
Au cours de ma carrière (20 ans en octobre, glups!), j’ai essentiellement traduit des ouvrages de fantasy. Bien qu’une bonne connaissance des armes, des armures et de l’architecture médiévale soit assez utile en la matière, la plupart des termes ayant trait à l’histoire, à la géographie ou à la magie sont inventés par l’auteur, et même si c’est parfois un casse-tête de leur trouver un équivalent français qui sonne bien et qui veuille dire la même chose sans faire trois kilomètres de long, au moins, je n’ai pas peur de raconter de bêtises. Le seul vrai problème, ce sont les traversées en mer : je ne connais strictement rien à la navigation à voile. Avant l’apparition d’internet, j’ai sué sang et eau sur les attaques de pirates ou de monstres marins, ou même les tempêtes entraînant une cascade de manoeuvres toutes plus hermétiques les unes que les autres pour moi.
Et puis, une fois de temps en temps, je traduis un roman qui se passe dans notre monde, et là, j’ai un devoir d’exactitude. Du coup, Google est mon très grand ami, et je n’hésite jamais à faire appel aux connaissances spécifiques des gens de mon entourage. Mon père m’était d’une aide précieuse sur toute les questions ayant trait à la balistique, à la faune et à la flore sauvage (maintenant je galère un peu avec les oiseaux rares). J’ai une copine infirmière que je sollicite parfois pour des questions de vocabulaire médical. Chouchou m’éclaire sur les références cinématographiques obscures pour moi. Dans ma tête, mes contacts Facebook sont classés en fonction de leur secteur d’activité professionnelle et de leurs hobbies: cryptologie, aviation, informatique, biologie marine, biologie tout court, mécanique, latin, psychologie, mais aussi jardinage, bande dessinée, mode, calligraphie, musiques du monde… Pour peu qu’on le leur demande gentiment et que ça ne leur prenne que quelques minutes, la plupart des gens sont ravis de faire profiter les autres de leur expertise. Moi, j’apprends quelque chose au passage et je rends un meilleur travail.
Le roman que je suis en train de traduire est un excellent exemple. Il contient d’innombrables références à l’histoire du vingtième siècle qui m’ont bien fait réviser mes (lointains) cours de terminale, mais son intrigue s’appuie aussi sur quantité de notions de physique dont, dans le meilleur des cas, j’ai déjà entendu le nom barbare sans avoir la moindre idée de ce qu’il recouvre. Si j’essaie de comprendre toute seule, je ne réussis qu’à me coller une grosse migraine. Mais bien que personne ne me demande de savoir tout sur tout, mon éditeur attend de moi que je fasse le nécessaire pour rendre un travail cohérent. Alors avant-hier, après deux heures passées à étudier en vain le principe de fonctionnement d’un rayon laser, j’ai fini par mailer ma traduction du passage qui me posait problème à un vieux copain devenu prof de physique. Je n’avais pas écrit d’horreur, mais il m’a suggéré des corrections qui passeront certainement mieux que ma version personnelle auprès des lecteurs moins ignares que moi.
J’ai déjà dit que ce bouquin est fabuleux, sans contestation possible le meilleur que j’ai traduit en presque 20 ans de métier (re-glups)? Et j’ai déjà dit que je me démenais comme une folle pour boucler sa traduction dans le peu de temps qui m’a été imparti, sans pour autant sacrifier la qualité de mon travail? Je crois que bien c’est la première fois que j’ai peur, oui, peur de ne pas rendre justice à une version originale, peur de ternir sa brillance en la passant au travers du filtre de mon langage. A 8 jours de la date de remise, mon cerveau ressemble à une serpillère piteusement grisâtre que je m’obstinerais à tordre en tous sens chaque jour, et je pense avoir plus de thé que de sang dans les veines. J’espère juste qu’il ne me reste plus de scènes de torture chimique, électrique ou thermique avant la fin.
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Je comprends très bien ce que tu écris. Quand je traduisais des animés, j'avais souvent un mal de chien à traduire quelque chose de potable quand le thème ne faisait pas partie de mon domaine de prédilection. Je devais apprendre tout un vocabulaire étranger à ma sphère d'intérêt comme le baseball, le foot, la mécanique ou encore la biologie.
