J’ai cueilli ce brin de bruyère

Le lundi 3 septembre au matin, ma soeur ne s’est pas réveillée à l’heure prévue pour me ramener à la gare de Toulouse. Quand elle a débarqué chez mes parents, je n’ai eu le temps que pour un au revoir bâclé, serrer dans mes bras mon père si frêle dans sa robe de chambre et lui dire: « Je vous appelle ce soir en arrivant à Monpatelin ». 
La semaine dernière, j’ai eu mes parents trois fois au téléphone. Une première fois brièvement, le mardi, pour leur annoncer que j’étais bien arrivée à Monpatelin (de Bruxelles, cette fois). Mon père sortait de chez son oncologue; ses marqueurs stratosphériques la fois précédente avaient bien rebaissé même s’ils restaient très élevés. Du coup, il avait une bonne voix et semblait assez content. Une seconde fois le mercredi en milieu de journée, parce que je flippais un peu après le verdict de surtension dans les deux yeux posé par ma nouvelle ophtalmo et que je voulais interroger mon père sur ce problème hérité de lui. Une dernière fois dimanche soir. Je ne sais même plus de quoi on a parlé. Les orages sur Monpatelin, un peu. Et quoi d’autre? Ma mémoire me fait défaut. On est pourtant restés au téléphone 20 minutes; je m’en souviens parce qu’en raccrochant, j’ai regardé la pendule et je me suis dit: « Pile poil en dessous de mon forfait mensuel d’une heure ».
Ce soir, à 23h39, notre téléphone fixe a sonné à Bruxelles. Nous étions déjà couchés, en train de lire. Chouchou est allé décrocher au salon. Je l’ai entendu prononcer le nom de ma soeur. Puis il est venu m’apporter le combiné qu’il m’a tendu sans un mot. J’ai demandé: « Que se passe-t-il? », mais au fond de moi je le savais déjà. Il me m’a pas répondu, et c’est ma soeur qui m’a annoncé: « Papa est parti. Tout à l’heure. Il était sur le canapé avec maman; il était faible et il avait des difficultés respiratoires depuis sa dernière chimio jeudi dernier. Il a serré la main de maman et essayé de dire quelque chose, puis il s’est arrêté de respirer. »
Il n’a pas eu mal. Il est mort paisiblement chez lui. C’est tout ce à quoi je veux penser pour le moment. Depuis le début de sa maladie, j’étais hantée par des visions d’hôpital, lui sous respirateur, chaque souffle une torture. Voire lui prenant son fusil de chasse et partant seul dans la campagne pour se faire sauter la tête. Il n’a pas eu mal. Il est mort paisiblement chez lui. Il n’a pas eu mal. Il est mort paisiblement chez lui. A répéter autant de fois que nécessaire. 
C’est bête la vie. Après avoir vu « Camille redouble », comme tout le monde, je m’étais dit qu’il faudrait que je filme mon père. En fait, je pensais déjà depuis un petit moment à l’enregistrer, mais j’oubliais toujours de demander à Chouchou si c’était possible de capturer une conversation vocale sur Skype. Là, j’avais décidé de faire un petit film à Noël prochain, avec mon appareil photo. Discrétos, sous couvert du souvenir de famille. Je crois que j’ai un film du Noël juste après la naissance de Cahouète, il y a six ans. J’espère. Je le saurai la prochaine fois que je redescendrai à Monpatelin. 
Normalement, j’aurais dû être à Toulouse cette semaine. Mais j’avais décidé de remonter directement à Bruxelles parce que vendredi, c’est l’anniversaire de nos 6 ans avec Chouchou, et que j’avais pris mes dispositions pour fêter ça dignement. Je ne vais pas me torturer avec des remords inutiles. Mais quand même. 
Ce soir – ou hier, car il est maintenant près d’une heure du matin -, nous avons regardé un épisode de série télé dans lequel un des personnages principaux mourait. J’ai haleté et même versé quelques larmes. Et puis je me suis moquée de moi-même, disant que je ramollissais en vieillissant. Mais quand j’ai appris la nouvelle de la mort de mon père, mes yeux sont restés secs. Mes mains ont tremblé, mon coeur s’est glacé, mais je n’ai pas pleuré. 
Je ne doute pas que ça viendra. 

Sauf exception, les commentaires sont désactivés. Si vous voulez poursuivre la conversation, je vous invite à le faire sur la page Facebook du blog.

69 réflexions sur “J’ai cueilli ce brin de bruyère”

  1. Je sais que ce ne sont que des mots… qu'ils n'effacent pas la peine, ni l'étau dont les dents serrent ton coeur… mais, je suis sincèrement triste de lire cette nouvelle et je te souhaite beaucoup de courage. Mes pensées vont vers toi et ta famille que tu nous racontes si bien.

