La peur ne m’a pas empêchée de quitter le domicile familial à 17 ans.
Ni de démissionner d’un boulot qui me donnait envie de me suicider tous les matins en me levant, même si je n’avais pas la moindre idée de ce que je ferais ensuite. Et, alors que tout le monde me prédisait une catastrophe, de tourner complètement le dos à mes études afin de me lancer dans une profession pour laquelle je n’avais aucun diplôme, avec un statut réputé hyper précaire à l’époque.
Ni de divorcer d’un homme avec qui j’étais malheureuse, et de partir sur un coup de tête refaire ma vie aux Zuess (ce qui a été un gros échec, mais on ne peut pas gagner à tous les coups).
Ni de sauter en parachute ou de passer mon brevet élémentaire de plongée sous-marine alors que je déteste l’eau et que je pleurais de trouille quand l’instructeur a annoncé qu’un des exercices consistait à enlever le masque sous l’eau, à le remettre et à le vider sans remonter à la surface: j’étais persuadée que j’allais me noyer. Mais je l’ai fait.
De manière générale, je suis une grande angoissée, mais je ne laisse pas la peur me contrôler et m’empêcher de faire ce que je veux de ma vie. Si j’ai très envie de quelque chose, je fonce. Les tripes nouées, souvent, mais je fonce. J’ai pris quelques gamelles spectaculaires en procédant ainsi. Il m’est aussi arrivé de décrocher la lune, juste parce que j’avais bien voulu croire que j’en étais capable.
Mais cette peur qui me ronge depuis la mort de mon amie Brigitte, il y aura cinq ans au mois de mars prochain, je n’arrive pas à en venir à bout. La peur que tout va s’écrouler bien trop tôt et sans crier gare. La peur que moi ou mes proches allons être trahis par notre propre corps et arrachés les uns aux autres. La peur, non pas de la mort que j’assimile à un néant bienfaisant, mais de la souffrance physique et morale, de l’hôpital, de l’impuissance et du désespoir. La peur de voir dans les yeux des gens que j’aime qu’il vaudrait mieux que je parte maintenant; la peur d’éprouver cela moi-même vis-à-vis de quelqu’un d’autre.
Et cette peur est plus que légitime, avec la maladie et le récent décès de mon père. Elle n’a pas que de mauvais côtés, puisqu’elle me pousse à observer scrupuleusement toutes les mesures de prévention connues et à adopter une hygiène de vie aussi saine que possible. Elle m’incite également à ne pas remettre à demain les petits plaisirs que je peux m’offrir aujourd’hui, à être reconnaissante pour ce que j’ai et à en profiter un maximum.
Mais j’en ai assez de vivre avec cette angoisse permanente. Chaque matin, quand Chouchou part au travail, j’ai des visions d’accidents de la route sanglant, et je me dis que c’est peut-être la dernière fois que je l’embrasse. Chaque soir dans mon lit en attendant le sommeil, je fais l’inventaire des sensations de mon corps qui pourraient être le symptôme d’une maladie fatale ou au minimum tellement invalidante que tout le monde m’abandonnerait. Entre les deux, je serre les dents, j’essaie de penser à autre chose, et dix fois par jour je ravale une bile au goût métallique.
J’ai déjà essayé beaucoup de choses pour venir à bout de cette peur certes légitime, mais improductive et nuisible à ma qualité de vie. L’EMDR n’a rien donné; les anti-dépresseurs ont été un remède salutaire sur le coup mais, à terme, presque pires que le mal. J’ai eu plus de succès avec le yoga et la méditation. Je ne fais plus de crises de panique depuis 2 ans, même si parfois ça passe encore très près. Mais le problème est loin d’être résolu.
Mon cerveau rationnel sait qu’appréhender une chose ne l’empêche pas de survenir: ça empêche juste d’être heureux avant la catastrophe. Mon cerveau reptilien voit désormais le monde comme un endroit hostile, infesté de pièges, de chausse-trapes, de centrales nucléaires prêtes à exploser et d’armées de crabes en embuscade. Mon cerveau rationnel tente de le convaincre qu’un drame n’est pas obligatoire, mais mon cerveau reptilien n’a pas d’oreilles, et il refuse de se laisser amadouer.
Si j'avais su écrire, j'aurais décrit mes peurs tel que tu l'as fait.
Je suis une femme volcanique et pourtant tenaillée par la peur.
Cette peur est ma compagne depuis aussi loin que remonte ma mémoire.
Je suis en psychanalyse depuis quelques temps:
cette peur ne me suis plus comme une ombre, je commence à la voir en face.
Mon travail aujourd'hui, consiste à me trouver une autre compagne de vie: la légèreté ou confiance sont les bienvenues.
"la peur n' évite pas le danger" ce proverbe est le favori d'une de mes anciennes collègues. Indéniablement, il est frappé du coin du bon sens. Mais enfin, que peuvent la logique et la raison contre ces peurs ataviques ? Pour ma part rien. Ma famille paie depuis plusieurs générations un lourd tribut à la mort.guerre, maladie, accident..si mes enfants arrivent à l'âge adulte avec leurs 2 parents, ce sera la.première génération en un siècle…
Le yoga n'a rien donné pour moi, je crois avoir trouvé un début de solution avec le systema (art martial russe), nous verrons.
