Cher marchand de sable,

On a toujours eu une relation plutôt houleuse, toi et moi. Petite fille, déjà, je m’abritais de ta pluie de sable sous mes draps où je lisais à la lueur de ma lampe torche jusqu’au milieu de la nuit. Forcément, les réveils à 7h le lendemain étaient un peu rudes. Une fois étudiante, quand je n’ai plus eu personne pour m’imposer un couvre-feu, j’ai pris l’habitude de veiller tard et de sécher souvent le premier cours du lendemain. Les premières années de ma vie professionnelle, je faisais la fête dans les caves d’Aix-en-Provence un soir sur deux et j’arrivais à mon vilain boulot salarié morte de fatigue quelques heures plus tard. Une fois devenue travailleuse indépendante, rien n’a plus bridé mon tempérament d’oiseau de nuit. Je bossais jusqu’à une heure du matin, me couchais au lever du soleil et me levais rarement avant midi. Je ne m’en portais pas plus mal. 


C’est quand je me suis mise en ménage avec un marin dont le réveil sonnait à 6h et qui piquait du nez devant la télé à partir de 22h30 que les choses se sont corsées. Puisque mes horaires étaient plus malléables, j’ai essayé de me caler sur les siens, mais sans succès – une source de conflit supplémentaire s’ajoutant à une liste déjà bien trop longue. Je me suis mise à prendre des somnifères certes efficaces, mais qui flinguaient ma mémoire à court terme d’une façon assez affolante. Ca a continué comme ça pendant plusieurs années. Au moment où je suis venue rejoindre Chouchou à Bruxelles à temps partiel, j’ai réussi à me désintoxiquer petit à petit… puis il y a eu la mort de Brigitte, le début de mes attaques de panique, la mise sous anti-dépresseurs qui m’abrutissaient seize heures par jour, et juste quand j’ai réussi à les arrêter, le diagnostic de mon père. 


Tu ne peux pas savoir combien j’envie ces gens bénis de toi qui s’endorment à peine la tête posée sur l’oreiller pour se réveiller frais et dispos dès potron minet. A force de lutter pour recouvrer (ou découvrir…) un certain équilibre intérieur, j’ai fini par résoudre plus ou moins mes problèmes chroniques d’endormissement et par arriver à me caler sur des horaires vaguement normaux, à défaut d’être très matinaux: extinction des feux vers une heure du matin, lever à 9h sauf les jours où je suis assez motivée pour m’extraire du lit quand Chouchou s’en va, vers 7h30. 


Mais là, ça fait quelques semaines que je recommence à me payer des insomnies. Oh, je sais très bien pourquoi, va. Le prochain scanner de mon père approche, et il précèdera de peu ma visite annuelle chez la gynéco – toujours une immense source d’angoisse même si je ne suis pas assez idiote pour m’y dérober. Et puis, le thé au jasmin dont je raffole au point d’être tout énervée si je n’en bois pas une petite chope le soir après le repas ne doit pas aider beaucoup. N’empêche que. Pour la première fois depuis plus d’un an, j’ai pris un Xanax ce soir, et je ne dors toujours pas. Cher marchand de sable, je sais que j’ai longtemps résisté à tes ministrations, et je conçois que tu me l’aies ensuite fait payer pendant des années. Mais je pense t’avoir largement remboursé ma dette, et avec des intérêts encore. Alors, si tu voulais bien ne pas m’oublier lors de tes prochaines tournées, je t’en serais très reconnaissante. 


Merci, bisous. 

10 réflexions sur “Cher marchand de sable,”

  1. Oh mon dieu comme je te comprends. Je suis une insomniaque chronique depuis une dizaine d'années et ça ne me lâche pas. Ces derniers temps même, c'est pire. Je compatis tellement !!! Courage !

    Bises

  2. Bon j'espère que tu dors…
    Mais à ton réveil : tu as essayé l'acupuncture ?
    Bis
    L@ure
    PS: depuis la dernière version de l'IOS d'Apple j'arrive plus qu'à commenter en anonyme… Grrrr!

  3. J'ai perdu le sommeil en tombant malade. Avant, j'étais l'équivalent humain de la marmotte, maintenant, je suis très contente si le week-end, je me réveille à 9h. je rêve d'une nuit complète. POur m'aider, j'ai pris des compléments alimentaires, je me calme en respirant façon yoga et j'attends que la nuit passe. Un jour, peut-être, cela reviendra.

