Illustration empruntée ici
Déjà neuf jours que tu nous as laissés, papa, et j’ai encore un peu de mal à réaliser. L’aller-retour express à Toulouse pour tes obsèques est passé comme un mauvais rêve, et je suis revenue à un quotidien qui n’a guère changé somme toute. Je pleure devant « How I met your mother » pendant une scène entre Lili et son père finalement pas si irresponsable. Je consacre un peu de temps à des formalités qui peuvent être traitées à distance. Je téléphone à Soeur Cadette et à maman pour leur demander si ça va. Je n’ai plus personne à qui m’adresser si dans une traduction, j’ai un doute sur l’habitat naturel d’un oiseau ou le fonctionnement d’un fusil de chasse. A part ça, tout est affreusement, miséricordieusement pareil. Il y a toujours des deadlines de boulot à tenir, des livres à lire, un couvre-lit à terminer, des repas à préparer, des lave-vaisselle à ranger, des arbres qui rougissent sous la pluie d’automne.
Hier, j’ai failli faire une attaque de panique après avoir cherché « glaucome » dans Google, et je m’en suis voulu de laisser mon angoisse atroce de devenir aveugle oblitérer mon chagrin l’espace de quelques heures. Mais peut-être n’était-ce pour mon esprit qu’une façon pas très subtile de faire diversion, de me forcer à rester dans le présent et une certaine projection vers l’avenir. Tu disais que la vie, c’est pour les vivants – alors même que tu étais le premier à te laisser bouffer en silence par les remords et les regrets que t’inspiraient les défunts. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. J’essaie, papa. J’essaie vraiment. Je n’ai rien changé à mon programme des semaines qui viennent. Je vais remplacer les meubles du salon comme prévu, passer quelques jours à Barcelone pour refaire le plein de soleil et prendre les mêmes photos que des millions d’autres touristes avant moi. Mais sur la carte postale que j’enverrai à Votrepatelin, il n’y aura plus que le nom de maman.
Je pense très fort à toi. On se voit quand tu veux si tu repasses par là, j'ai envie de te serrer fort contre moi. Je suis en train de relire les Queen Betsy que j'avais découverts grâce à ton blog, parce que j'ai envie de faire un truc joyeux qui me permette d'être à tes côtés. Gros bisous.
La vie continue…
(une chose est sûre: ma maman n'est pas devenue aveugle de son glaucome, si ça peut te rassurer)
Audrey: je redescends pour Noël, je ne sais pas si tu seras dans les parages, mais si oui je te rencontrerai volontiers.
Sunalee: mon père non plus, mais je le déclenche vraiment beaucoup plus tôt… en principe ça se manifeste à partir de la cinquantaine.
Ton texte est empli d'amour, c'est très touchant.
Lorsque mon Grand-Père est décédé il y a 6 mois, j'étais à l'autre bout du monde et n'ai pas pu accompagner ma famille. J'ai ressenti beaucoup de tristesse, mais "pas autant que j'aurai dû": j'étais physiquement loin de mes proches et de leur peine, temporellement en décalage avec eux, dans l'incapacité pratique de les appeler quand j'en avais la possibilité.
J'étais sous le soleil dans un environnement paradisiaque, entouré d'amis, avec un boulot prenant qui m'occupait l'esprit à 99%… J'ai après coup ressenti beaucoup de honte et de chagrin de ne pas avoir eu plus de peine. Ça m'a éclaté à la figure alors que, un mois plus tard, j'écrivais une carte postale à ma grand-mère pour prendre de ses nouvelles… L'habitude d'écrire "à l'adresse de Mr et Mme Joseph B." m'a fait prendre conscience que Mr Jospeh B., mon Grand-Père, n'était plus. J'ai fondu en larme. Et la carte n'est partie que quelques jours plus tard, après avoir pris conseils auprès de maman sur la formule adéquate à utiliser: un sobre "à l'adresse de Mme Marguerite B." qui me fend le cœur.
C'en est presque absurde, ce quotidien qui n'a pas changé, qui veut et doit reprendre ses droits. Je suis de tout coeur avec toi, Isa.
<3
Tu vois Armalite, 4 ans après la mort de mon père, quand je retourne où habite désormais seule ma maman je dis toujours je vais chez mes parents.
Et j'ai mis longtemps avant d'effacer son n° de portable, il adorait recevoir des sms tard le soir car il souffrait d'insomnie.
Je ressens très fort chaque mot de tes beaux textes sur ton papa, si simples et si vrais.
