Où je réalise que je vais devoir prendre mon mal en patience

J’ai commencé à fumer régulièrement vers l’âge de 17 ans et arrêté définitivement l’année de mes 35. Entre les deux, il y a eu deux ou trois périodes de 6 mois où je ne fumais pas et où je pensais en avoir fini avec la clope, et puis non. La première année après avoir arrêté pour de bon, je taxais encore des clopes à mes potes fumeurs quand on était ensemble. La deuxième année, un peu moins. La troisième année, j’ai tiré deux taffes d’une clope, j’ai trouvé ça dégueu, je l’ai écrasée tout de suite, et depuis, je suis devenue une Nazie de l’anti-tabagisme, la personne qui foudroie du regard et souhaite mentalement mille morts atroces aux fumeurs qui ont l’outrecuidance de s’en griller une à moins de cinq mètres d’elle. 
Pour des raisons à l’époque purement éthiques, j’ai fait une première tentative de végétarisme en l’an 2000. J’ai trouvé ça super dur, parce que je vivais avec quelqu’un qui était capable de s’allumer le barbecue pour faire griller une côte de porc à 23h en rentrant du sport. Aucun soutien moral, et dans les magasins comme dans les restos, pas vraiment d’alternatives satisfaisantes dans ma petite ville de province. J’ai tenu un peu moins d’un an et j’ai capitulé. Il y a deux ans environ, ayant pris conscience de l’impact écologique de l’élevage et des effets nocifs de la consommation de viande sur l’organisme, je me suis mise à en manger de moins en moins, pour arriver à un stade où je n’en consomme plus à la maison – mais encore un peu dehors, quand je n’ai pas choisi le resto ni le menu. J’ai aussi diminué significativement ma consommation de produits laitiers. Je n’envisage pas, à l’heure actuelle, de devenir végane, mais je vais sans doute tendre vers ça au fil du temps. 
Et ce n’est pas quelque chose qui me vient « naturellement », parce que voyez-vous, tout comme j’ai adoré fumer pendant des années, je raffole de la viande, surtout quand elle est rouge et bien saignante, et je vénère le fromage dans toutes ses incarnations. Ne pas en manger, ou très peu, c’est un vrai renoncement pour moi, mais c’est un renoncement que je fais parce que je refuse d’être esclave de mes pulsions primaires, parce que je préfère me priver d’un plaisir éphémère pour être en accord avec mes valeurs et me donner une chance de vivre plus longtemps en meilleure santé. Ca ne marche pas à tous les coups, mais ça devient plus facile avec le temps. Quand je vois comment je me sens ballonnée après un repas fromage, comment j’ai du mal à m’endormir la nuit suivante, je suis chaque fois un peu plus motivée pour miser sur mon bien-être à long terme plutôt que ma satisfaction immédiate. 
Depuis assez longtemps maintenant, je m’intéresse au mouvement que les Américains nomment « Simplify your life » et qu’on pourrait qualifier en français de « déconsommation ». Posséder moins de choses pour être plus libre. Ne pas bosser juste pour se payer une grande maison remplie d’objets inutiles, une belle bagnole histoire de frimer devant les voisins, des fringues et des accessoires de marque parce qu’on le vaut bien (et que sans, on peine un peu à se sentir belle). S’extraire volontairement de la course au matérialisme pour se recentrer sur les rapports humains ou l’accomplissement personnel. Et malgré tous les progrès que j’ai pu faire en la matière, je suis encore très loin d’avoir le style de vie ultra-dépouillé auquel j’aspire. Je m’en rapproche, mais trop lentement à mon goût. Or je ne suis pas quelqu’un de patient; j’aime avoir des résultats rapides, sans quoi je tends à me désintéresser de mon objectif. 
Pourtant, chaque fois que je lis le récit de gens qui y sont parvenus, je constate que pour eux non plus, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Que la transformation a été progressive, et qu’ils estiment que c’est aussi bien, car cela leur a permis de s’habituer petit à petit et d’être vraiment en phase avec leurs choix. Moi, je voudrais me réveiller demain dans un appart’ presque vide, où l’essentiel de mes possessions personnelles non remplaçables tiendrait dans une grosse valise; savoir que je n’ai plus besoin de travailler que très peu pour vivre; pouvoir me déplacer au gré de mes envies sans me sentir attachée à un lieu en particulier. Bref, je voudrais me réveiller libre sans me taper le travail épuisant de limer mes chaînes millimètre par millimètre. Mais comme pour l’arrêt de la clope ou de la viande (voire pour les foutus kilos que j’espérais perdre quand je me suis remise au sport…), je sens qu’il n’y aura pas de raccourci facile et qu’il va falloir transpirer à chaque pas du chemin. 