  4. Pour le sommeil, j'ai un peu (beaucoup, même) le même historique que toi, et un cerveau qui refuse de s'éteindre. Parmi les choses qui m'ont aidée (pas de miracle, mais des progrès) :
    * La respiration yogique ou, un peu similaire, une technique de relaxation basée sur la respiration, conseillée par un psychiatre : repenser à un moment de total bien-être et rappeler un a un chacun des sens (i.e. à cet instant, quelles odeurs avais-tu dans les narines, quels goûts sur ta langue, quelles sensations sur ta peau, quelles images devant tes yeux, quels sons dans tes oreilles). Pour chaque sens, une inspiration sur 3 secondes et une expiration sur 6 secondes, en respirant bien par le ventre. Cette technique marche très bien aussi pour calmer les crises d'angoisse (dont l'amplification est due à un déséquilibre de l'oxygène dans le sang, déséquilibre que la respiration permet de rééquilibrer).
    * Les huiles essentielles. Pour moi celle qui a fait le plus d'effet, c'est la bergamote, mais je pense que la camomille romaine ou la lavande doivent être pas mal non plus. J'adore l'odeur de bergamote, elle calme l'anxiété et, en plus, cela me donne une sensation sur laquelle me focaliser (ça m'évite de laisser mon esprit dérouler des tas de pensées qui n'ont rien à faire là à ce moment).
    * Je vis maintenant en bord de mer et le bruit des vagues m'aide aussi. Avant, je me contentais de l'imaginer, et ça m'aidait aussi. Je crois aussi qu'il existe des masques de sommeil avec sons intégrés, je voulais en acheter un justement pour cela.

    Bonne chance !

  5. Je te comprends très bien, je me force à des horaires "normaux" mais si je me laisse aller je me couche vers 2, 3, 4h du matin pour me réveiller vers midi…! Comme je tiens, ou que je suis obligée, à me lever tôt, j'évite thé et coca dès 17h et j'essaie de faire un petit "rituel" : démaquillage, brossage de dents, crémage de pieds…espérant ainsi dire à mon cerveau "allez c'est l'heure d'aller au lit"! Bon après pour les angoisses, je connais aussi et malheureusement pas de solution, désolée!

  6. Tu as toute la compassion d'une autre victime des aléas des tournées sableuses…
    (un snif de lavande au quotidien dans le lit, je me dis qu'au pire ça sent bon si ça ne sert à rien)(ah et je me force à me sourire un coup aussi, encore plus méthode coué)

  7. Le sommeil est une bien drôle de chose… J'ai longtemps dormi comme un bébé mais depuis quelques années, j'ai de nombreuses et fréquentes insomnies. Elles ont l'air en grande partie psychologiques parce qu'après une séance de massothérapie et énergétique, elles s'atténuent. De même, depuis que j'en ai discuté avec ma psy et qu'elle a fait une courte séance d'hypnose, cela va mieux… J'espère que cela va durer.

    A part cela, j'évite tout thé après 16h (peut-être pourrais-tu trouver une autre boisson qui te réconforte le soir – il suffit parfois de réussir à casser une habitude) et j'utilise de temps en temps un spray aux huiles essentielles spécial sommeil et relaxation vendu en pharmacie (Pure essentielle ??).

    Je te souhaite de bonnes nuits !

  8. Comme je te comprends ! Le marchand de Sable et Morphée m'ont longtemps oubliée, en fait je pense qu'ils ne savent même pas que j'existe.
    Depuis que j'ai quitté la restauration, je réussis plus ou moins à m'endormir à la même heure. Je pars me coucher vers 23h30, je regarde un épisode d'une série quand ça va bien, deux ou trois quand ça va plus mal. Je ne peux m'endormir que devant mes séries ou un film. Il faut que ce soit assez captivant pour que mon cerveau soit happé mais pas trop pour pas l’exciter… C'est pas génial mais au moins je suis régulée et je ne prends pas de médicaments. J'essaie aussi de ne pas modifier mes horaires même en vacances ou mes jours de congés. quand je suis très nxieuse/angoissée je bois de la tisane style Be cool de Kusmi dont j'adore le gout. J'ai l'impression que ça aide un peu…

    Courage!

  9. Je n'arrive pas à remplacer mon thé, car je déteste les tisanes… Quant aux huiles essentielles, elles me donnent toutes envie de vomir! Mais bon, je pense que c'est temporaire et qu'il suffirait que je me recadre un peu pour retrouver des horaires de sommeil normaux.

  10. Je vois ce que tu veux dire, depuis quelques mois, les insomnies ont refait leur apparition chez moi (pour des raisons que je ne connais que trop bien, moi aussi). A 17 ans, j'ai fait une dépression : entre autres symptômes, des crises d'angoisse en pleine nuit… J'avais peur d'aller me coucher, je ne sais pas si tu connais ça. Supprimer les excitants (théine, caféine), c'est à mon sens une goutte d'eau, quand je vais bien cela ne m'empêche pas de dormir, là n'est pas le problème. Sauf à s'assommer de somnifères, ma foi… En tout cas, il y a les insomnies supportables (celles où on peut lire, regarder des séries) et celles où on rumine, où toutes les angoisses surgissent, en prenant des proportions délirantes. J'espère que tu retrouveras vite le sommeil…

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