Celui qui n’est pas malade doit assurer sur tous les fronts à la fois, génie domestique, bonne fée de l’administratif, taxi corvéable à merci, oreille compatissante disponible à toute heure du jour et de la nuit. Il doit avoir douze bras, une énergie inépuisable et zéro état d’âme.
Celui qui n’est pas malade doit mettre ses propres envies, ses propres besoins, ses propres projets de côté pour le moment, parce que c’est bien la moindre des choses.
Celui qui n’est pas malade ne peut jamais rien prendre personnellement; il doit toujours garder son calme face aux sautes d’humeur de l’autre et se dévouer entièrement à sa guérison.
Celui qui est en bonne santé se trouve lui aussi otage de la maladie, à un niveau que personne ne reconnaît.
Celui qui n’est pas malade doit faire le relais avec les proches, ressasser sans cesse les mêmes informations médicales, dire « merci » mille fois en réponse aux mêmes formules bien intentionnées – y compris quand son interlocuteur ne pense pas à lui demander comment il va, lui, dans tout ça.
Celui qui n’est pas malade doit rester
fort pour son conjoint. Le porter à bout de bras pendant qu’il
souffre dans sa chair. Sourire et faire preuve d’optimisme pour deux.
fort pour son conjoint. Le porter à bout de bras pendant qu’il
souffre dans sa chair. Sourire et faire preuve d’optimisme pour deux.
Celui qui n’est pas malade est prié de mourir d’épuisement et de trouille en silence.
Tellement vrai !
Parfois, rarement, on tombe sur un livre qui fait écho, un livre qui dit les mots, ceux qui nous hantent, ceux qu'on n'a pas osé écrire, ceux qu'on a préféré ne jamais dire…
Parfois, rarement, on tombe sur un billet…
Merci, mille mercis, Armalite.
C'est exactement ce que doit vivre ma mère en ce moment… Sauf qu'on le voit, nous, qu'elle n'est pas en forme. Mais je rajouterai qu'elle se "sacrifie" volontairement et que, même si ça ne nous enchante pas, on est bien obligé de respecter ses choix.
Ah mais bien sûr, il s'agit d'un sacrifice volontaire… Les conjoints pas volontaires peuvent quitter le navire à ce moment-là. Ceux qui restent et qui encaissent sont quand même un peu des héros.
<3
Celui qui n'est pas malade perd des amis parce que ceux-ci ne comprennent pas qu'il veut à tout prix que le malade aille mieux.
En écrivant ce billet, je pensais à des maladies physiques genre cancer, pas à des troubles mentaux. Dans le cas de ces derniers, je maintiens que lorsque la personne atteinte refuse de se faire soigner (je fais un raccourci pour ne pas entrer dans les détails de ton histoire) et menace sérieusement l'équilibre de son conjoint, il arrive un moment où le meilleur choix pour celui-ci est de se préserver en s'en allant – parce que quel que soit l'amour qu'on leur porte, on ne peut pas sauver les gens malgré eux.
Ma grand-mère maternelle a une forme d'alzheimer et forcément, en te lisant je pense immédiatement à mon grand-père, que je vois comme un héros. Pour lui, c'est hors de question de la placer dans un institut … alors qu'ils ont quand même presque 80 ans tous les deux, et que ça demande une énergie considérable de s'occuper d'une personne aussi dépendante ..! Ton billet est très beau, très vrai, et triste aussi, bien sûr …
Ma grand-mère maternelle a commencé à développer la maladie d'Alzheimer très tôt, j'avais 8 ans. Elle est morte quand j'en avais 20; elle était grabataire depuis plusieurs années et avait perdu complètement la tête depuis bien davantage de temps. Mon grand-père a toujours refusé de la placer; il s'est occupé d'elle jusqu'au bout avec l'aide d'une infirmière qui passait faire les soins tous les matins. Je ne sais pas si je serais capable de ça…