Un jour, vingt ans

Récemment, j’ai eu l’occasion de voir le film tiré du roman de David Nicholls « Un jour », dans lequel on suit une fille et un garçon pendant 20 ans à travers ce qu’ils font chaque 15 juillet – à la date-anniversaire de leur rencontre. Et j’ai eu envie de me livrer au même exercice à travers mes propres carnets. J’aurais pu choisir une autre date, plus significative pour moi, mais je trouvais justement ça bien qu’elle ne corresponde à rien de spécial dans ma vie.

J’ai envisagé un instant de commencer avec mes journaux intimes, vers la fin des années 70. Le problème, c’est que je n’écrivais pas tous les jours et que de plus, vers l’adolescence, il y a des choses sacrément intimes là-dedans. Or, même si ça ne saute pas aux yeux de prime abord, mon exhibitionnisme affectif a ses limites. Je me suis dit que 20 ans en arrière, c’était bien. D’autant que si j’ai continué (de manière plus ou moins sporadique) à tenir un journal intime sur papier jusqu’en l’an 2001, à partir de 1991, j’ai pris l’habitude de noter mes activités sur un agenda. Vous aurez donc droit à la version expurgée de mes frasques! 

De 1991 à 1996: recharges d’agenda Memonizer en 11×17

Le 15 juillet 1991, je venais de finir mes études à Sup de Co Toulouse (spécialisation: Gestion de Produits de Grande Consommation), et je préparais le FSO chez un personnage dont j’ignorais encore combien il était douteux… Cette année-là, je me suis payée une petite aventure avec un Anglais à longs cheveux blonds et yeux bleus, et j’y ai laissé les genoux d’un jean sur le carrelage de la salle de bain commune du fort Faron. Oh well.

Le 15 juillet 1992, je cherchais du boulot après un ou deux premiers jobs hautement insatisfaisants, et j’avais des goûts de chiottes en matière de cinéma. Je pratiquais toujours assidûment le jeu de rôles et venais de faire la connaissance de la bande d’Aix-en-Provence. Accessoirement, je commençais à utiliser des petits dessins pour symboliser mes ébats sexuels.

Le 15 juillet 1993, je passais ma journée de repos hebdomadaire à Aix, mais bossais depuis quelques temps au Toys’R’Us de Monpatelin – boulot que je haïssais et qui devait m’envoyer à Nantes à la fin de l’été, pour mon plus grand désarroi.

Le 15 juillet 1994, j’étais mariée depuis 11 jours; je faisais un pseudo-stage de commerce international à la boutique de JdR de Nantes, et je me fâchais avec O&L. C’est cet été-là que j’ai commencé à faire de la traduction professionnellement, pour Hexagonal qui distribuait la gamme White Wolf en France.

Le 15 juillet 1995, je traduisais la seconde (ou la troisième?) édition du Dungeon Master Guide. C’était l’époque où je bossais 6 jours par semaine, 51 semaines par an. Pas facile de gagner sa vie en free lance quand on débute…



Le 15 juillet 1996, je n’ai aucune idée de ce que je traduisais: un bouquin dont le titre commençait par un M. J’avais depuis quelques mois fait la connaissance de JC et, par l’intermédiaire de sa société Arena, lâché le JdR pour passer aux romans tirés de JdR. Même si rien ne l’indique dans ces pages, mon mariage commençait un peu à sentir le gaz.

1997: rien (pour moi)
Je n’ai pris conscience de l’absence d’un agenda cette année-là qu’en fouillant mes archives pour rédiger ce billet. En réfléchissant bien, je n’ai pas le souvenir d’en avoir tenu un. Ca a été une année difficile, celle où j’ai divorcé et où je suis partie cuver ma déprime dans un bled paumé en Pennsylvanie. Même au fond du trou, je regrette de n’avoir pas pris le temps de documenter cette période de ma vie… 
Par contre, et de manière assez curieuse, je possède quand même un agenda rempli pour cette année-là: celui de mon grand-père, que j’ai récupéré après sa mort. C’est un document très précieux pour moi, et une des premières choses que je sauverais si ma maison brûlait. J’aime regarder sa belle écriture d’ex-prof de français, lire ses observations sur la météo du Puy-en-Velay, sur ses récoltes potagères ou sur ses vieux amis, ponctuées ça et là d’une attaque en règle (et en majuscules) contre l’Eglise!

De 1998 à 2003: agendas du Disque-Monde, tous plus merveilleusement drôles les uns que les autres. J’ai beaucoup regretté que la série ne continue pas (même si elle fera un retour exceptionnel en 2008).