  2. raccroche toi à cette pensée qu'il n'a pas souffert et qu'il n'est pas parti seul à l'hopital dans une chambre anonyme. c'est peu mais ça t'aidera sans doute
    après viendront les autres pensées, l'absence, le vide laissé, les premières fois sans lui, mais ne laisse pas les regrets t'envahir et ajouter à ta peine
    des bises et des pensées même si l'on ne se connaît pas

  3. Un petit message de soutien d'une inconnue en attendant le renfort des habituées. Mes condoléances et beaucoup de courage à toi et ta famille.
    Skuld

  4. J'ai beaucoup pleuré en lisant ton post. Mon papa est parti le 3 juillet 2008 de la même façon, en tenant la main de ma maman.

    Je pense très fort à toi, à ta famille, àa ta maman, à tes neveux.

  5. Toutes mes pensées t'accompagnent en ce moment si douloureux. Puisses-tu trouver un peu de réconfort dans le souvenir de toutes les qualités que ton père t'a transmises.
    Bretonne en mal de pluie

  6. Je te sers bien fort virtuellement, mes pensées sont avec toi et avec vous.
    Si tu as besoin quoi que ce soit (de sucré, de virtuel ou de concret) n'hésite pas.

  7. Je te souhaite bon courage pour traverser ces moments terribles et douloureux. Comme tu le dis, il est mort paisiblement, chez lui, sans violence. Tu lui as parlé récemment. Tu ne l'as pas filmé ni enregistré, mais si tu l'avais fait, tu aurais trouvé un autre acte manqué, on en trouve toujours…
    Pensées.

  8. j'écris et j'efface, on est tellement maladroit dans ces cas là alors je vais simplement te remettre ce que j'ai instinctivement écrit une première fois : Je t'embrasse très très fort,

  9. Je suis désolée, pour toute votre famille. Vraiment. Tout le reste semble vain. En pensées avec vous

  10. Chère Armalite,

    Je sais que les relations bloguesques sont parfois à sens unique, notamment quand les lecteurs ne prennent pas la peine de laisser un message.
    Mais cette fois, je ne peux pas rester silencieuse et je tiens à te dire que je suis vraiment désolée. Ton texte si beau et si digne m'a profondément émue, tu poses des mots que ce que j'ai peine à imaginer…
    Je te souhaite beaucoup de courage et de force; ce que j'ai pu découvrir de toi à travers tes articles au fil des années m'assure que tu n'en manques pas.

    Lolibris

  11. Oh Armalite, les mots sont si peu de choses devant un tel chagrin. Ce matin je pleure devant l'écran de mon ordinateur et toutes mes pensées convergent vers toi. Mon commentaire me semble inutile mais il fallait que je te dise que je pense à toi.

  12. Que dire quand tout sonne creux… Des mots d'une banalité affligeante, mais qui pourtant viennent du coeur. Mes pensées vous accompagnent en ces heures sombres… Courage.

  13. Comme entendu dans "Grey's anatomy", il existe un club très particulier des gens qui ont perdu leur père, et je suis désolée que tu en fasses désormais partie. Il est mort paisiblement et il n'a pas eu mal. Tu oublies de dire "entouré de l'affection des siens", et c'est essentiel, je pense. Tout ce que tu as fait pour lui est très beau. Courage, je pense fort à toi. Contre la tension oculaire et le glaucome, on prescrit du cannabis. En ces temps suspendus, un petit spacecake pourrait tomber à point…

    Isa (W)

  14. J'ai hésité à écrire ce commentaire car après tout, que dire. Je ne suis qu'une lectrice anonyme qui ne trouvera pas de mots pour t'apaiser. Il n'y en a pas de toute manière.
    Lorsque j'ai ouvert ce billet je ne m'attendais pas au contenu. Au fil des lignes j'ai eu les larmes aux yeux et je me retrouve là, penaude devant mon écran, à chercher une manière de te témoigner ma sympathie dans ce moment douloureux.
    Je ne trouverai pas de mots, peur d'être maladroite, je le suis trop souvent.
    Là, quelque part, il y a une fille aux yeux mouillés qui regarde le ciel gris par sa fenêtre.

  15. Mes pensées vont vers toi, plein de tendresse et de courage pour ces moments difficiles….bisous….

  16. Mes pensées de soutien vont vers toi en ces moments difficiles. Beaucoup de courage. Ne gardes en mémoire que vos doux moments à deux.
    Amitiés
    Fiorile

  17. Princesse Audrey

    Je pense très fort à toi. Je sais que c'est dérisoire. Mais je suis là. Tu sais que tu peux m'écrire si tu en ressens l'envie.
    Bisous.

