Autopsie d’un week-end

Avant
Samedi matin, je laisse Chouchou et son ami Gianluca descendre le vieux meuble télé pour l’emporter chez Troc International. Je les regarde négocier l’escalier plutôt raide et étroit de l’immeuble avec des visions de marche ratée et de crâne éclaté sur le palier du dessous. Quand Chouchou rentre, nous filons chez Pêle-Mêle où je veux me débarrasser d’un sac de bouquins déjà lus, et où je réussis à en trouver 3 autres qui figuraient sur ma liste « à acheter ». Puis cap sur Ikea pour acheter les deux buffets bas destinés à maximiser l’espace de rangement contre le mur face au canapé. Il fait une température négative et un beau ciel bleu; en regardant défiler les arbres jaunes-orange-rouge sur le bord de la route, je pense que c’est une journée parfaite pour la chasse, et mes larmes coulent en silence. 
Bien entendu, nous sacrifions à la tradition qui veut qu’on ressorte TOUJOURS de chez le Suédois avec quelques merdouilles supplémentaires: en l’occurrence, un tapis de douche antidérapant car ça m’arrangerait de ne pas me péter le coccyx dans les jours qui viennent – ni même jamais -, un valet de douche pour remplacer le nôtre qui est tout rouillé, un nouveau panier à linge sale car l’ancien vient de rendre l’âme, et deux mugs blancs que je veux décorer avec un feutre à céramique. En sortant, je me dis que j’aurais dû en prendre quatre pour en faire décorer deux autres à Chouchou avec nos avatars BD. Tant pis. 
Il est 14h et il commence à faire vraiment faim: nous nous garons sur l’avenue Louise pour aller tester le Makisu de la rue du Bailli. Malgré l’heure un poil tardive, la salle est encore blindée de monde. Nous parvenons néanmoins à obtenir une table et à commander. Même avec l’option customisée, le choix de makis et de California rolls reste moindre que chez Sushi Shop, mais le rapport qualité-prix est correct ici aussi, et j’aime bien le petit tempura mix traité façon donburi que je partage avec Chouchou. La soupe miso, par contre, est vraiment trop salée. Une adresse sympa sans être extraordinaire, à fréquenter seulement en dehors des heures de pointe. 
Petit détour chez Allemeersch pour acheter une de leurs délicieuses tartes aux fraises (pas de saison, je sais, et là tout de suite, je m’en cogne), puis retour à la maison et déchargement de tout le barda. J’ai monté des dizaines et des dizaines de meubles Ikea dans ma vie; j’ai un doctorat avec double spécialisation Expedit/Billy. Franchement, je suis une championne olympique de la notice de montage muette. Hé bien ces deux cons de buffets manquent me rendre chèvre quand même. Pas une seule vis, que des trucs à emboîter – mais sur une telle longueur que quand ça clique d’un côté, ça sort de l’autre. Impossible à faire seul, et à deux, clairement, on risque son couple. Les séances de thérapie conjugale de l’été 2011 étaient de toute évidence un investissement plus que rentable à long terme, car nous réussissons à finir sans divorcer avant même de nous être mariés. Mais je ne vous cache pas que ce fut rude. 
Nous laissons le chantier inachevé pour partir chez un couple d’amis qui attendent un heureux événement. Quand je trouve le monde un peu dur avec moi, les bonnes nouvelles des autres me mettent du baume au coeur et me rappellent qu’un jour, je redeviendrai gaie moi aussi. Je complote déjà pour crocheter une couverture de naissance au futur enfant, partant du principe qu’un cadeau fait main ne se refuse pas et doit même obligatoirement être accepté avec un air extatique. Je sais, je suis diabolique. Mini-madeleines à la pistache, tajine de poulet au citron confit, tarte aux fraises, Bourgogne et thé à l’orange. Surtout: pelotage éhonté d’un des deux chats de la maison, gros pépère noir et blanc super placide qui se laisse tripoter sans broncher par Chouchou et par moi. Nous ne revenons pas sur notre décision de ne pas reprendre de chat tant que nous vivons dans ce (très) petit appartement et bougeons beaucoup, mais ça me manque terriblement. 
Chouchou dort debout – ou assis, ou vautré par terre -, et nos amis semblent eux aussi un peu fatigués par leur semaine. Nous prenons congé vers 23h et rentrons nous faire une nuit exceptionnellement prolongée par le passage à l’heure d’hiver. En relevant ma boîte mail avant d’aller dormir, j’y trouve un message signé de mon père. Je comprends que ma mère ait voulu conserver son adresse, mais voir « Abel T: news » sur l’écran de mon ordi avec la date du jour, ça me retourne un tout petit peu le coeur… Comme ça doit bien faire douze heures que j’ai les yeux secs, je pleure un coup pour la bonne mesure. 
 Après 
(mais ça n’est pas terminé, il faut encore virer le vieux poste Panasonic 
pour le remplacer par un écran plat, un de ces 4…)
Dimanche matin, Chouchou part chez sa mère lui installer son nouvel ordinateur pendant que je réarrange le coin salon et fais le ménage de la cuisine et de la salle de bain. Lorsqu’il rentre, j’improvise une brouillade aux courgettes pour qu’on mange vite et qu’il puisse attaquer sa part du ménage. Pendant ce temps, je lis un des trois bouquins achetés la veille. « Intuitions », histoire de secrets de famille dans un milieu bourgeois, se révèle assez désastreux sur le plan du style avec une narration laborieuse, des personnages en carton et des dialogues qui sonnent atrocement faux. Je suis bien contente de ne l’avoir payé que 3 euros: il ne les vaut même pas. 
Nous sommes censés aller voir le dernier Tim Burton à la séance de 17h30. Trois quarts d’heure avant, Chouchou finit par suggérer que peut-être, ça n’est pas une très bonne idée vu que ça parle d’un petit garçon qui a perdu son chien qu’il aimait beaucoup et qui tente de le ressusciter. Avec toute la dignité et la maturité qui me caractérisent, je me mets alors à sangloter que je veux qu’on me rende mon papa. Hum. Une autre fois, le ciné, donc. Au lieu de ça, je me lance dans la confection d’un flan à l’ananas avec le spécimen réunionnais rapporté par mon oncle la semaine dernière. J’avais oublié combien c’est fourbe, un ananas, encore plus chiant à éplucher qu’une tranche de courge. Et bien que je suive la recette à la lettre, le résultat final ne ressemble pas du tout à la photo: l’ananas a rendu beaucoup d’eau, si bien que l’appareil ne s’est pas solidifié correctement à la cuisson. 
Si j’ajoute à ça qu’il fait maintenant nuit avant 18h, je crois que l’univers tente de m’envoyer un message: ce deuxième semestre 2012 est à jeter, et je ferais mieux d’aller hiberner sous la couette jusque début 2013. 

