Trois jours chez ma mère

Illustration empruntée ici
Succédant à un mois de mars très difficile pour cause de disputes multiples avec Chouchou, de météo pourrie et de fatigue généralisée, ce long week-end chez ma mère a bien failli m’achever. D’abord au sens propre quand, vendredi après-midi, je l’ai emmenée conduire pour voir si elle était prête à se lancer seule. La réponse est non. J’ai failli mourir de frayeur dans le gros rond-point juste avant l’Auchan de Balma: elle s’y est engagée sans tenir compte du fait qu’une voiture prioritaire arrivait déjà dans la file intérieure, puis s’est déportée sur la file extérieure sans mettre son clignotant ni vérifier si la voie était libre. Pour l’autonomie du déplacement, il va encore falloir attendre quelques mois et pas mal d’heures avec son moniteur d’auto-école. 
Ca encore, j’aurais pu m’en remettre puisque nous avons évité l’accident. Par contre, quand elle est devenue hystérique après que ma soeur lui a fait une remarque tout à fait anodine sur l’utilisation du GPS et qu’à onze heures du soir, elle s’est enfermée dans sa chambre pour sangloter et hululer à la mort en parlant aux cendres de mon père, j’ai eu un peu de mal. Quand elle m’a réveillée en sursaut  à quatre heures du matin en hurlant des bordées de jurons, ça n’a pas été évident non plus. Elle nage en plein délire paranoïaque, se croit agressée par tout le monde, prend mal tout ce qu’on lui dit et passe son temps à casser du sucre sur le dos des gens qui lui rendent service, considérant qu’ils n’en font jamais assez pour elle. Personne n’est épargné: ni la famille qui la porte à bout de bras, ni les voisins qui pourraient très bien la laisser se débrouiller seule, ni les amis de mon père qui font pourtant preuve d’une extrême gentillesse envers elle. 
Nous avons suggéré qu’elle voie quelqu’un pour l’aider à passer ce cap difficile. Et alors qu’en temps normal, elle serait plutôt ouverte à l’idée de raconter sa vie à un inconnu payé pour l’écouter se plaindre, maintenant qu’elle en a le plus besoin, elle refuse catégoriquement. Elle veut qu’on la laisse gérer son deuil à sa façon (mal, donc). Son trip du moment, ce sont les fantômes du passé, les secrets de famille, les choses négatives héritées des ancêtres. Parce que bien sûr, c’est plus facile de blâmer ceux qui ne sont plus là que de se remettre en cause soi-même. Et autant je comprends et compatis à son chagrin d’avoir perdu mon père, autant j’ai du mal à supporter la personne fielleuse et histrionique qu’elle est en train de devenir. J’espère que c’est seulement une réaction temporaire due au deuil, et pas sa véritable nature qui vient de se révéler…

15 réflexions sur “Trois jours chez ma mère”

  1. oh misère… je reconnais beaucoup de traits de caractère "habituels" de ma mère dans ce que tu décris et à 37 ans je n'ai toujours pas trouvé la "bonne" façon d'être et de communiquer avec elle. je l'aime profondément mais je ne la supporte pas, c'est une situation très compliquée, qui me fait toujours culpabiliser, même si j'ai bien avancé sur la question. je m'en sors vaille que vaille en habitant depuis plusieurs années à 800 km d'elle,je me suis un peu "adoucie" en devenant moi-même mère (de deux filles, je suis pas sortie de l'auberge et de ces histoires mère/fille hein…) mais chacune de nos "retrouvailles" est éprouvante (et là, j'y pars dans trois jours, justement…) allez,courage, je crois qu'il va nous en falloir encore à toutes les deux 🙂

  2. En effet, c'est assez culpabilisant comme situation. Vis-à-vis de ma mère, mais aussi de ma soeur et de mon beau-frère qui se retrouvent à devoir la gérer seuls malgré une vie par ailleurs déjà très bien remplie. Je pense que mes mauvais rapports avec ma mère sont une des (multiples) raisons pour lesquelles je ne me voyais pas devenir mère à mon tour. Bon courage pour ton séjour à venir…