16 réflexions sur “Où je réalise que je vais devoir prendre mon mal en patience”

  1. Ton post m'a fait penser tout de suite à la citation que nous servait sans cesse un de mes profs de droit à la fac. "Ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin". Hautement exaspérant sur le coup, mais au final, vrai !

    Je te soutiens à fond dans ta démarche, et perso, maintenant, j'estime que tout pas dans la bonne direction est positif, petit ou grand. Je suis donc persuadée que tu vas y arriver 😉

  2. J'ai la chance de vivre avec quelqu'un qui se contente d'une chaise, d'une lumière, d'un bon livre et d'un tiramisu.
    Il est celui qui me recentre lorsque je pars dans tous les sens avec milles envies, il est aussi celui qui tient bon et qui parfois assènes des vérités qui me font grincer des dents, mais que tout au fond je sais vraies.
    Parce que tout au fond, je sais bien que la mur blanc sur lequel je n'ai encore rien posé, que notre salon vide avec notre table de récup' n'est pas ce que nous sommes. Je préfère me construire et être quelqu'un de bien que de construire un environnement qui fait penser que je suis quelqu'un de bien…

  3. Le chemin est parfois long, mais l'essentiel est d'avancer dessus.
    Quand je suis devenue végane, cela ne s'est pas fait en un jour non plus. Dès la seconde où je suis devenue végétarienne (après des années à tendre vers), je savais déjà que pour être cohérente il me fallait devenir végane. La transition s'est faite en deux ans, avec les derniers mois où j'étais végane "sauf la mayonnaise" (une vraie Belge!). Et maintenant, je ne comprends même plus comment j'ai pu avaler du fromage – les produits laitiers étant hautement addictifs à cause de la caséine, et les fromages étant très concentrés en caséine, il fallait surtout s'en désintoxiquer. Comme… la cigarette.

    Je suis également dans un cheminement vers la simplification, et le temps que cela prend me frustre. Le fait que j'aie deux enfants n'aide pas, bizarrement ils ne sont pas aussi sensibles au besoin de rangement…

    L'essentiel est de parcourir ce chemin, car de toute façon quand il est terminé:
    1) il ne l'est jamais vraiment;
    2) un autre se dessinera!

  4. Ca fait plaisir de lire tes réflexions 🙂 Et ça me rassure sur le fait de ne pas être seule à me poser mille questions pour tendre à une vie la plus éloignée possible de la société de consommation. Cela dit, je suis encore loin du compte également.

    Devenir végétarienne a été assez facile. J'ai stoppé la viande rouge du jour au lendemain. J'ai encore consommé un peu de poisson et poulet durant un an.

    Devenir vegan est beaucoup plus difficile, parce que comme toi je raffole du fromage. Surtout que quand je suis devenue végétarienne, j'ai fait la connerie de remplacer la viande par un bout de fromage.

    J'ai d'abord arrêté d'en consommer chez moi et n'en manger qu'à l'extérieur. Avec le temps, je ne pouvais plus en manger sans penser à la vache et son veau derrière le fromage.

    Je ne suis pas une vegan parfaite, il m'arrive encore de craquer pour un bout de fromage. Mais ces craquages sont de plus en plus rares: dimanche dernier j'ai refusé un morceau que me tendait un vendeur au marché pour me faire goûter.

    Te poser toutes ces questions est déjà un avancement; il y a tellement de gens qui se fichent éperdument de l'éthique humaine comme animale.

  5. Vaste débat !
    Je sens que personnellement je ne suis pas prête à la déconsommation complète, même s'il y a quelques minuscules signes (j'achète moins de vêtements et de chaussures). Et je ne me sens pas prête du tout à devenir végétarienne. J'adore manger de tout et c'est un réel plaisir (et oui, je me voile sans doute la face par rapport à certaines choses). Je tente juste de manger le plus possible local et de saison, et des produits frais plutôt que déjà préparés.