  18. Bonjour Armalite, je lis régulièrement votre blog depuis quelques temps et je n'ai jamais pris la peine de commenter vos articles. Je ferai une exeption pour celui-ci en vous témoignant toute ma sympathie et mon soutien, à vous ainsi qu'à vos proches, dans cette terrible épreuve. Votre papa avait l'air d'être quelqu'un de très courageux. Céline

  19. sylvie-québec

    Armalite, je suis si désolé pour toi et ta famille…je ne te connais pas ni ta famille d'ailleurs mais j'ai fondu en larmes en te lisant…je pense à toi dans cette dure épreuve….

  20. Que dire, à part toutes mes condoléances.
    J'espère que tu arriveras le plus tôt possible à vivre avec ce deuil.

  21. Comment trouver les bons mots pour dire à quel point je suis désolée? En connaissant la fragilité de sa santé, tu auras pris le temps de le voir plus souvent avant qu'il parte, profité davantage des moments passés ensemble. Je sais que mes mots sont faibles, maladroits et je ne te cache pas que je ressens un certain malaise à les exprimer, mais je suis certaine qu'il est parti heureux. Mes sympathies à toi et à ta famille. Amitiés,
    Arielle

  22. Je ne sais que te dire… D'autres en parleront sans doute mieux que moi. Toutes mes pensées t'accompagnent *calin*

  23. Toutes mes condoléances…Le seul remède sera le temps, mais aussi l'amour que ton entourage te porte et celui que tu portes aux tiens. En tout cas, ton papa est certainement parti heureux et dans son environnement quotidien, c'est un privilège et une pensée qui pourra peut-être t'apaiser dans ces temps difficiles.
    Marie

  24. Je ne vois pas mon commentaire de ce matin mais qu'importe.
    Je n'ai pas les mots justes, j'aimerais seulement te dire que je pense fort à toi, à ta soeur et à ta maman aussi. Et à ton papa, qu'il repose en paix.
    Je trouve très beau la façon dont il est parti, en douceur, près de ta maman, même si cela reste cruel et injuste.
    Je t'embrasse fort fort fort.
    antonia

  25. Je ne sais pas trop quoi dire, sinon que je suis désolée et que toi et ta famille avez toutes mes sympathies…

  26. L'image qui me vient est celle d'un homme plein d'humour et avec un extraordinaire sens de la répartie. Le portrait qui s'est dessiné au fil de tes billets est aussi celui d'une très belle relation entre un père et sa fille.
    Toutes mes condoléances.

  27. J'ai appris ce matin, alors que je me dépêchais de partir travailler. Ma seule pensée avant que les larmes me montent aux yeux a été "Non…". J'ai voulu t'envoyer un message, une tentative de petit mot de soutien, trop hâtive, maladroite. Ce soir, je me suis dit que je trouverais peut-être un peu plus les mots… mais je ne parviens qu'à avoir les yeux humides.
    Alors je ne peux que réitérer. Tu as tout mon soutien à distance, et je pense fort à toi *Câlin*

    Mélusine

  28. je n'arrive pas à publier à cause d'un bug : j'espère juste ne pas me répéter . Douces pensées pour toi et tes proches *hug*

    Virkane

  29. Etrange, mon commentaire de ce matin n'est pas passé mais cela est bien dérisoire. Mais je voulais juste que tu saches que je pense très fort à toi aujourd'hui. Les larmes viendront sans doute et ton chéri saura être là pour toi et t'entourer du mieux possible. Je t'embrasse et te transmets de douces pensées.

  30. Je ne le connaissais qu'au travers des petits mails rigolos et sceptiques qu'il t'envoyait quand il recevait tes colis,j'aimais bien…
    Courage à toi dans cette épreuve.

    ANNESO

  31. Chère Armalite,

    Je suis une lectrice de l'ombre depuis des années, et je te laisse un petit mot aujourd'hui pour te témoigner toute mon affection. J'aimais lire les mails sarcastiques de ton père 🙂
    Coline

  32. Je t'envoie mes plus douces pensées pour t'accompagner, toi et ta famille, dans cette triste épreuve.

    Bises

    Murielle

  33. Je ne sais jamais quoi dire lors d'un décès car pour moi, tout sonne creux dans ces cas-là, alors je ne vais rien te dire, mais je ne le pense pas moins. Hugs and kisses.

  34. Pascaline Loricourt

    Je suis désolée d'apprendre ça. Toutes mes condoléances à toi et ta famille. J'espère que vous surmonterez tous ces moments difficile avec courage et que le soleil reviendra vite dans vos coeurs. Des bises.