  3. C'est ainsi qu'a réagit ma grand-mère après la mort de mon grand-père il y a 3 ans, aujourd'hui elle a fait le vide autour d'elle a force de maltraiter les gens qui voulaient l'aider. Lorsque j'y vais, parfois ça se passe bien, parfois c'est juste insupportable, un calvaire surtout pour mon chéri dont ce n'est pas la famille. J'espère bien sûr qu'il n'en sera pas de même pour ta maman et que vous réussirez à la convaincre de voir quelqu'un ou de trouver un moyen d'évacuer sa rage de façon plus saine. Elle est probablement plus jeune que ma grand-mère et a donc plus de chance de s'extirper de là je pense.
    Bon courage surtout à toi et a ta soeur.

  4. Nekkonezumi (Ed)

    Les pièces de l'échiquier ont bougé, les rapports vont se modifier. Moi je suis optimiste et veux penser que c'est un temps d'adaptation. Mais je vois bien tout ce que ça a de difficile malgré tout. Hug hug pour toi.

  5. Je te souhaite plein de courage, ce sont des moments très durs à vivre. Ma grand-mère nous a fait ça quand mon grand-père a été hospitalisé. Il lui servait de soupape et tout a pété…on a découvert que ce que l'on croyait un trait de caractère difficile à vivre était en fait une pathologie psy…après un séjour en HP et maintenant qu'elle est sous traitement, elle est juste gentiment "chiante" et pas délirante et elle est plutôt autonome (pour une dame de 87 ans). N'hésitez pas toi et ta soeur à vous faire épauler pas un médecin de famille qu'elle écoutera peut être plus facilement que vous, et qui aura plus de recul.
    Des bisous et du courage.

  6. Sa douleur lui fait "péter les plombs", mais je crains bien hélas que ça ne passe qu'avec l'aide d'un professionnel…sinon elle peut rester bloquée longtemps dans cet état d'esprit. Car la douleur, c'est d'une certaine façon encore un lien avec le disparu qui nous manque…. 🙁

  7. Pas facile. Toute ma sympathie.

    Peut-être qu'un projet (un déménagement, un voyage, une activité qu'elle avait délaissée…) lui redonnerait de l'élan ?

    L'idée de passer par le médecin de famille pour trouver de l'aide a souvent marché dans mon entourage. C'est moins intimidant que d'envisager un puy et ça soulage tout le monde.

    Bon courage !

  8. Ma mère refuse de déménager, ne voyagera jamais seule et n'a aucun hobby. Sa principale occupation quand elle ne garde pas mes neveux, c'est regarder TF1…

  9. Une grosse cargaison de câlins, en espérant que ce ne soit qu'un cap à passer…

  10. mamzellecarnetO

    Oh l'enfer… 🙁 courage, c'est dur de voir ta mère comme ça et dur à supporter. Heureusement que vous êtes deux, ta soeur et toi (oh, je te croyais fille unique !)

  11. Et si c'était seulement exprimer sa colère!
    colère contre son mari qui est parti;
    colère contre ceux qui lui veulent du bien mais ce qu'elle veut, c'est retrouver sa vie d'avant;
    et suggestion:si tu lui disais juste"maman, je sais que tu es en colère et tu as le droit de l'être parce-que c'est injuste;j'entends ta colère mais je n'y peux rien.
    Personne n'y peut rien;
    elle entendra peut-être pas tout de suite mais elle entendra…
    Essaie situ le peux et laisse venir;
    et bon courage

  12. Je suis de tout coeur avec toi, je me reconnais tellement dans les relations que tu décris (ma mère a les mêmes activités que la tienne) et la culpabilité que tu ressens (et que ma mère a le chic d'entretenir). Ma soeur a baissé les bras et coupé les ponts depuis longtemps, et je suis seule à gérer ma mère depuis, et c'est très très dur.
    J'espère ne pas lui ressembler et je ferai tout pour ne pas être un boulet pour mes enfants plus tard.
    Je t'embrasse fort et j'espère que l'on se verra bientôt !
    antonia

  13. Bon courage à vous tous, toi, ta mère, ta sœur et ton beau-frère.
    Je ne sais pas quoi dire d'autre, ne vous connaissant pas et n'ayant pas de proche au caractère similaire.
    Des bises.

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