  6. Personnellement, il y a tellement d'aliments qui me rendent malade que je ne peux pas en écarter parmi ceux que mon corps tolère. Genre le fromage qui ne semble étonnamment pas trop me poser de souci. Et côté viande, on en mange de toute façon assez peu, la viande rouge encore plus rarement. Mais difficile de totalement l'éliminer vu que ce qui peut la remplacer, entre légumineuses et céréales, c'est justement ce qui me rend malade d'office.
    Néanmoins, on a aussi fait tout un cheminement qui fait qu'on mange pratiquement 100% bio et local, on boycotte les hypermarchés et autres temples de la conso aveugle et on réfléchit à chaque achat. Pas de frustration, juste savoir si ça apporte vraiment quelque chose ou pas. Notre budget vêtements a toujours été très très limité, et le budget cosmétique pratiquement inexistant…
    Reste mon budget livres, toujours important mais où je choisis le lieu d'achat histoire de faire vivre plutôt des petites boutiques que des mastodontes aux dents longues. Et petit à petit, on chemine, on se rapproche de l'artisanal, on découvre de nouveaux concepts, on se pose des questions… Le cheminement me semble effectivement nettement plus important que tout le reste pour que ce soit durable…

  7. Moi j'aime bien l'idée d'"appartenir à un lieu", parce que ça ne m'est jamais arrivé, j'ai toujours déménagé, je n'ai jamais eu de vrai "chez-moi", je vis toujours dans l'idée que je vais devoir encore partir, et il y a au contraire pour moi quelque chose de réconfortant à l'idée qu'un endroit est "le tien", que tu y as tes amis, ta famille, des souvenirs d'enfance… Mes souvenirs d'enfance sont en Allemagne, et jamais je ne pourrais retourner dans les cités où j'ai grandi puisque qu'elles ont toute été détruites :)J'aimerais au contraire de toi pouvoir un jour défaire ma valise pour de bon 😉

  8. Dites les filles, je ne cherchais à culpabiliser ou à convertir personne par rapport au végétarisme; je l'utilisais seulement comme exemple pour illustrer le fait que les grands changements se font de manière graduelle (chez moi en tout cas).

    Melle Mars: mais tu sais quoi, il y a plein d'endroits où je me sens chez moi. J'ai laissé des bouts de moi (Jean-Jacques, sors de ce corps…) dans toutes les villes où j'ai vécu. Et j'aime bien ça, d'être d'un peu partout! Si je voudrais être capable de vivre dans ma valise, c'est justement pour qu'encore plus d'endroits dans le monde deviennent un peu chez moi 🙂

  9. Armalite : j'avais bien compris ton post comme un exemple de chemin qui se découvre mètre après mètre. Désolée si j'ai donné une autre impression. Mais justement ça répondait aussi à mes propres interrogations (sur le végétarisme notamment) et changements entamés ces dernières années.
    Et là aussi, c'est au bout de quelques années qu'en se retournant, on voit qu'on a finalement bien plus changé de manière de vivre et d'aborder le monde qu'on aurait pu le croire… Avec cette impression d'être de plus en plus en décalage avec les autres, en contrepartie…

  10. Je me sens parfois en décalage avec le reste du monde; par contre je me rends compte que mon entourage évolue avec moi, c'est-à-dire qu'au fil du temps, je m'éloigne des gens avec qui je n'ai plus grand-chose en commun pour me rapprocher d'autres personnes qui partagent, au moins en partie, mon cheminement. Du coup je ne me sens jamais isolée dans mes choix 🙂

  11. J'ai commencé à lire, il y a quelques mois, des livres et des blogs sur la déconsommation, à partir d'expériences comme celle de Tammy Strobel.

    J'ai trouvé là plein d'idées stimulantes et j'ai réfléchi à ce que je pouvais/voulais faire dans cette direction. Je suis particulièrement sensible à l'idée qu'on ne cesse jamais d'apprendre et que ça vaut le coup de passer du temps à enrichir notre personnalité, notre culture, notre sensibilité, nos émotions plutôt que notre compte en banque.

    J'ai adoré toutes ces réflexions ! Contrairement à ce que tu écris, je n'ai pas du tout envie de me réveiller un jour avec un appart' presque vide. Au contraire, j'aime beaucoup l'idée d'avancer, de comparer avec ce qu'étaient mes aspirations il y a seulement quelques mois et de constater le chemin parcouru. Une invitation à trier sa bibliothèque et à ne pas conserver autant de livres apparaissait comme un sacrilège à mes yeux. Désormais, j'envisage cela avec sérénité, j'ai vendu, donné, partagé beaucoup de livres et gardé ceux que j'ai déjà relus au moins une fois. Et chaque petite étape de ce genre me réjouit énormément.