  35. "Et moi je te le dis
    J'ai peur pour les vivants
    Les tiens, les miens, tous ceux que j'aime
    L'autre jour, c'était moi que l'on mettait en terre
    Et je me regardais n'être plus rien
    Je dis tu as mon amitié
    C'est un appel à l'aide
    Je saigne dans ce carrefour des cent mille routes,
    J'ai peur
    Oh s'il se peut que quelqu'un me tire en arrière
    Seulement d'un quart de seconde
    Pour soulager le coeur."
    J. Bertin

    Tendresse
    JC

  36. J'ai cueilli ce brin de bruyère
    L'automne est morte souviens-t'en Nous ne nous verrons plus sur terre
    Odeur du temps brin de bruyère
    Et souviens-toi que je t'attends

    Mes pensées sont avec toi
    Isa

  37. Tu as eu de la chance d'avoir connu un père aimant et drôle, il a eu de la chance d'avoir une fille aimante et proche de coeur. Courage à toi et ta famille.

  38. Depuis que j'ai lu ce post hier, je ne cesse d' y repenser, de penser à toi, à ta famille. Je n'ai pas osé laisser de message tout de suite,j'écris peu ici même si je te lis chaque jour : crainte d'être "déplacée" (on ne se connaît pas vraiment,etc…) et puis aussi difficulté à trouver les mots pcq j'ai perdu moi aussi des personnes chères de mon entourage à cause de cette foutue maladie (un petit bout de deux ans seulement et une collègue/amie précieuse) Alors voilà, juste ce petit mot pour te dire que même si on ne sa connaît pas "pour de vrai", ta peine je la comprends "pour de vrai" et je la partage, de loin, par écrans interposés, même si c'est un peu étrange, même pour moi…
    Géraldine

  39. J'ai les larmes aux yeux en lisant ton post. Ça me touche d'autant plus que je sais que le mien ne tardera pas non plus à cause de ses maladies.
    Toutes mes condoléances <3<3<3

  40. Je suis sincèrement désolée pour toi, bon courage à toi et à toute ta famille pour supporter cette douloureuse épreuve. je t'embrasse.

  41. Chère Armalite
    J'ai arrêté de commenter sur les blogs parce que je n'ai pas assez de temps pour le faire correctement.
    Mais tous les jours je viens voir ce qui se passe chez toi et hier dès les premières lignes j'ai tout de suite compris que quelque chose de grave venait d'arriver. Les coups de fil tard le soir ou tôt le matin je connais et c'est rarement pour annoncer de bonnes nouvelles.
    Mon père est parti un 16 octobre, quatre ans après la tristesse immense a fait place à une drôle de douceur, un apaisement, je sais où il est, en paix et sans douleur, distribué dans le cœur de tous ceux qui l'aimaient.
    On n'est jamais prêts à voir mourir un parent, même quand c'est attendu, on est happé et stupéfait.
    Je te souhaite beaucoup de forces pour affronter les jours prochains et je t'embrasse bien fort.
    Puise le réconfort partout, tu en as bien besoin.

  42. Mon coeur s'est serré en lisant ton post ….
    On ne se connait pas en IRL mais je t'envoie plein d'ondes positives et plein de courage pour les jours qui arrivent !

  43. Je n'ai pas beaucoup de temps pour répondre individuellement à chacun de vous. Mais sachez que je lis tous vos petits mots et que, venant de personnes connues, de lectrices de longue date ou de gens qui se manifestent pour la première fois, ils sont TOUS appréciés. Merci, du fond du coeur.

  44. On ne se connaît pas mais en tant que lectrice fidèle, je veux que tu saches que je pense à toi.

  45. Hier je n'ai pas pu t'écrire autre chose que des petits cœurs… Je pensais que ce serait mieux aujourd'hui mais pas vraiment, les larmes coulent toutes seules… On ne se connait qu'au travers de la blogosphère et quelques échanges de mails, mais je pense fort à toi et à tes proches durant les prochains jours…
    Je garderai le souvenir d'un papa plein d'humour !
    Big hug
    L@ure

  46. Je penses fort à toi depuis hier, la nouvelle de ta détresse m'a frappée au réveil, je suis triste pour toi.
    Si tu as besoin de quoi que ce soit, de te changer les idées, de pleurer un bon coup, de te lâcher, n'hésite pas, nous sommes là, pour toi. Avec toutes mes pensées et plein de tendresse.

  47. Bonsoir,
    Je ne peux que te présenter mes condoléances les plus sincères. Te lire est devenu une évidence pour moi et ce qui te touche me touche. Courage et merci pour tout ce que tu m'apportes.
    Marc

  48. Mon papa est parti presque comme le vôtre, cette année(même maladie)… beaucoup de courage à vous.

  49. Mes plus sincères condoléances et mes pensées vous accompagnent dans ces moments difficiles.

  50. Chère Armalite, je viens juste de voir "Camille redouble" et je n'ai pas cessé de penser à toi durant le film. Je comprends mieux tes mots, ton désir de capturer ce souvenir fugace que devient la voix des personnes chères qui nous ont quittées.

Les commentaires sont fermés.

Retour en haut