Le 15 juillet 1998, j’étais rentrée à Monpatelin, je sortais avec Etre Exquis et je faisais du bénévolat chez les Petits Frères des Pauvres. A un moment donné, aussi, je me suis retrouvée à regarder la finale de jeséplukoi, un match de foot que la France a gagné 3-0 contre le Brésil.

Le 15 juillet 1999, nous ne saurons pas ce que je faisais car dans un accès de cruchitude aiguë, j’ai photographié la page du 15 juin de cette année-là. Où, apparemment, je n’ai rien fait qui mérite d’être mentionné. Par contre, derrière la photo du repas de fin d’année de mon cours d’aïkido (auquel l’Homme assistait avec sa future femme, qu’il avait déjà trompée avec moi une fois), à la date du 18 et du 19, il y a le mariage de Soeur Cadette.

Le 15 juillet 2000, j’étais donc en pleine liaison clandestine avec l’Homme qui m’envoyait des textos romantico-sexy que je notais en majuscules, sans toutefois se décider à quitter sa femme. A la page suivante, un de ces textos dit: JE VEUX ETRE GRAND-PERE AVEC TOI. I’m sorry, have we met??? Les petits coeurs à l’envers, qui symbolisent astucieusement (ou pas…) une paire de fesses, indiquent le nombre de jours où nous nous étions envoyés en l’air depuis novembre de l’année précédente. Une bonne petite moyenne, comme on peut le constater.

Le 15 juillet 2001, Attila venait de naître. La femme de l’Homme avait fini par le quitter d’elle-même et nous commencions juste à nous afficher publiquement dans les stages d’aïkido. Et oui, je suivais assidûment Loft Story. Nobody’s perfect.

Le 15 juillet 2002, l’Homme et moi étions partis en Toscane à moto. C’est la semaine où il y a eu des inondations historiques dans le nord de l’Italie. Des vacances très inspirées – et mouillées, trèèèès mouillées. J’ai détesté Florence mais adoré Sienne, la campagne toscane et surtout la bouffe italienne juste sublime.

Le 15 juillet 2003, JC m’annonce le dépôt de bilan d’Arena. Je continuerai à travailler pour nos anciens clients, mais en direct désormais. Je gagnerai, du coup, beaucoup mieux ma vie mais regretterai toujours le travail d’équipe que nous faisions avec lui, sa soeur Zorro et quelques autres. Ce week-end-là, nous montons dans ma famille lyonnaise avec l’Homme qui a un stage dans le coin. J’ai arrêté l’aïkido depuis un moment, ne supportant pas bien de recevoir sur le tatami des ordres du type avec qui je vis.

2004: agenda Days de Susan Branch, une illustratrice américaine dont j’aimais beaucoup les dessins naïfs à l’époque

Le 15 juillet 2004, l’Homme et moi sommes en vacances à Canari, un petit village du cap corse où des amis à lui possèdent une maison. J’adore les amis en question, mais le plan plage ou balade en moto sur des routes avec tellement de virages qu’on fait maximum du 25 km/heure, bof. Je bloogue depuis le mois d’avril, mais pas encore assez assidûment pour qu’internet me manque pendant ce séjour.

2005: agenda New York 

Le 15 juillet 2005, je n’ai rien foutu d’assez important pour détrôner la photo de « Charlie et la chocolaterie », que je n’ai pourtant qu’assez moyennement apprécié. J’étais en pleine traduction à la chaîne des romans inspirés de « Buffy contre les vampires »; je crois que j’ai bien dû m’en taper une quarantaine en tout… Au mois d’août cette année-là, j’ai fait mon premier voyage de touriste dans l’ouest américain avec les VIP.

2006: agenda Oxford à couverture en plastique fuchsia

Le 15 juillet 2006, l’Homme et moi étions séparés depuis 3 mois (mais je ne m’étais pas encore rendu compte qu’il me trompait depuis le début de l’année). Je venais de renouer avec Captain, et j’étais allée le voir à Nantes. Dès l’instant où je l’avais aperçu à l’aéroport, j’avais su que ça ne collerait pas. J’ai quand même essayé, et renoncé quand il est à son tour venu me rendre visite au mois d’août. En octobre, j’ai rencontré Chouchou que je connaissais online depuis plus de deux ans et lui aussi célibataire depuis peu. C’était aussi le dernier été que mes parents passaient à Monpatelin avant d’aller s’installer à Toulouse pour la naissance de Cahouète. 

