Je me plains toujours de l’absence de vie culturelle digne de ce nom à Monpatelin. Pour une fois qu’il y avait une expo d’un photographe que j’aime, je ne pouvais pas rater ça (même si j’ai failli, pour la seule raison que je ne connaissais pas son existence avant qu’un ami qui en revenait justement la signale à mon attention).
« Rivages » rassemble près d’une centaine de photos en noir et blanc dont les plus anciennes datent de la fin du XIXème siècle et les plus récentes du début des années 1950. Toutes ont en commun d’avoir été prises au bord de l’eau: à Hyères, à Cannes ou à Nice, à Biarritz, à Trouville ou à Etretat. Il est d’ailleurs amusant de constater combien l’ambiance diffère selon qu’on se trouve sur les plages de Méditerranée ou de l’océan Atlantique.
Jacques Henri Lartigue photographie la mer étale ou les flots déchaînés, tire le portrait à ses amis ou aux femmes de sa vie. Certains de ses clichés, comme cette baigneuse assise de dos près d’une cabane de plage en toile rayée, auraient pu être pris aujourd’hui; d’autres sont fermement ancrés dans leur époque. Au fil du temps, on voit les maillots de bain éclaircir et diminuer, jusqu’à finir par dévoiler un sein coquin. Les voitures font leur apparition en nombre sur les accotements. Et on est frappé par la qualité technique que l’artiste parvenait à obtenir avec un matériel qui ferait pleurer de rire n’importe quel propriétaire d’iPhone.
Pour la petite histoire, comme je m’approchais de l’accueil pour demander si j’avais le droit de prendre des photos (réponse: non, car l’oeuvre de Lartigue est entrée dans le patrimoine national), j’ai entendu un homme d’un certain âge s’exclamer sur un ton furieux qu’il ne supportait pas l’artiste, parce que c’était honteux de s’être cantonné à photographier la classe bourgeoise en villégiature au bord de l’eau pendant que des soldats mouraient au front et qu’il aurait pu descendre dans les tranchées pour témoigner de leur sort. Aurait pu? Peut-être. Aurait dû: pourquoi? Heureusement que les artistes étaient et sont encore libres de choisir le sujet qui les inspire… En tout cas, si vous êtes dans les parages et que vous supportez qu’un photographe ne soit pas forcément taillé dans le bois dont on fait les grands reporters de guerre, allez donc goûter le charme suranné de ces « Rivages ».
Jusqu’au 29 septembre à la
Maison de la photographie
Rue Nicolas Laugier
(face à la place du Globe)
83000 Toulon
Entrée libre
Fermé le dimanche et le lundi
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