre que la fin justifie les moyens : si ça marche sur les gens, je n’ai « plus qu’à » assurer derrière pour ne pas les décevoir. Sur le plan perso, comme les autres lectrices, mon côté fonceur ne se voit vraiment pas autant mais je me guéris : ce n’est pas en restant timorée que les choses me tomberont dans les mains !
Bref, merci pour cette piqûre de rappel bien utile 🙂
(Morgan > sur le fond, j’adhère. Dans la pratique, faut une sacrée dose de schizophrénie (positive) :))