2007: agenda Paperblanks, mon plus grand à ce jour. Son rabat magnétique n’est pas pratique du tout vu que j’ai collé des tas de trucs à l’intérieur…

Le 15 juillet 2007, Chouchou et moi dépensions beaucoup de sous en billets d’avion Bruxelles-Monpatelin et vice-versa. Nous avions déjà nos habitudes au Comptoir Florian et au IIème Elément. Je crois qu’il a fait beau cet été-là en Belgique. 

2008: agenda du Disque-Monde (le retour, donc)

Le 15 juillet 2008, Chouchou et moi passions de chouettes vacances à Toulouse. La veille, nous avions vu le sublime feu d’artifice de Carcassonne.

2009: agenda Bookbinders

Le 15 juillet 2009, c’est en train que je fais Monpatelin-Bruxelles. Résistants aux sirènes du téléchargement, Chouchou et moi attendons que les séries télé que nous aimons sortent en DV pour les regarder: cet été-là, c’est la saison 4 de How I met your mother qui occupe nos soirées.

2010: agenda Pénélope Bagieu, dédicacé sur la page de garde

Le 15 juillet 2010, la Belgique subit une canicule qui nous a forcés à acheter un ventilateur quelques jours plus tôt. (Inutile de préciser que depuis le 20 juillet 2010, le ventilateur en question prend la poussière en haut d’un meuble, et que les accessoires indispensables de l’été depuis lors ont plutôt pour nom « couette double épaisseur » et « pulls en cachemire ».) Mon père est déjà malade mais, à cause du ralentissement des services hospitaliers pendant les grandes vacances, nous ne l’apprendrons qu’en septembre, la semaine après qu’il ait enterré sa mère.

2011: agenda Margaux Motin



Le 15 juillet 2011, Chouchou et moi sommes de nouveau en vacances à Toulouse. Nous suivons une thérapie conjugale depuis peu et ce n’est pas la joie entre nous. Chez mes parents où nous logeons et où il n’y a pas grand-chose à faire, je confectionne des zombies en feutrine. 

2012: agenda Moleskine Pacman. Pour toute la première fois tou-toute premières fois, j’ai choisi un agenda avec une page par jour plutôt qu’une double page par semaine, parce que j’avais envie de pouvoir y écrire plus de choses. Je comptais aussi dessiner un peu dessus, mais c’est resté au stade de l’intention pieuse (le papier très fin n’est de toute façon pas idéal pour ça). Par contre, je ne vous montrerai pas ce que j’y ai marqué aujourd’hui, pas même par un edit demain matin: si j’avais l’intention de le faire, ça orienterait le ton et la teneur de mes notes…

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9 réflexions sur “Un jour, vingt ans”

  1. Le plus étonnant me parait être que ton écriture n'a pas changé du tout. La mienne évolue de façon permanente.

  2. J'adore l'idée! Je serais incapable d'en faire autant vu que je n'ai pas tenu d'agenda papier aussi assidûment que toi…
    J'adore celui de ton grand-père… Et je me souviens de l'histoire du ventilo, tu en avais parlé sur ton blog!! ^_^

  3. Je t'envie vraiment d'avoir conservé ces traces, elles sont tellement précieuses ! J'ai commencé à faire la même chose il y a 5 ans seulement et j'aurais vraiment aimé l'avoir fait plus tôt.

  4. nelly poignonnec

    C'était un vrai plaisir de faire ce voyage dans le temps ! Curieusement, j'ai fait la même chose pendant des années, et lorsque je retombais sur mes carnets, au gré des déménagements, je ne pouvais m’empêcher d'éprouver de la honte. Incompréhensible.

  5. J'adore cet article ! Et tu me donnes envie de me mettre à écrire quelques lignes dans mon agenda actuel afin de pouvoir en avoir une trace dans vingt ans … J'adore le bond en arrière et le chemin parcouru que ça te fait prendre conscience.
    Félicitations pour l'idée,
    Belle soirée à toi

  6. Moi j'ai rapatrié tous les albums photos de quand j'étais petite et scanné quelques photos, mais c'est vrai que je regrette de n'avoir jamais beaucoup noté de choses, surtout dans les années 90. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé, j'ai une série de carnets avec la première page remplie…

  7. C'est une obsession chez moi, j'archive toute ma vie au fur et à mesure et ce, depuis toute petite. Mes agendas ne sont que la partie visible de l'iceberg 🙂

  8. Native american music has a set of elements – 'Raag'
    and 'Taal'. Besides the increase in financial turnover, the juvenile
    talents get required exposure.

    Stop by my weblog: leczenie boreliozy

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