Les renoncements positifs

On ne va pas se voiler la face: vieillir, ce n’est pas drôle tous les jours. Peu à peu, on perd sa ligne, ses illusions, ses proches. La vie nous arrache tout un tas de choses sans notre accord. A côté de ça, il en est d’autres auxquelles on renonce volontairement et pour le meilleur, comme on se débarrasserait d’une mue devenue trop petite pour notre moi plus expérimenté et plus sage. Voici les miennes. 
La clope. Après avoir fumé pendant 18 ans, un jour, j’en ai eu marre de sentir le vieux cendrier. J’ai arrêté presque du jour au lendemain, en m’aidant d’une quantité ahurissante de thé et de chewing-gum sans sucre. Mes proches m’en remercient; ma peau et mes poumons aussi. Aujourd’hui, je suis devenue une de ces ex-fumeuses pénibles qui froncent le nez dès qu’elles hument une vague odeur de clope. 
La junk food. Mon estomac ne digère plus les nourritures trop riches, trop grasses, trop pleines de calories vides. Au début, quand je voyais les affiches représentant les burgers spéciaux du McDo ou du Quick, j’étais encore assez tentée. Comme l’envie de clope, ça m’a passé complètement au fil du temps. Et plus je mange des choses saines, plus j’apprends à les apprécier, plus mon goût se développe et me pousse de toute façon vers des aliments de bonne qualité à la fois gustative et diététique. Une ou deux fois par an, je suis encore saisie d’une brusque envie de KFC. Quand je cède, je mets deux jours à m’en remettre. 
La mode. Fini le temps où je me ruais sur les dernières tendances dans une vaine tentative pour me donner de l’allure. Comme je n’ai pas franchement une silhouette standard, la plupart d’entre elles m’allaient aussi bien qu’un cache-oreilles à un dindon. Au fil du temps, j’ai appris ce qui m’allait ou pas, et dans ce qui m’allait, j’ai trouvé ce qui me plaisait. Résultat: je n’achète plus de chaussures avec lesquelles je ne peux pas marcher, de pulls trop longs ou trop courts, trop près du corps ou pas assez, de jupes moulantes et de robes insuffisamment structurées. J’ai même renoncé à porter des pantalons. Désormais, mes placards sont pleins de babies à talon de 5 cm, de jupes trapèze au genou, de robes patineuse et de vestes cintrées. J’ai moins de fringues, mais je me sens bien dans toutes, et j’ai mon propre style. 
L’approbation générale. Assez jeune, j’ai compris que j’avais le choix entre satisfaire les attentes d’autrui et être heureuse. Même si j’avais été prête à sacrifier mon bonheur aux convenances ou à ce que mon entourage attendait de moi, il se serait toujours trouvé quelqu’un pour me reprocher quelque chose. L’exemple le plus criant est celui des enfants. Vous n’en avez pas? Vous passez à côté de votre vie de femme. Vous en avez un? Un enfant unique, c’est triste: il faudrait lui faire un petit frère ou une petite soeur. Vous en avez deux, mais du même sexe? Dommage. Vous en avez trois? Ouh là, c’est pas un peu irresponsable cette famille nombreuse, par les temps qui courent? Bref, quoi qu’on fasse, on ne peut pas gagner (surtout quand on est une femme, mais ceci est une autre histoire). La seule solution pour préserver sa santé mentale, c’est de s’asseoir une bonne fois pour toutes sur l’avis des gens. La vie n’est pas un concours de popularité, et nul ne peut plaire à tout le monde. Se plaire à soi-même me semble bien plus essentiel. 
La perfection. Psychorigide de nature, j’ai longtemps pensé que tout ce qui méritait d’être fait devait l’être de façon irréprochable. Que mon appartement devait ressembler à un décor de cinéma – ou à un musée. Que la moindre de mes défaillances devait être ruminée jusqu’à ce que dépression nerveuse s’en suive. Et puis, je me suis rendu compte que dans la plupart des domaines, une tâche réussie à 80%, c’est bien suffisant; qu’un intérieur doit surtout être confortable et accueillant – en un mot, vivant; que nul n’est parfait, et que les gens sont bien trop occupés par leurs propres erreurs pour accorder beaucoup d’importance aux miennes. La différence entre mon « bien » et mon « parfait », dans le meilleur des cas, j’étais la seule à la percevoir, et dans le pire, elle faisait juste chier mon entourage. Mon idéal était un carcan paralysant. Relâcher un peu la pression m’a fait un bien fou, et je ne suis pas devenue une horrible souillon ou une je-m’en-foutiste pour autant.
Le matérialisme. Dernier grand renoncement positif en date: l’attachement aux objets. Longtemps, leur présence autour de moi m’a rassurée. J’aimais conserver des traces de tout ce qui m’était déjà arrivé et me sentir parée à tout ce qui pourrait arriver par la suite. J’étais la conservatrice du musée de ma propre vie et la shamane qui tentait d’exorciser concrètement ses propres angoisses – jusqu’à la suffocation. Ca a été un long travail; il n’y a pas eu de gros déclic, mais un travail de lâcher-prise ultra-progressif qui n’est d’ailleurs toujours pas terminé. Peut-être ne le sera-t-il jamais. Mais chaque jour, je m’allège un peu plus, matériellement comme spirituellement – et je me rends compte à quel point les deux domaines sont liés. Je me débarrasse des boulets du passé; j’accepte d’affronter l’avenir sans béquilles imaginaires et sans (trop d’)a priori négatifs; je me libère de tout ce qui m’empêche d’habiter pleinement mon présent. 
Et vous? Quels sont les renoncements positifs que vous avez faits au fil des ans? 

