Un mois après le tsunami de mars 2011, Fumi, qui était restée terrée chez elle jusque là, fait sa rentrée en terminale dans un lycée de la ville de Fukushima. Elle y retrouve les trois amies avec qui elle a formé le groupe Daisy. Moé, sage fille de député à qui ses parents font apprendre l’origami, joue de la batterie parce que c’est ce qu’elle a trouvé de plus éloigné d’elle. Mayu, issue d’une famille d’agriculteurs, se préoccupe avant tout de son look et rêve de devenir vendeuse au magasin 109, à Tokyo. Aya, fille d’un couple d’aubergistes qui ont changé leur établissement en refuge, raffole de mangas gays et accumule les heures de bénévolat auprès des enfants. Bien que très différentes les unes des autres, les quatre filles sont liées par leur amour pour la musique et par une amitié profonde. Mais la récente catastrophe nucléaire a bouleversé leur univers d’ados insouciantes et mis à mal leurs rêves d’avenir…
Je ne vais pas tourner autour du pot: ce manga en deux tomes de Reiko Momochi est un chef-d’oeuvre absolu. Pour construire son récit, l’auteure s’est appuyée sur les témoignages de rescapés du tsunami et de réfugiés de la région de Fukushima. Résultat: son histoire est criante de vérité, avec des phrases-choc toutes les deux ou trois pages. Elle dit le quotidien des gens confrontés à un ennemi invisible et insidieux – les radiations -, ignorant à quel point leur futur va en être affecté, des gens que le reste du pays traite en pestiférés (le petit ami tokyoïte d’une des fille la largue parce qu’il ne veut pas d’une future épouse en mauvaise santé; les clients du père de Mayu cessent d’acheter son riz pourtant certifié propre et le qualifient d’assassin), des gens partagés entre l’amour qu’ils portent à leur foyer ou leur région et l’envie de s’en aller le plus loin possible, des gens qui s’efforcent de prendre soin des plus démunis qu’eux et font preuve d’une solidarité bouleversante alors même que le gouvernement fuit ses responsabilités et tente de les endormir avec de belles paroles. Reiko Momochi n’est d’ailleurs pas tendre envers les autorités japonaises, qu’elle accuse ouvertement de crime envers la population.
Pourtant, malgré une situation plus que plombante, elle réussit à insuffler une belle énergie à son histoire, à faire fleurir des pâquerettes fragiles mais obstinées dans la terre contaminée de Fukushima. Ses héroïnes gèrent toutes leur angoisse d’une façon différente: submergée par la honte et le chagrin, l’une tente de se suicider tandis que l’autre décide de se battre pour la survie de l’entreprise familiale et la réputation de son département. Afin de ne pas se laisser anéantir par la précarité de leur existence à un âge où elles devraient avoir toute la vie devant elles, Fumi, celle qui se pose le plus de questions, apprend à vivre « ici et maintenant » – à savourer tous les petits bonheurs qui passent à sa portée pendant qu’elle le peut encore. Pendant leur dernière année de lycée, chacune des quatre filles cherche son chemin bien plus encore qu’elle ne devrait le faire à l’orée de sa vie d’adulte. Et même irrémédiablement marquée par la catastrophe, chacune finit par trouver la paix intérieure. Oeuvre forte et émouvante à mettre entre toutes les mains (mais particulièrement celles des grands angoissés comme moi), « Daisy: lycéennes à Fukushima » est une ode à l’extraordinaire résilience de l’être humain et au pouvoir de la solidarité, en même temps qu’une série de beaux portraits de jeunes femmes confrontées à une épreuve dont elles sortent grandies.
J'ai découvert ton blog il y a plusieurs semaines, à la faveur d'un billet mélangeant Jasper Fforde et le Comptoir Florian, deux choses que j'aime particulièrement dans la vie. Depuis, je me régale avec les billets sur tes lectures, romans, BD, mangas… Merci pour ce partage !
Merci à toi pour ce gentil premier commentaire 🙂
Grâce à toi c'est pas maintenant que je vais faire des économies sur les livres ^^
Bonjour, Déesse traductrice de certains de mes livres préférés 🙂
Voilà, merci hein! Je suis pas fan du tout de mangas, du tout du tout. mais j'ai commandé directement les deux tomes… On verra, ça me sortira de la fantasy 😉
Bonne journée.
J'avoue sans honte que les œuvres consacrées à Fukushima me tapent un peu sur le système mais si ma bibliothèque se procure Daisy, c'est avec plaisir que je le lirais.
Peut-être dans le genre, les œuvres de Fumiyo Kōno sont très belles et touchantes.
En allant chercher de quoi nourrir la famille pour les vacances, je suis tombée sur le volume 1 en entrant dans la librairie juste après avoir lu ton article. J'ai pris ça pour un signe et suis partie avec les deux.
J'ai été vraiment très émue au fil des pages et pourtant, en tournant la dernière page le seul sentiment qui me restait de ma lecture était la force. La force d'avancer, d'affronter, de faire avec, de prendre des décisions, etc…
Merci pour cette touchante découverte.
Je l'ai acheté et aussitôt prêté à ma meilleure amie qui l'a dévoré bien qu'elle n'ait jamais lu de Manga avant. Et elle a adoré.
Mag