Je connais pas la sérénité, je crois toujours entendre.le bruit des pas de la mort qui rôde.parfois à tort mais ( trop) souvent à raison.
peut-être pourrais-tu essayer PH ? Nous avons passé plusieurs séances à détricoter toutes mes peurs et angoisses, et en fin de compte, ça m'a fait beaucoup de bien. J'arrive à relativiser beaucoup plus.
Bisous en tous cas !
Je ne sais pas si tu as lu le Jardin d'Epicure d'Irvin Yalom. Peut-être y trouverais-tu quelques pistes intéressantes pour toi.
Moi c'est ton point 2 qui me tenaille en ce moment, j'ai mal aux ventres tous les matins quand je dois aller bosser et je pleure en rentrant… A suivre !
Ces mots me parlent beaucoup. J'admire sincèrement ces personnes qui parviennent à affronter leurs peurs et à avancer sans les laisser prendre le contrôle.
Pour ma part, je suis une flippée de la vie depuis… toujours, et j'ai dû finir par me faire aider médicalement pour reprendre un peu les choses en main. Panique et maux de bide au supermarché, en allant au ciné, chez le coiffeur, à la moindre sortie, sans aucune raison valable, juste des foutues angoisses qui ne servent à rien. Pas de voyage possible sous peine de semaines d'angoisse avant, de douleurs physiques, de paniques culpabilisantes parce qu'on gâche aussi la vie de son entourage.
C'est d'autant plus dur de se pourrir la vie toute seule quand tout va bien et qu'on a tout pour être bien…
Bref, bravo pour avoir osé malgré les peurs. Le courage, c'est justement quand on a peur et qu'on y va quand même…
En lisant ton article et les commentaires qui l'accompagnent, je me sens moins seule. Moi aussi, j'ai peur par anticipation et ça me bouffe la vie. Je suis dans un mode de fonctionnement "échec" et je travaille dessus mais comme elle m'accompagne depuis que je suis enfant, autant dire que c'est difficile de changer de mécanisme de pensée. Et pourtant, comme toi, j'ai bien conscience que ça me bouffe la vie sans que ça change grand chose sauf, effectivement, m'empêcher d'être heureuse. Je m'y efforce parce que je me rends compte que la peur m'amène plus de problèmes qu'elle n'en résout.
Et malheureusement, je n'ai pas les moyens de me payer de la sophrologie (qui est efficace paraît-il). Merci, en tout cas, encore une fois, pour ce texte qui fait écho à mon parcours et à mon ressenti.
J'aime bien quand vous me dites que vous aussi, ça vous fait ça… Enfin, je ne me réjouis pas que vous ayez vous aussi ce problème. Mais je me sens moins seule, et c'est déjà quelque chose.
Hello toi, pas mieux chez moi. Chaque fois que je descends les escaliers, je m'imagine le crâne fracassé sur la dernière marche (et je monte et descends souvent….), chaque fois qu'Olivier arrive en retard, que mes amis ou parents partent de la maison etc… C'est comme un point de vue constant et négatif sur les choses. Cependant chaque jour me prouve que je me trompe, je me dis qu'à force, je vais finir par retrouver un peu d'optimisme. Dans mon cas, la kinésiologie a franchement aidé, ainsi qu'une psy spécialisée dans le cancer, juste parce que parfois, ça fait du bien d'être simplement écouté quand on a la trouille, sans solution, sans préjugés, sans conseil…
Attrape ton cerveau reptilien, fais-lui la peau et fais-t-en une paire de chaussures!
Accessoirement, essaie un peu de sophrologie (ou tout autre technique basée sur la respiration). Je trouve ça souverain.
Je lis tes articles et je m'arrête sur celui-ci en particulier. Je ne sais pas d'où te viennent tes peurs ni d'où viennent les miennes non plus. Mais c'est vrai qu'elles ont le don de nous empoisonner l'existence. Je suis bluffée par toutes les grandes décisions que tu as réussies à prendre dans ta vie… Il m'arrive d'être tétanisée par des petites choses ridicules et insignifiantes, si un jour tu trouves un moyen d'améliorer la gestion de tes peurs ou à les dissiper, je serais vraiment doublement ravie de le lire…
Je crois qu'il n'y a pas de remède miracle, juste un long travail sur soi… Je ne suis pas sûre d'en voir le bout un jour, mais je continue à chercher une amélioration.
T'es vraiment pas toute seule. Je suis une grande flippée de la vie, depuis que…j'ai l'âge de m'en rendre compte je pense, même quand j'étais gamine. Je vais même pas te dire combien d'accidents de voiture j'ai imaginés, et je me suis tapé quelques belles crises d'angoisses en mode hypocondrie.
Et chaque fois que je fais quelque chose malgré la frousse, j'ai l'impression d'avoir déplacé une montagne.
Tout ça pour te dire qu'en plus, pour la première fois de ma vie, à peu près, j'ai pas trop peur de l'avenir, c'est merveilleux (je pense que mon corps me récompense de mes bonnes décisions) et que le pire, si tu savais le nombre de personnes qui me reprochent ne pas avoir assez peur maintenant !