Et réciproquement.
Ca m'énerve, je sais pas quoi dire et pourtant, j'ai mal pour toi.
Je serai là toute la première semaine des vacances de Noël (du 22 décembre au 1er janvier… après, c'est Normandie), donc je te rencontrerai avec plaisir (et trac). La perspective de te rencontrer enfin me fait très plaisir. Gros bisous !
Et moi je serai là du 20 au 30, donc on arrivera sûrement à goupiller quelque chose 🙂
Armalite, bon courage (que tu as d'ailleurs en grandes quantités).
Depuis ton annonce, j'ai toujours un peu peur avant de venir sur ton blog. Et à chaque fois, je découvre et redécouvre tes si beaux textes et j'admire ta manière d'être. Ton père a vraiment de quoi être fier.
Quand mon grand-père est mort, il y a bientôt 5 ans, j'étais à l'étranger aussi. Je faisais mes études, c'était un mardi, le jour des disserts' en allemand, celui que je détestais. Le matin, je cherchais un énième prétexte pour sécher les cours mais je n'aurais jamais voulu dire à mes profs que je rentrais à Paris car mon grand-père était décédé. Et pourtant, 5 heures plus tard, j'étais parmi ma famille, en train d'appeler toutes les administrations et de rédiger des lettres à la pelle… 5 ans plus tard, on me fait parfois remarquer que je parle de lui au présent. Or, ce n'est "que" mon grand-mère, pas encore mon père.
Mon père est toujours là et il doit avoir à peu près le même âge que le tien, malgré notre différence d'âge. Je l'appelle pour un rien, quasiment tous les jours, je passe le voir 2 fois plus souvent qu'avant, alors que lui-même ne s'inquiète pas trop de son polype nasal. Il doit se demander quelle mouche m'a piquée.
Du coup, quelque part, je te suis reconnaissante de tes textes car ils me font prendre conscience qu'on peut toujours être plus proche des gens et les aimer toujours plus.
Enfin, je sais que tu n'as à peu près rien à fiche de ma vie, tu as bien assez à faire avec la tienne, mais je t'offre mes pensées les plus sincères, te soutiens et te remercie.
PS : c'est bizarre, il y a quelques mois, juste lorsque j'ai découvert ton blog, il était question pour mon compagnon et moi de visiter Bruxelles-Bruges et je me disais "ah mais c'est la-ville-d-Armalite".
Maintenant, j'ai vraiment un week-end qui se profile à l'horizon, on a encore remis Bruxelles (sans Bruges) sur le tapis, qui a encore triomphé de Copenhague et Londres, mais je viens tout juste de me rendre compte que j'irais dans "ta" ville. Dans ma tête, tu étais encore à Tonpatelin (je ne sais pas comment se décline le nom de ta ville natale).
Les gentilles paroles de soutien sont les bienvenues, c'est une erreur de penser que je n'en ai rien à faire. Et je me réjouis si ce que j'écris peut pousser des lecteurs à se rapprocher encore davantage de ceux qu'ils aiment.
Si tu viens à Bruxelles, n'hésite pas à cliquer sur le tag "Bruxelles" dans un de mes posts pour découvrir un tas de bonnes adresses qui ne figurent pas nécessairement dans les guides touristiques 😉
Rhôoo la la, j'ai les larmes aux yeux à la suite de ton billet. Je ne suis pas très douée pour m'exprimer, mais je suis de tout coeur avec toi.
Et merci de nous faire prendre conscience que le temps qu'on passe avec nos proches (parents et autres) sont des moments précieux qu'il faut savourer.
Merci beaucoup,
Gros bisous
A chaque fois que je lis un post dans lequel tu parles de ton père, ça me retourne, tu ne peux même pas imaginer à quel point…
Pourtant j'ai encore mes 2 parents et ils ne sont pas "malades" (juste les petits tracas de leur âge)…
Mais je crois qu'en fait ça me projette le jour où l'un des 2 va disparaître… Et ça m'angoisse grave !
Je ne suis pas certaine d'avoir ton courage par rapport à tout ça…
Je t'envoie pleins de soutien "virtuel" ❤❤❤
Je le disais il n'y a pas longtemps dans un autre billet: quand on n'a pas le choix, ce n'est pas du courage! Profite bien de tes parents et ne pense pas à plus tard: les mauvais moments arrivent toujours trop tôt et ce n'est vraiment pas la peine de les anticiper, sauf en s'assurant qu'on n'aura pas de regrets.
Oui tu as raison… Biz