Elle m’intrigue, cette fille qui attend avec nous le car touristique censé nous emmener au Blue Lagoon. 22 ans environ, de longs cheveux châtain-roux, un visage aux traits fins couverts de taches de rousseur, elle ne porte qu’un T-shirt corail un peu large par-dessus son pantalon chocolat. Pourtant, il fait à peine 10 ou 12°. Et surtout, elle tient le guidon d’un vélo qu’elle fait embarquer dans la soute à bagages. Je me demande bien ce qu’elle compte en faire dans un spa géothermal…
La réponse m’est fournie une demi-heure plus tard, quand le chauffeur s’arrête au beau milieu d’un champ de lave. La fille descend du car, récupère son vélo, l’enfourche et s’éloigne en pédalant à travers le paysage désertique. Nous nous regardons sans comprendre. Intriguée, je lâche: « Je serais curieuse de connaître son histoire ». Puis le car redémarre pour faire les 20 ou 30 kilomètres restants jusqu’au Blue Lagoon; la journée se passe en délices aquatiques, et j’oublie complètement la mystérieuse cycliste.
Le soir, à 18h, nous remontons dans le car fourbus mais ravis… et là, nous voyons arriver la fille et son vélo. Grand moment de perplexité. Elle s’assoit juste derrière nous et commence à bavarder avec un jeune Brésilien qui voyage seul lui aussi. Elle vient de passer 5 heures à pédaler sans croiser personne, et elle a trouvé ça génial. Elle s’appelle Anna; elle est suisse-allemande, parle une demi-douzaine de langues, fait des études de commerce international et, pendant ses vacances, elle voyage. Elle a déjà arpenté une bonne partie de l’Europe et passera l’été au Kirzghistan: un mois de cours pour perfectionner son russe, un mois à travailler pour une ONG. Il émane d’elle une assurance tranquille étonnante chez quelqu’un d’aussi jeune. Le Brésilien, lui, s’appelle Rodrigo. Il est backpacker à l’année, vivant de petits boulots qu’il garde quelques semaines avant de reprendre la route.
Je les écoute parler, et je les envie follement. A leur âge, j’étais bien trop timorée pour voyager seule hors des sentiers battus du tourisme de masse, bien trop persuadée que le monde me mangerait toute crue. Et aujourd’hui, je tiens trop à mon petit confort. De toutes les erreurs que j’ai pu commettre, de toutes les choses que je ferais différemment si je pouvais recommencer ma vie, ceci est mon plus grand regret: avoir gaspillé sur les bancs d’une « grande » école dont le diplôme ne m’a jamais servi à rien les années où j’aurais pu parcourir le monde avec insouciance, avant de me poser pour construire une vie plus riche de toutes les merveilles que j’aurais vues et de toutes les rencontres que j’aurais faites.
Waw! Cette anecdote a le don de me faire rêver. Les inconnus libres et voyageurs me fascinent toujours. Ces gens se donnent la liberté de vivre un peu différemment de la masse, de voyager pour rencontrer le monde. Parfois, je m'en veux de ne pas avoir l'audace de les aborder… ou de faire comme eux.
Je n'ai pas ce regret car je ne sais pas si j'aurais pu partir ainsi à l'aventure. Je ne crois pas que cela convienne à mon tempérament angoissé. Mais, comme toi, je les admire et je leur envie cette liberté, cette assurance et cette insouciance.
Merci pour cette belle anecdote 🙂
J'ai un peu les mêmes regrets que toi : ne pas m'être d'avantage enrichi par les voyages et avoir préféré à une époque un certain confort. Mais parfois les circonstances choisissent pour toi.
Sparkes
Pareil…On a rencontré une canadienne photographe de 22 ans qui faisait le tour de l'ile à pied, et en bus. J'etais un peu envieuse, et admirative. A 22 ans, j'avais fini des études qui m'avaient plus moyennement, et je travaillais déja, sans avoir pris le temps de voyager, et faire ce genre d'experience.
C'est un peu tard pour s'y remettre, mais rien n'empêche d'explorer, partir, rencontrer des gens au bord de la route 😉
Sublime article tout simplement. Je comprends ce regret et je pense qu'il est commun à beaucoup de personnes. Moi-même j'aimerai avoir cette liberté, ce grain de folie qui me permettrait de partir sac au dos explorer le monde et partir à la découverte d'autrui. La vraie richesse en somme ! J'en rêve souvent mais le plus difficile c'est de se lancer et il est probable que cela n'arrivera jamais… Mais j'aime me dire qu'il ne tient qu'à nous de réaliser ces rêves fous s'il nous tiennent vraiment à coeur:)
on ne se refait pas, moi aussi je suis trop timorée et angoissée pour voyager comme ça… je le fais par procuration sur les blogs de mes copines globe-trotters… et j'invente des vies rocambolesques aux aventurières qui croisent mon chemin en rêvant qu'un jour, je serai écrivain… soupir