10 réflexions sur “Autopsie d’un week-end”

  1. J'ai l'impression de me répéter, mais comme je te comprends ! De vieux souvenirs que je croyais enfouis ne cessent de resurgir. J'ai l'impression que mon coeur pèse une tonne et je fais tout un peu mécaniquement. La vie continue, mais j'ai l'impression d'en être la spectatrice et non plus l'actrice. J'ai des tonnes de choses à faire, les enfants, le boulot, un partenariat pour le blog mais j'ai moi aussi envie de sangloter en réclamant ma maman. Et j'ai bien du mal à croire que la peine finira par s'estomper avec le temps…

  2. *Trouve que les nouveaux buffets rendent très bien*
    Hiberner un peu fait du bien, parfois…
    Des gros bisous

    Mélusine

  3. Oh, la galère ces buffets!
    Non seulement ils ne sont pas simples à monter mais en plus, les plaques en métal font UN BRUIT DINGUE!

    ( J'en profite pour t'envoyer des petites ondes douces et positives. From Bruxelles, ça ne devrait pas mettre trop de temps à arriver jusqu'à toi ;o) )

  4. Tu me tentes, avec ton envie d'hiberner ! Moi qui ne supporte pas le froid…
    Mais en même temps, je suis sûre que plein de choses agréables vont arriver aussi !

  5. Un petit chat, ça se cale bien, même dans un petit appartement. Notre Mémé (nom du chat, oui, oui) en est fort aise. Après, je pense qu'il vous faudra aussi du temps, et que vous avez bien autre chose à penser en ce moment.

  6. Isa: j'hésite à changer mon fond d'écran, une jolie photo prise il y a un an où on le voit avec ma mère et mes neveux: chaque fois que je la vois, j'ai envie de me mettre à chialer…
    Mélu: merci, je trouve aussi!
    Oré: on n'a pas peu de soucis de bruit, juste de coordination.
    Sunalee: ouais, il va falloir un peu plus que des choses "agréables" pour justifier ma non-hibernation.
    Nelly P: le manque de place n'est pas la seule raison, nous sommes souvent absents…

  7. Salut -je suis tombé sur ton blog en faisant une recherche sur le livre "Committed" d'Elizabeth Gilbert. hehe 🙂

    Quelle belle trouvaille! Tu écris tellement bien.

    J'adore les nouveaux meubles…le rouge, super!

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