5 réflexions sur “Les renoncements positifs”

  1. Comme toi..la clope et la compréhension de ce que plaire à tout le monde est la meilleure façon de ne plaire à personne..et je m'énerve beaucoup moins vite et moins souvent…je prioritise vachement plus et beaucoup mieux et surtout, j'ai trouvé les codes pour désamorcer les crises (bon, c'est le shopping mais une chose à la fois, hein;-) Et enfin, je cherche désormais la bienveillance chez les autres (et j'essaie de la pratiquer) alors qu'autrefois je cherchais la gentillesse passive (aka l'indifférence et l'hypocrisie) Bisous

  2. J'ai renoncé à vivre seul dans ma grotte.
    Il fut un temps où j'étais heureux tant que je limitais mes interactions aux autres et puis j'ai rencontré ma femme. Elle m'a petit à petit appris que le bonheur ne vaut que s'il est partagé. Je suis devenu beaucoup plus sociable et chaleureux avec autrui et je ne m'en porte pas plus mal.
    Dans le même esprit, j'ai renoncé à l'idée que je ne voudrai jamais d'enfant. Je me suis laissé convaincre et suis aujourd'hui un heureux papa. Etat qui m'a par ailleurs fait renoncer à la cigarette.
    Je m'arrête là mais la liste pourrait être bien plus longue…

  3. J'ai aussi renoncé à la cigarette,, au MacDo, au sucre (ajouté) aux objets, et malheureusement à avoir une famille.

  4. L'approbation générale, c'est fait : quand on est une première de la classe, de toute façon, on apprend vite que les autres ne seront jamais de notre côté quoi que l'on fasse, ça aide à dédramatiser la chose. C'est en bonne voie pour la junk food (merci mon chéri qui me pousse sur la bonne voie) et pour les fringues (merci le petit placard qui limite l'accumulation). Le gros point noir qui subsiste, ce sont les activités, car j'adore faire dix milliards de choses et j'ai beaucoup de mal à me dire qu'il faut parfois faire des choix pour consacrer le temps qu'ils méritent à deux ou trois loisirs plutôt que de m'éparpiller en tous sens, et à essayer, en plus, d'être au top du top dans chaque activité …

  5. Je dirai mon égoïsme de célibataire ^^ qui englobe à la fois une tendance pathologique au bordel, une compulsion dans les achats, une joyeuse irresponsabilité administrative. Ce qui m'a fait changer est moins l'âge que l'homme avec qui je vis. Albertine Sarazin appelait le sien son "outil de perfection". C'est vrai pour moi aussi.

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