Google est un ami précieux mais il est vrai qu'avec un bon camarade qui s'y connait, il peut vous expliquer bien plus simplement et avec des mots qu'on peut comprendre.
Je dois dire que ces recherches effrénées, quoique souvent épuisantes me manquent…
En tout cas, on sent bien que ledit bouquin te tient à coeur et rien que de te lire, j'ai fort envie de me plonger dedans. Il faudra nous dire quand la petite perle sortira !
J'ai une totale en confiance en ta réussite. Courage, je sais que tu vas assurer, et j'admire ta conscience morale (et professionnelle !).
Gros bisous !
Pardon Armalite, si tu pouvais supprimer mon message précédent : il contient plein de fautes que je n'avais pas repérées en me relisant. Merci !
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Mayla > ah oui, tu devais être gâtée en sports xD
Sinon, cet article est génialement écrit et génialement illustré.
Il y a aussi les forums de traducteur qui sont bien utiles. Bon, souvent, c'est pour des sujets très industriels, moins glamour que la faune et la flore, mais ce sont quand même de vraies mines d'or, bien que les infos soient à prendre avec des pincettes.
Et le fait d'aller consulter un spécialiste faisait partie de la démarche de mon mémoire de fin d'études. J'étais super heureuse de visiter l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. Bref.
J'espère juste qu'il ne me reste plus de scènes de torture chimique, électrique ou thermique avant la fin.
Ok, tu as fini de me convaincre, je lirai ce livre. En VF. Pour te lire.
…La fin est pire qu'une scène de torture thermo-électrico-chimique. *pleure* *pleure* *pleure*
Je viens de finir de lire un excellent bouquin en VO, un gros coup de coeur, bien écrit et tout, mais avec plein de scènes et de termes de baseball. Je plaignais tellement la personne qui s'est collée à la traduction de la VF (je sais que le bouquin est dispo en français)!
C'est toi qui me tortures, là 😀
Rien que dans The Perks of Being a Wallflower, il y avait déjà trop de termes de baseball pour moi, haha.
D'ailleurs, en feuilletant la VF, j'ai vu qu'il y avait une NdT pour "homerun".
J'imagine ce que ça doit être de traduire des descriptions qui te sont imperméables! Quand je vois déjà comment je galère à produire des articles scientifiques en anglais, alors que l'info prime sur le style (en gros, c'est grammaticalement très basique), je comprends ta douleur!
Mais si à l'avenir tu as besoin d'aide pour ce qui concerne la biologie marine (et en particulier les écosystèmes tropicaux), tu peux me compter parmi tes aides potentielles, je me ferai un plaisir de t'aider! Tu as normalement mon adresse puisque j'ai participé à plusieurs swaps, n'hésite pas à me contacter
Pfiou !
Je l'ai fini hier, et il ne me lâche plus. Si je m'étais écoutée, je l'aurais recommencé immédiatement, pour être sûre de voir toutes les implications, tous les petits détails que j'ai dû manquer dans ma hâte à le poursuivre (et pourtant, je me suis rationnée…).
Je ne savais pas où laisser ce commentaire, j'ai décidé de le laisser ici. Ici où tu parles de ton travail sur ce livre. Car une chose est certaine : si ce livre est si bon, c'est grâce à l'auteur, bien sûr (et j'aimerais bien savoir de qui il s'agit…et où elle est allée chercher tout ça !), mais aussi grâce à toi, sa traductrice ! Combien de bons romans gâchés par une traduction juste passable… bravo à toi ! Et je comprends tout ce que tu nous disais sur les difficultés que tu as rencontrées… et sur ta passion à en venir à bout !
(Mais cette fin, bon sang… )
( Et les vies suivantes ?…)
o/ Je suis ravie qu'il t'ait plu autant qu'à moi! Je crois que le bouquin suivant de l'auteur, que j'ai traduit aussi, sort en octobre sous le titre "Du bout des doigts". Il est excellent aussi, même si j'ai moins aimé la fin.
Je guetterai ! 🙂