    Donc je dirais volontiers qu'on transpire un peu à chaque pas, mais que chaque pas est aussi un moment bien agréable…

  12. Rha, les livres, c'est ce qui me pèse le plus! Un de mes grands rêves quand j'étais petite, c'était d'avoir un jour une pièce-bibliothèque remplie d'étagères sol-plafond avec une petite échelle… J'ai fait fabriquer cette bibliothèque il y a dix ans, et autant elle me ravit par certains côtés, autant elle me plombe parce que si je dois déménager, elle représentera 80% du volume de mes affaires personnelles (je ne compte pas les meubles qui n'ont aucune valeur sentimentale pour moi). Pourtant, petit à petit, moi aussi je me débarrasse d'une partie de mes livres – ceux dont je sais que je ne les relirai pas et ne les consulterai plus jamais, ceux qui sont uniquement là pour "faire beau" ou témoigner de ma vie de lectrice. Mais en termes d'arrachement, c'est encore pire que les vêtements ou les chaussures. Et comme je suis allergique aux liseuses, je ne peux même pas numériser cette bibliothèque pour la réduire à une tablette de moins d'un kilo…

  13. Je ne suis pas concernée par la cigarette, ni par la frénésie de shopping mais ce terme de cheminement progressif me parle vraiment ! Notamment niveau alimentaire, je mange bien plus varié et équilibré qu'à 18-20 ans… Si on m'avait dit à l'époque que je consommerais du lait de soja et que je m'éclaterais à tester des aliments en vrac au magasin bio, voire à bidouiller des trucs pour fabriquer des produits ménagers/cosmétiques sans saletés dedans…!

    Le fait d'avoir des enfants (et l'augmentation progressive, elle aussi, de mes revenus) a été un déclic, il faut bien le dire, donc chapeau à ceux cheminent pour trouver un moi qui leur correspond sans ce genre de coups de pouce.

    Ah, et les liseuses : J'en utilise pour le boulot, et je trouve franchement pas agréable.

  14. Bonne continuation 🙂

    J'ai arrêté la viande il y a 2 mois… sauf le poisson et les fruits de mer. Ce n'est absolument pas cohérent, mais pour l'instant, je ne me sens pas prête. Comme toi, j'aime la viande (surtout la charcuterie – je n'ai jamais aimé le porc et le poulet – le foie gras et le canard) mais petit à petit, j'ai lu des bouquins, regardé des docus et écouté des gens, et je me suis dit que ce n'était plus possible de participer à cette boucherie mondiale.
    Bien sûr, il faudrait aller au bout de ses convictions (manger 100 % bio (du vrai !), être vegan), mais contrairement à ce que beaucoup prétendent, cela nécessite un certain train de vie, que je n'ai pour l'instant pas .

    Je ne suis pas aussi impatiente que toi – d'après tes posts – mais pas non plus d'une patience folle, mais j'y crois, parce que les bonnes personnes m'ont "inculqué" le bon état d'esprit : ne pas se mettre la pression, ne pas culpabiliser toute seule. Et ça marche, facilement. Entre le moment de la prise de conscience et aujourd'hui, il s'est passé 2 ans.

    Pour ce qui est de la déconsommation, j'ai l'impression que c'est une réflexion qui touche beaucoup de gens au profil similaire au nôtre. Notre société approche sans doute d'un point de saturation. A l'heure actuelle, je ne cherche pas du tout à vivre dans l'austérité – ne serait-ce que les livres, toujours eux 😀 – mais à faire des choix raisonnés, au cas par cas ("je craque cette fois, ça ne fait pas de moi un monstre, je ferai gaffe la prochaine fois" ou "non, j'ai déjà craqué, hop, on oublie"). Encore une fois, aller tout de suite aux extrêmes, c'est à mon sens foncer droit dans le mur et retomber de plus belle. Petit à petit, c'est plus facile et ça peut être tout aussi gratifiant. Bref, je ne cherche pas à lutter comme d'autres luttent contre la technologie, juste à ne pas me laisser entraîner et utiliser mon cerveau de temps à autre.

  15. Moi ce que je retiens, c'est que 35 ans est p'têt bien l'âge magique pour un vrai arrêt du tabac 😉

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